1B Ce n'est pas aux hommes au pouvoir d'écrire les règles du pouvoir

[bgcolor=#FFFF99]« Le ministre de l’Intérieur allemand appelle à interner et à exécuter des personnes suspectées de terrorisme »[/bgcolor]
par Peter Schwarz :
http://www.wsws.org/francais/News/2007/juil07/140707_ministre.shtml

Mon commentaire : notre propre négligence, notre indifférence au sort d’autrui, notre incrédulité devant l’évidence,
permettent aux tyrans de grandir, puis de sévir. Non, ce n’est absolument pas la faute « des autres ».

Une Constitution bien écrite et bien surveillée — à tout moment et par les citoyens eux-mêmes — ne laisserait pas un tel poison se répandre.

Je trouve cet article proprement effrayant.

La démocratie dépend directement de notre responsabilité individuelle, n’est-ce pas ?

[bgcolor=#FFFF99]Alerte ! Le MEDEF veut réécrire la Constitution antifasciste de 1946, reprise en 1958.[/bgcolor]

J’ai reçu ce message important de Luc Douillard, et je trouve cette information très préoccupante ; je la relaie donc telle quelle, avec cette peur au ventre qui grandit que toutes nos protections institututionnelles finissent par disparaître par l’incroyable trahison de nos propres « représentants » qui se sont arrogé le droit de réviser eux-mêmes la Constitution, sans aucun contrôle de notre part…

Alerte ! Le MEDEF veut réécrire les principes antifasciste de la Constitution de 1946, dont son préambule, issu de la Résistance et conservé en 1958. Dans un entretien daté de ce 30 août, Laurence Parisot propose déjà trois défigurations de l’oeuvre juridique de la Résistance et de la Libération.
Bonjour, en décembre dernier, nous avions déjà été alertés par un étonnant éditorial de Jean-Marc Vittori, dans le journal économique “Les Echos”.

Voir :
http://lucky.blog.lemonde.fr/2006/12/05/433/

Cet éditorialiste très partisan appelait à la disparition de ce “fichu” préambule de la Constition de1946, directement inspiré du programme social du Conseil national de la Résistance (1944), dont il reprend les principaux points et quelques autres imposés par le peuple debout lors de la Libération du nazisme : [bgcolor=#FFFF99]droit de grève, liberté syndicale, droit de participation à la gestion des entreprises, égalité homme-femmes, plan complet de sécurité sociale solidaire, appropriation collective des grands service publics et des monopoles de fait, droit à la laïcité, droit à l’instruction et à la culture, etc.[/bgcolor]

http://www.conseil-constitutionnel.fr/textes/p1946.htm

Même si ce texte fondamental n’a pas été suffisamment défendu et appliqué par les forces de gauche depuis soixante-ans (notamment le droit à l’emploi), il a été réaffirmé solennellement par la Constitution de 1958, sans qu’on ose y toucher, et de ce fait, il est aujourd’hui fréquemment utilisé par les juges constitutionnels pour retoquer les lois les plus antisociales ou antidémocratiques qui surviennent, au nom des “principes fondamentaux reconnus par les lois de la République”. C’est donc un recours bien actuel et tangible, que nous devons à nos aînés réunis au sein de la Résistance antifasciste.

Or, le nouveau président Sarkozy vient d’installer au mois de juillet un comité de réflexion de “modernisation”, présidé par Edouard Balladur, visant à proposer une réforme de la Constitution qui serait adoptée très vite, avant les élections municipales de l’année prochaine !

À ce propos, voir notamment :

http://www.droitpublic.net/spip.php?article1943

Pour ce faire, le gouvernement a débauché des personnalités de gauche comme Jack Lang, car il a un besoin impératif des voix de parlementaires PS et PC pour modifier la Constitution. (En effet, celle-ci ne nécessite pas un référendum, mais il faut quand même une majorité qualifiée de 3/5 des parlementaires, les députés et sénateurs réunis ensemble en congrès, majorité qualifiée que l’UMP et le Nouveau centre n’atteignent pas à eux seuls.)

Finalement, on comprend que certaines dispositions clairement anti-sociales du Traité constitutionnel européen n’ayant pas pu être gravées dans le marbre lors du référendum manqué de 2005, la tactique du grand patronat (absent à l’époque du Conseil national de la Résistance, et pour cause) consiste désormais à modifier et à verrouiller directement à son profit la Constitution républicaine.

Or qu’apprend-on aujourd’hui ?

Dans un grand entretien paru dans “Le Monde” de ce jeudi 30 août, page 9, Laurence Parisot “veut aller plus loin”.

Elle propose notamment trois modifications de la Constitution française (et a déjà écrit à Edouard Balladur pour cela !) :

1 - « L’inscription de la liberté d’entreprendre, comme en Espagne. La révolution stratégique passe par là ». (« Avec la même valeur constitutionnelle que le droit de grève » demande le Monde ? « Exactement », répond Laurence Parisot.)
(Notre commentaire : Cet hommage un peu démagogique au libéralisme peut faire sourire de la part du MEDEF, quand on constate actuellement que le nouveau capitalisme financier prend chaque jour un caractère un peu plus bureaucratique et monopolistique, peu favorable en fait à la véritable liberté d’entreprendre, individuelle ou collective au sein du mouvement coopératif. Mais s’il s’agit de contrer le droit de grève, Paris vaut bien une messe.)

