Uninominale/proportionnelle/partitocratie
Etienne (2293).
D’accord que le scrutin uninominal à deux tours présente des inconvénients : il a néanmoins pour lui le principe démocratique (la moitié des voix + 1), et on ne peut le considérer comme inique que si l’on rejette ce principe.
Si l’on passe à la proportionnelle, un seul système est acceptable démocratiquement parlant : la proportionnelle intégrale sur la base « un député par X électeurs ». La proportionnelle partielle est (démocratiquement parlant) inacceptable dans son principe. En effet, supposons qu’on fixe la barre à 5 % : comment justifier en démocratie que la voix d’un électeur appartenant à un groupe 4, 99 % ne sera pas comptée alors que celle d’un électeur appartenant à un groupe 5 % le sera ? Ou alors, on en viendra aux apparentements (comme sous la IVe république), avec les résultats qu’on sait.
D’ailleurs, la proportionnelle partielle ne diffère pas de l’uninominal à deux tours dans son principe : il s’agit dans les deux cas de dégager plus ou moins facilement (moins facilement avec la proportionnelle partielle) une majorité de gouvernement.
Je crois que le système de la Ve république représente dans l’ensemble un excellent équilibre : il y a un président élu sur la base de grandes orientations : faute de mieux, disons plutôt à gauche ou plutôt à droite - c’est-à-dire selon une distinction très claire parfaitement comprise de l’électorat. Toutefois, je modifierais la constitution pour expliciter que le président, une fois élu, ne représente plus la majorité de l’électorat mais l’ensemble des Français, et qu’il doit lui être interdit de se conduire en chef de majorité, même si son rôle devrait consister à maintenir les orientations générales sur lesquelles repose son élection : sachant que c’est le gouvernement qui gouverne, et que le président de la Ve république n’a jamais été un monarque - même sous de Gaulle, malgré son énorme influence.
L’élection législative permet au peuple de corriger ou d’équibrer ces orientations par une politique gouvernementale qui peut, on l’a souvent vu, ne pas correspondre à la sensibilité politique du président. La possibilité de cohabitation est à cet égard une avancée majeure de la Ve république : elle donne la possibilité aux deux tendances majoritaires d’être représentée simultanément au double exécutif président-gouvernement. D’autre part, la possibilité de dissolution du parlement permet d’éviter les blocages du système présidentiel classique (celui des EUA par exemple).
Donner toutes les responsabilités politiques et institutionnelles au chef du gouvernement issu du parlement serait, je le maintiens, revenir à la partitocratie de la Ve république.
Peut-être que la solution du problème représentatif tient à une réforme du Sénat, qui serait élu, lui, au suffrage universel intégralement proportionnel sur une base régionale avec des pouvoirs législatifs permettant de compenser l’élection uninominale à l’assemblée.
Cordialement. JR
PS : Étienne, vous écrivez : « La quatrième valait mieux que la cinquième : mieux vaut un vrai débat au prix d’une certaine instabilité que l’assassinat du débat pour garantir la stabilité ». "
Vrai débat", sous la IVe ? Oui, entre partis représentés à l’Assemblée - mais le peuple français était laissé complètement à l’écart des jeux politiciens : par exemple, il est allé se battre en Algérie (et auparavant en Indochine) sans qu’on lui demande vraiment son avis. Sans doute faut-il l’avoir vécu soi-même pour en être convaincu : on a raison de dire que les expériences personnelles sont incommunicables !
Enfin, rien n’empêche de réformer la constitution de la Ve de manière à rendre le Parlement plus autonome dans ses débats.