2 - « Le droit du contribuable à une fiscalité juste, non confiscatoire, non rétroactive, limitant son impôt total à 50% du revenu, comme en Allemagne. »
(Notre commentaire : Ne pas sourire de cette obsession antifiscale, et de ce vocabulaire si peu constitutionnel.
De toutes façons, [bgcolor=#FF66FF]pour Laurence Parisot, le plus important est le point n°3[/bgcolor].)

3 - « Le droit à la négociation ? » (question du Monde). « Oui, nous l’avons déjà dit dans une lettre adressée à Edouard Balladur, président du comité pour la révision de la Constitution. [bgcolor=#FF66FF]Nous voulons que les accords entre patronat et syndicats aient une valeur identique à la loi. [/bgcolor]»

(Notre commentaire : Et ce serait là une véritable révolution juridique antidémocratique aux conséquences incalculables. Sous couvert de « droit à la négociation » (Laurence Parisot se vante également d’une « véritable ère de démocratie participative », il fallait oser), [bgcolor=#FFFF99]il s’agirait d’obliger à négocier sous le chantage permanent, donc de vider de son contenu la Loi, expression démocratique (même imparfaite) de la volonté générale, avec ses garanties valables pour tous, pour y substituer des accords plus ou moins secrètement négociés entre des officines aucunement représentatives de leurs milieux sociaux. Qu’il s’agisse du MEDEF, si peu représentatif des petits et moyens entrepreneurs, ou de bureaucraties syndicale minoritaires comme le Bureau national inamovible de la CFDT, qui n’hésite pas à faire la courte échelle au MEDEF et au gouvernement, sans jamais consulter les salariés, ni même ses propres adhérents.[/bgcolor]

Et ces accords remplaçant la Loi seront-ils négociés publiquement ? On peut en douter, quand on voit le “non-accord” (un accord secret non publié !) conclu dernièrement entre les syndicats et le MEDEF, dont on a appris l’étonnante existence au début juillet.

Voir à ce sujet :

http://lucky.blog.lemonde.fr/2007/07/10/accord-discret-entre-medef-et-syndicats-pour-accompagner-delocalisations-et-dumping-social-waterloo-du-droit-social-vauvenargues-et-le-smic-mondial/

L’heure est donc grave. Quels autres projets méconnus fourbissent en secret Messieurs Sarkozy et Balladur, Madame Parisot, pour défigurer l’oeuvre de la Résistance et de la Libération anti-nazie ? Le saurons-nous à temps, une fois que nous aurons percé les nuages de fumée des feuilletons attrape-nigaux du type Laure Manaudoux, Cécilia, Lustiger et compagnie ? Sarko veut-il s’offrir une Constitution sur mesure, comme le jeune Bonaparte en son temps ?

Sans attendre, nous devons tous et toutes alerter sur cette menace réelle sur la Constitution, empêcher qu’on jette à la poubelle des idéaux pour lesquels tant de Résistants ont souffert et sont morts.
À nous qui vivons un demi-siècle plus tard, nous devons rester dignes d’eux.
Interpellons dès maintenant les parlementaires pour que jamais ils ne votent la défiguration de la Constitution et de son préambule de 1946. Avertissons-les que l’opinion publique est déjà alertée.
Parlons-en dans nos syndicats et associations.

Et en mars prochain, célébrons ensemble l’anniversaire du programme social et démocratique du Conseil national de la Résistance (14 mars 1944), et l’Appel des Résistants aux jeunes générations proclamé le 8 mars 2004.

Attac France - Un autre monde est possible


On a élu le candidat du MEDEF, on va le payer cher, apparemment, et longtemps :frowning:

C’est à pleurer.

[bgcolor=#FFFF99]« Résistance démocratique - La répression politique s’étend aux États-Unis »[/bgcolor]
par [b]Naomi Wolf/b :

[i]Depuis cinq ans, nous alertons l’opinion publique mondiale sur la volonté de l’administration Bush de transformer les États-Unis en État autoritaire. Notre analyse, qui s’appuyait sur l’étude de projets de loi, n’a pas été alors prise en considération par certains en raison du choc psychologique du 11-Septembre. [b]Ce qui était une intention est désormais une réalité, les textes sont mis en pratique : [bgcolor=#FFFF99]le nouveau régime intimide, harcèle et en définitive muselle ses opposants.[/bgcolor][/b] Naomi Wolf recueille des témoignages de cette répression et tente de mobiliser ses concitoyens pour défendre leurs libertés.[/i]

Depuis quelques mois je parcours les États-Unis, du Colorado à la Californie, et je parle avec des États-uniens de toutes les couches de la société sur les questions des libertés, sur les attaques qu’elles subissent en ce moment et sur le programme en dix étapes qui est en cours pour faire de ce pays une société fermée et répressive.

La bonne nouvelle est que les États-uniens se sont réveillés et sont conscients des dangers qui les guettent. Quand je me suis mis en route je pensais que j’allais affronter de l’opposition, de la résistance ou au moins de l’incrédulité quand je parlerais de l’obscurité qui s’étend lentement sur notre pays et l’héritage de liberté que nous ont légué nos ancêtres.

Mais je me retrouve à parler devant des assemblées qui n’ont pas besoin de moi pour être inquiètes. Des gens qui ont peur, qui ont perçu depuis longtemps le danger qui grandit et la société qui se prépare.

À mon grand soulagement, j’ai redécouvert une société états-unienne qui est intelligente et alerte, courageuse et indomptable, des gens qui n’ont pas peur d’entendre des mauvaises nouvelles et d’agir en conséquence. Et ce sont des patriotes, des vrais, qui aiment leur pays à cause des valeurs sur lesquelles il a été construit.

Mais je suis écorchée vive par les histoires que l’on vient me raconter lors de ces réunions. Et je n’arrive plus à lire mes mails ces derniers temps, tellement ils sont pleins de témoignages effarants.

Et partout où je vais, il y a toujours, au moins une fois par jour, une personne dans l’assemblée qui se lève pour parler. Elle a toujours l’air solide et forte, courageuse… et soudain elle va se mettre à pleurer, submergée par la peur, au beau milieu de son témoignage.

L’autre jour, à Boulder, une jeune mère de deux enfants, la trentaine, l’image même de la jeune états-unienne dynamique, s’est effondrée alors qu’elle me parlait : « Je suis outrée par tout ce que j’entends et vois, je voudrais tellement faire quelque chose ! Mais j’ai tellement peur. Je regarde mes enfants et j’ai peur. Comment lutter contre cette peur qu’ils ont planté en nous ? Qu’est ce qui est mieux pour l’avenir et la sécurité de mes enfants ? Est-ce que je dois agir et tenter de changer les choses ou bien me taire et ne pas me faire remarquer ? J’ai tellement peur de me retrouver fichée quelque part. »

À Washington DC, la semaine dernière, un directeur de service dans une administration, ancien joueur de foot, beau gosse, probablement membre du Parti Républicain, m’a confié, loin des micros, qu’il avait peur de signer le papier autorisant le FBI d’accéder à toutes les informations le concernant, comme l’y encourage l’agence anti-terroriste. « Mais en même temps, j’ai peur de ne pas la signer, si je ne le fais pas, je risque de perdre mon boulot, ma maison… c’est comme en Allemagne lors du fichage des fonctionnaires » me dit-il d’une voix résignée.

Ce matin, à Denver, j’ai parlé pendant plus d’une heure avec un très haut et très courageux gradé de l’armée, hautement décoré qui s’est retrouvé sur la liste des personnes surveillées (et interdites de prendre l’avion) parce qu’il a critique la politique de l’Administration Bush. Il m’a montré des documents qui prouvent que non seulement il est surveillé par les services secrets mais que toute sa famille est également espionnée et harcelée. Tout au long de sa carrière militaire, cet officier a mené de nombreuses missions très dangereuses au service de son pays, mais aujourd’hui, quand il me parle de sa crainte que ses enfants soient harcelés par le gouvernement à cause de ses opinions, sa voix se brise.

Ailleurs je suis abordée par une juriste qui travaillait pour le Ministère de la Justice. Un jour elle s’est opposée à « l’interrogatoire musclé » d’un détenu qui subissait une technique reconnue comme étant de la torture. Non seulement elle s’est retrouvée devant une commission de discipline, mais en plus elle a été sujette à une enquête criminelle, a perdu de l’avancement, a vu son ordinateur fouillé et ses mails effacés… et maintenant elle est sur la liste noire et ne peut plus prendre l’avion.

Lors d’une conversation dans une soirée, un technicien informatique travaillant pour une grande compagnie aérienne —et qui ne fait pas mystère de sa sympathie pour le Parti Républicain— m’explique qu’une fois que vous êtes sur la liste, il est impossible d’en sortir. « Même si on te dit que ton nom est effacé, ce n’est pas vrai, nous avons un système double qui n’efface jamais rien. »

Elisabeth Grant, de la Coalition contre la guerre, a montré lors d’une conférence de presse la note manuscrite et le petit drapeau états-unien retrouvé dans sa valise après un voyage en avion. La note disait que l’agence anti-terroriste n’appréciait pas ses lectures.

Comme à l’époque du Mur de Berlin, quand je fais le queue pour me faire fouiller dans les aéroports, je me surprends à passer une nouvelle fois en revue le contenu de mon sac.

L’autre jour, à New-York, je me suis fait violence en jetant à la poubelle un exemplaire du dernier livre de Tara McKelvey Monstering que j’étais entrain de lire. Cet excellent ouvrage dénonce les pratiques d’interrogatoire utilisées par la CIA. Malgré le fait que j’avais acheté le livre dans une librairie grand public en ville… on ne sait jamais, il contient des informations « classifiées » et on pourrait m’accuser de faire le jeu des terroristes en les lisant. (…) Dans mon Amérique à moi, celle qu’on m’a apprise à l’école, on ne se comporte pas comme ça. (…) Et tout le monde me pose la même question : que pouvons nous faire ?

Cette avalanche de témoignages d’abus et d’atteintes aux libertés des citoyens états-uniens montre clairement qu’un réseau criminel et de surveillance est en train de prendre de plus en plus de citoyens innocents dans ses filets. Il est évident que ceci n’a rien à voir avec la démocratie — ni même avec l’habituelle corruption de la démocratie. Et il est clair que nous aurons besoin d’une action plus énergique que de simplement envoyer des lettres à notre député.

Les gens qui viennent témoigner ne sont pas des illuminés anarchistes, Ils sont de toutes les obédiences politiques, conservateurs, apolitiques, progressistes. La première régle d’une société en cours de fermeture ou bien déjà fermée est que ton alignement avec le parti politique au pouvoir ne te protège en rien ; dans un véritable État policier, personne n’est à l’abri.

Je lis mon journal le matin et je n’en reviens pas :

• Sept soldats ont publié une lettre dans le New York Times pour critiquer la guerre : peu de temps après, deux sont morts dont un d’une balle dans la tête tirée à bout portant.

• Une femme comptable de l’armée qui voulait dénoncer les abus et détournements financiers est morte dans son baraquement, abattue d’une balle dans la tête, ici aussi à bout portant.

• Pat Tillman, qui avait écrit un mail à un ami où il envisageait de dénoncer des crimes de guerre dont il avait été témoin : une balle dans la tête.

• Donald Vance, un employé de l’armée qui avait dénoncé des trafics d’armes au sein de l’armée en Irak — kidnappé par des soldats US à l’intérieur même de l’Ambassade US de Bagdad et enfermé et torturé pendants des semaines sur une base militaire US, sans accès à un avocat — et officiellement menacé des pires représailles s’il parlait à quiconque à son retour au pays.

• Et dans le dernier numéro de Vanity Fair un sous-traitant de l’armée qui avait dénoncé des malversations raconte qu’il a été kidnappé par des soldats US masqués et armés, passé à tabac toute une nuit dans un préfabriqué avant d’être expulsé d’Irak le lendemain. L’administration militaire a refusé d’entendre sa plainte et l’a fait éjecter du bureau.

Ce matin le New York Times écrit que le Département d’État (employeur des mercenaires de Blackwater USA) refuse officiellement de coopérer avec le Ministère de la Justice ou le FBI dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de 17 civils irakiens innocents. La Maison-Blanche soutien l’attitude méprisante du Département d’État vis à vis de la justice de ce pays.

Ce n’est pas une information anodine. Mes lecteurs qui ont retenu quelque choses de l’histoire du XXè Siècle seront horrifiés mais pas surpris. La « Deuxième étape » de la fermeture d’une société ouverte est la démonstration par l’État aux citoyens que la force paramilitaire est au dessus des lois du pays et que la loi ne peut donc plus servir de refuge à la dissidence.

En permettant au FBI et à la CIA d’arrêter n’importe quel citoyen états-unien et de le priver de ses droits légaux, le secrétaire à la Justice a fait comprendre aux citoyens US une leçon très simple : Nul d’entre vous n’est à l’abri de l’arbitraire d’État. Nous pouvons venir comme cela nous chante, enfoncer votre porte et vous faire disparaître pour toujours… en toute légalité.

(…) Si l’administration de ce pays annonce publiquement qu’elle ne sanctionnera pas les agissements criminels de ses propres employés en Irak et fera obstacle à la justice — alors est ce que les députés du Congrès auront le courage d’affronter les agissements similaires de Blackwater quand cette société remportera le contrat qu’elle convoite, celui de la sécurité intérieure aux États-unis ?

Ou bien cette force paramilitaire et protégée par l’État sera t-elle assez puissante pour intimider nos représentants — et nous mêmes ?

Est-ce que nous oserons encore manifester dans la rue si nous savons que nous risquons de recevoir le même traitement que les civils de Bagdad, mitraillés depuis des hélicoptères de Blackwater ? Est-ce qu’un député osera proposer une loi contre Blackwater s’il sait qu’il peut se faire tuer d’une balle dans la tête, en toute impunité ?

(…) N’oubliez pas que, dans la situation actuelle, le département de la Sécurité de la Patrie (Homeland Security) a le droit légal de déployer les mercenaires de la société Blackwater dans votre ville dès ce soir.

Naomi Wolf
(*)Journaliste et écrivain féministe. Dernier ouvrage paru : The End of America : A Letter of Warning To A Young Patriot.


Pour ma part, j’ai réagi là : Recul de nos libertés sous prétexte de "sécurité" : NOUS N'AVONS PAS DE CONSTITUTION - Blog du plan C, pour une Constitution Citoyenne, écrite par et pour les citoyens

Je crois que c’est ce fil du forum qui concerne mon texte.

Souplesse ou rigidité de la constitution ; le malaise français.

Pour les partisans de la Véme République, les avantages de notre constitution tiennent au fait que cette constitution en assurant une certaine stabilité, prouvée par la durée de vie de cette république, posséderait également une véritable souplesse d’adaptation. En effet, la constitution de 1958 permet d’accentuer, presque à la demande, soit son caractère parlementariste, soit ses spécificités présidentialistes, par des révisions ciblées qui ne remettraient pas en cause la structure globale de l’édifice. Alors Rigidité ou souplesse à l’heure du dépôt du rapport du comité Balladur?

A l’origine de tendance parlementariste, le régime est devenu présidentialiste par deux réformes concernant l’élection du président de la république ; son élection au suffrage universel, puis l’introduction d’une concomitance entre les mandats présidentiels et législatifs. Aujourd’hui, on s’achemine tranquillement vers un hyper présidentialisme, car on n’a pas voulu, concurremment avec le renforcement du pouvoir exécutif , consolider le pouvoir du parlement. Nous risquons donc de passer d’un régime bâtard appelé doctement dans les manuels « régime semi- présidentiel » à un véritable monstre « caporaliste ». Et ceci est logique puisque l’initiative des réformes institutionnelles est entre les mains du Président de la république. Mais le Président a dans sa bonne volonté compris qu’il fallait lâcher du lest et a donc convoqué un comité Balladur pour essayer cette fois ci de renforcer un peu le rôle du parlement tout en entérinant bien entendu les pratiques présidentielles. C’est la très grande plasticité apparente de notre constitution.

Rigidité quant à la longévité de la Véme république.
Tout d’abord, il est nécessaire de remarquer que le processus normal d’élaboration d’une constitution est la discussion parlementaire par une assemblée spécialement élue à cet effet, appelée « constituante ». Le problème est que notre constitution de la Véme république ne prévoit pas une telle éventualité et n’indique d’ailleurs pas le moyen juridique susceptible de convoquer une telle assemblée constituante. Ainsi, hors un concours exceptionnel de circonstances telle une crise profonde de la société ou à la limite de notre système démocratique, la Véme République a de beaux jours devant elle. La longévité de la Véme république n’est donc due qu’à cette impossibilité de changer tranquillement de numéro constitutionnel. Le seul moyen susceptible d’y mettre fin hormis donc « une révolution » serait l’élection d’un président de la république qui s’engagerait à procéder à cette réforme en utilisant la procédure référendaire de l’article 11 de la constitution. Ce qui équivaudrait selon les constitutionnalistes à un « coup d’Etat » personnel.

Rigidité quant à la révision constitutionnelle.
Selon le site « la vie publique » ; « On parle de constitution « souple » lorsqu’elle peut être révisée par les mêmes organes (assemblée législative ordinaire) et selon les mêmes procédures servant à l’adoption des lois ordinaires. Les constitutions « rigides » ne peuvent être révisées que par un organe distinct (ex : Congrès du Parlement) et/ou selon une procédure différente (ex : référendum) de celles servant à l’adoption des lois ordinaires. La constitution est alors préservée des modifications trop fréquentes. »

Dans la constitution de 1958, la procédure de révision est définie à l’article 89 qui dit ;

[i] - L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République sur proposition du Premier Ministre et aux membres du Parlement.
  • Le projet ou la proposition de révision doit être voté par les deux assemblées en termes identiques. La révision est définitive après avoir été approuvée par référendum.

  • Toutefois, le projet de révision n’est pas présenté au référendum lorsque le Président de la République décide de le soumettre au Parlement convoqué en Congrès ; dans ce cas, le projet de révision n’est approuvé que s’il réunit la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Le bureau du Congrès est celui de l’Assemblée Nationale.[/i]


Il s’agit donc bien d’une « constitution rigide » au sens de la définition donnée plus haut, mais il est nécessaire de faire deux remarques

a) le parlement est de fait exclu de l’initiative de révision.
Une initiative parlementaire de révision ne peut même plus exister depuis l’organisation quasi-simultanée du mandat présidentiel et de l’élection parlementaire. La cohabitation est devenue quasiment-impossible. Il ne peut y avoir une majorité parlementaire distincte de la majorité présidentielle. Il serait donc vain pour l’opposition, de déposer une proposition de révision. Quant à la majorité qui est donc présidentielle, elle laissera bien évidemment à son président l’initiative d’une révision. La réforme constitutionnelle n’appartient plus aux membres du parlement. Il ne peut y avoir de proposition parlementaire de révision.

b) Les citoyens sont exclus de la procédure totale de révision.
Reste donc simplement l’initiative présidentielle, dite « projet de révision ». Mais pour ces projets de révision, toute latitude est laissée au Président pour décider si la révision sera adoptée par référendum ou non. C’est donc un système pervers, car soit le Président veut se faire sa petite adaptation constitutionnelle perso et il passe par le congrès, soit il utilise le référendum en prenant bien soin de le transformer en plébiscite. Car dans ce dernier cas, il a la maîtrise de la procédure de consultation, du temps, de la communication. Il peut ainsi faire en sorte d’éviter un vrai débat public approfondi sur les questions institutionnelles qui par essence, sont complexes.

Et en réalité, les présidents utilisent très exceptionnellement le référendum et préfèrent bien évidemment l’adoption par la procédure du Congrès . La constitution de la Véme république a été révisée dix-sept fois par vingt-deux textes différents depuis 1958, mais seule une révision selon l’article 89 a fait l’objet d’un référendum. (celle de l’an 2000 sur le quinquennat, 72 % de oui, mais 69 % d’abstention). L’autre révision référendaire a été organisée par De Gaulle en 1962, pour décider de l’élection du président au suffrage universel mais selon une procédure dérogatoire et très critiquée de l’article 11 de la constitution.

Ainsi, globalement les citoyens sont toujours absents des débats sur les réformes constitutionnelles et institutionnelles. Les citoyens n’ont aucun droit d’initiative dans la procédure, mais en plus, ils sont exclus des débats. Le commission de révision constitutionnelle mise en place par Monsieur Sarkosi, peut ainsi gérer en petit comité sa communication, ses travaux et ses propositions, alors même que la nature du régime risque d’être mis en cause.

On peut donc dire à l’instar des récriminations sur le projet de Texte Constitutionnel Européen que la constitution de la Vème république est "gravée dans le marbre", sauf pour une personne le Président de la république. Tout ceci est parfaitement contradictoire avec l’article 2 de la constitution qui proclame que « Le principe de la république est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » et, l’article 3 qui dit qu’ « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s’attribuer l’exercice de la souveraineté. ». Ceci peut tout à fait signifier ; « même pas le Président de la République ».

De fait la constitution de la république française considère les citoyens français comme des incapables constitutionnels, des irresponsables. C’est notre constitution qui organise l’irresponsabilité politique des citoyens eux-mêmes en les excluant du premier devoir des citoyens dans une démocratie, à savoir l’établissement ou la révision de leur loi fondamentale.
Peut être faut’il alors voir là, les raisons qui expliquent que les français ont tout entendu de la part de leurs gouvernants ; « Les français sont des veaux », « les français sont des râleurs irresponsables », « les français ont peur des réformes, peur de l’avenir », « les français ne veulent pas changer », « la France est bloquée »…les français l’ont sans doute compris puisqu’ hormis lors du casting pour la star-académie élyséenne les électeurs sont de moins en moins nombreux à se déplacer pour taper sur le « buzzer » électoral.

La constitution française serait’elle à l’origine du malaise français. ??. En tout état de cause, l’article 89 de la constitution n’est plus adapté aux besoins démocratiques de la société française.

http://changerlarepublique.over-blog.com/

Cher Jacques, cher Orbi,

j’ai créé un nouveau fil là : http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?id=103

Je l’ai appelé (pour l’instant) : CONSTITUTION DE 1958 : CRITIQUES ET PROPOSITIONS DE RÉFORMES (discussion lancée par Orbi)

Il faut que Jacques copie sa réponse et la colle dans ce nouveau fil avant de la supprimer d’ici.

Puis, je changerai l’auteur du fil (ce sera Orbi et pas moi) pour qu’Orbi puisse éventuellement modifier librement son message initial, en cas de besoin.

Il y a de nombreux reproches majeurs à faire à la 5ème République, évidemment ; on en a déjà développé beaucoup sur ce forum, mais ce serait bien de structurer correctement les critiques argumentées et les propositions détaillées. Ce nouveau fil nous y aidera peut-être.

J’ai fortement signalé ce fil sur le sommaire de la page d’accueil pour que personne ne le rate :wink:

Amicalement.

Étienne.

[bgcolor=#FFFF99]« Daniel Ellsberg : l’homme le plus dangereux des États-Unis revient… »[/bgcolor]

[color=green]« Daniel Ellsberg, c’est l’homme qui, en rendant public des documents secrets du pentagone, déclencha le scandale des Papiers du Pentagone (Pentagon Papers) en 1971, une affaire d’État qui contribua à condamner la guerre du Vietnam aux yeux de l’opinion publique américaine.

35 ans plus tard, Daniel Ellsberg s’inquiète des dérives autoritaires de l’exécutif, et appelle ses concitoyens à faire barrage à la coterie qui s’est saisi des leviers de l’État et s’apprête à nouveau à entraîner le pays dans une guerre catastrophique contre l’Iran.

L’affaire d’État que constitua le Pentagon Papers à une époque où les médias américains ne craignaient pas d’affronter une administration « en guerre », participa de la fin de la guerre du Vietnam.

Les documents « secrets » jetés en place publique étaient accablant pour le Pentagone, mettant en lumière le systématisme des mensonges dans la communication de l’administration Nixon sur la question vietnamienne… Le New-York Times publia les « papiers du Pentagone » durant une quinzaine de jours, rendant fou Kissinger qui déclara Daniel Ellsberg « L’homme le plus dangereux des États-Unis »… L’affaire s’acheva devant la Cour suprême, mais les dégâts furent considérables en termes d’opinion publique et de méfiance des médias : l’administration Nixon ne s’en remit jamais vraiment.
Les années suivantes virent la fin du désastre vietnamien et l’affaire du Watergate, qui conduisit Nixon à quitter le pouvoir en 1974… »[/color]

Ce citoyen « Donneur d’alerte », ce « Whistleblower », Daniel Ellsberg, écrit aujourd’hui :

[align=center][bgcolor=#FFCC33][b]"Un coup d’État a eu lieu."[/b][/bgcolor] [i]A Coup has occurred[/i] (20 septembre 2007) Publication originale [url=http://www.consortiumnews.com/2007/092607a.html]Consortium News[/url], traduction [url=http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1341]Contre Info[/url] [/align] "Je pense qu’[bgcolor=#FFFF99]il n’y a pas de priorité plus urgente que de prévenir une attaque contre l’Iran qui s’accompagnerait, je le crois, d’un nouveau changement dans l’exercice du pouvoir aux États-Unis ayant pour effet de nous conduire vers ce que j’appellerai [b]un état policier[/b].[/bgcolor]

S’il se produit un nouveau 11-Septembre sous ce gouvernement, cela signifiera qu’ils utiliseront à plein l’appareil policier qui a été patiemment construit, largement en secret tout d’abord, mais finalement révélé, connu et accepté par les élus démocrates du Congrès et par les Républicains.
Restera-t-il un domaine où la surveillance de la NSA sur les citoyens pourrait encore s’accroître ? Ils peuvent ou pas avoir atteint les limites de leurs capacités technologiques aujourd’hui. Mais si ce n’est pas le cas, cela le deviendra après un nouveau 11-Septembre.

Je crois qu’après des représailles iraniennes en réponse à une attaque américaine, nous assisterions à une escalade des attaques contre l’Iran, qui serait également accompagnée par une suppression totale de l’opposition dans ce pays, y compris avec des camps de détention.

Il m’est assez difficile de dissocier ces deux circonstances. Elles pourraient advenir ensemble : soit un autre 11-Septembre ou une attaque contre l’Iran dont les réactions contre Israël, nos navires, nos troupes en Irak, et peut-être dans ce pays, justifieraient l’entière panoplie de mesures qui ont été préparées, légitimées, et jusqu’à un certain point promulguées sous la forme de lois.

Nous avons affaire au gouvernement à une équipe malfaisante très particulière, même du point de vue des Républicains. Mais je crois que les successeurs de ce gouvernement ne reviendront sans doute pas sur les entorses à la constitution. Ils en tireront avantage, les exploiteront.

Hillary Clinton décidera-t-elle de mettre fin aux agissements de la NSA après 5 ans de surveillance illégale ? Privera-t-elle le gouvernement de sa capacité de protéger les citoyens américains d’un éventuel terrorisme en se privant de tout ce que la NSA peut fournir comme informations ? Je ne le crois pas.

À moins que grâce à un changement — radical — dans le climat politique, ces mesures soient annulées avant que le nouveau gouvernement ne soit en place — et il n’existe aucun indice en ce sens — je ne vois pas cela se produire sous le prochain gouvernement, qu’il soit républicain ou démocrate.

Le prochain coup d’État



Permettez-moi d’être direct et de ne pas faire de phrases. Un coup d’État à eu lieu. Je me suis réveillé l’autre matin en me rendant compte qu’un coup d’État avait eu lieu. Il n’est pas seulement question d’un prochain coup d’État qui pourrait avoir lieu après un nouveau 11-Septembre. Car il s’agirait là du prochain, venant compléter le premier.

[bgcolor=#FFFF99]Durant les cinq dernières années, nous avons assisté à un assaut soutenu sur tous les fondements de notre constitution, que le reste du monde regardait comme une expérience modèle depuis 200 ans, grâce à ses procédures de contrôle, au rôle limité du gouvernement, à son Acte des droits fondamentaux, à la protection des droits de l’individu par le Congrès, sa justice indépendante, la possibilité de révoquer un président.[/bgcolor]

Par le passé, ces principes ont été violés par de nombreux présidents. La plupart des actes commis par Bush dans le domaine des surveillances illégales et autres avaient été accomplis sous la présidence de mon patron, Lyndon Johnson durant la guerre du Vietnam, comme l’emploi de la CIA, du FBI, de la NSA contre des citoyens américains.

Je pourrais citer une liste d’exemples remontant à la suspension par Lincoln de l’Habeas Corpus durant la guerre civile, et encore avant, à la Loi sur les Étrangers et les Actes de Séditions au XVIIIe siècle. Mais je crois qu’aucun de ces présidents n’était du genre de ce qui décrit selon moi ce gouvernement : un ennemi intérieur de la constitution.

Je pense qu’aucun de ces présidents, malgré toutes ces violations de la loi qui auraient provoqué leur empêchement si elles avaient été connues — mais elles n’ont été révélées qu’après leurs mandats — ne représentait un défi comparable à celui d’aujourd’hui.

C’était le cas en ce qui concerne le premier mandat de Nixon, et certainement de Johnson, de Kennedy et d’autres. Ils méritaient d’être destitués, même s’ils n’ont pas été découverts à temps, mais je pense qu’il n’était pas dans leurs intentions, lors des crises qui ont motivé leurs actes, de transformer la nature de notre gouvernement.

[bgcolor=#CCFFFF]Il devient de plus en plus clair, après chaque nouvel ouvrage publié, chaque indiscrétion, que Richard Cheney et son actuel chef de cabinet David Addington ont eu précisément ce projet à l’esprit dès le début des années 1970, et non pas depuis 1992, non pas depuis 2001. Ils ont cru à [bgcolor=#FF66FF]la prééminence du pouvoir exécutif, sous un président — élu ou pas — bénéficiant de pouvoirs sans contrainte[/bgcolor]. Ils ne croient pas à la contrainte.

En déclarant ceci, je ne prétends pas qu’il s’agisse de traîtres. Je ne crois pas qu’ils aient en tête une quelconque allégeance à un pouvoir étranger, ou qu’ils aient le désir d’aider un pouvoir étranger. Je pense qu’ils ont en eux un attachement à ce pays, et à ce qu’ils imaginent de meilleur pour celui-ci. Mais ce qu’ils imaginent comme le meilleur est directement en contradiction avec la pensée des Pères Fondateurs et de la constitution.[/bgcolor]

Ils croient que nous avons désormais besoin d’un autre genre de gouvernement, sous la forme d’un pouvoir exécutif, gouvernant par décret, ce qui est le cas lorsque le président signe des ordonnances. Nous en parlons comme de veto, ce qui est une façon de les reconnaître comme anti-constitutionnelles, mais d’un autre côté nous nous contentons de dire que le président déclare qu’il « décide des lois à promulguer, qu’il légifère. » (…)

Les Fondateurs avaient raison



Je qualifie ces événements de crise, non seulement parce qu’il s’agit là d’une rupture dans les traditions, mais parce que je crois au plus profond de moi, et grâce à mon expérience que les Pères Fondateurs avaient raison sur ce point.

Il ne s’agit pas seulement de « notre façon d’agir » qui serait en cause. [bgcolor=#FFFF99]Les fondateurs de la République avaient une compréhension aiguë de la force corruptrice du pouvoir pour quiconque, y compris les Américains. Ils voulaient des procédures et des institutions qui puissent instaurer un contrôle du pouvoir, car en leur absence, l’alternative c’est ce que nous avons vécu : des guerres comme le Vietnam, des guerres comme l’Irak, des guerres comme celle qui vient.[/bgcolor]

Ceci m’amène à mon second argument. Ce pouvoir exécutif, dirigé par Bush et Cheney, malgré l’opposition de la plupart des membres du gouvernement, même ceux des ministères, veut clairement une guerre contre l’Iran, qui se justifie selon les critères habituels de l’impérialisme. Critères acceptés non seulement par quasiment l’ensemble des membres de l’exécutif, mais aussi par la plupart des dirigeants du Congrès. Critères qui sont les intérêts de l’empire, la nécessité de préserver l’hégémonie américaine, notre droit et notre besoin de contrôler les ressources pétrolières du Moyen-Orient et ailleurs. Il y a là un consensus dans les cercles dirigeants.

Mais même selon ces critères, une attaque de l’Iran est une folie. Je dis cela tranquillement. Il ne s’agit pas de rhétorique. Bien sûr, c’est non seulement une agression, une violation des lois internationales, un crime majeur, mais c’est aussi, en termes de pouvoir impérial, une folie à cause de ses conséquences.

Cela rend-il cette attaque impossible ? Non, évidemment. Plus encore, cela ne la rend même pas invraisemblable.

Deux raisons concourent à cela en dehors d’une acceptation pour diverses raisons par le Congrès — Démocrates et Républicains confondus — par l’opinion, par les médias.

[bgcolor=#FFFF99][b]Tout d’abord nous avons libéré la Maison-Blanche — président et vice-président — de potentiellement toute limitation posée par le Congrès, la justice, les médias et autres.

Ensuite, les hommes à la tête du gouvernement qui jouissent de ces pouvoirs sans limites sont des fous. Pas complètement certes, mais ils n’en reste pas moins qu’ils ont des croyances folles.[/b][/bgcolor]

La question devient alors, que pouvons-nous faire ? Nous nous dirigeons vers une folle entreprise, pas à coup sûr, mais sans doute. Je voudrais être réaliste en la circonstance, et nous encourager à faire ce que nous devons, ce qui doit être fait. En ayant pleine connaissance des faits. Rien n’est impossible.

Ce dont je parle, cette dérive vers un État policier, vers une attaque contre l’Iran, n’est pas acquis. Rien n’est encore certain aujourd’hui. Mais je pense que c’est probable, plus vraisemblable qu’invraisemblable, que dans les 15 ou 16 mois qui restent à ce gouvernement, nous assisterons à une attaque de l’Iran. Probablement. Et quoi que nous fassions.

Et nous ne parviendrons sans doute pas à influencer le Congrès. Et le Congrès n’empêchera sans doute pas le président de le faire. Voilà vers quoi nous nous dirigeons, et c’est une perspective dangereuse, très dangereuse.

Quoi qu’il en soit, je pense qu’il nous appartient d’accroître les faibles chances de prévenir ceci durant les 15 prochains mois, sans parler de ce que nous aurons à faire pour le restant de nos jours.

Restaurer la République



Réinstaurer un gouvernement constitutionnel et l’améliorer prendra du temps. Je pense que si nous n’entreprenons pas ce travail aujourd’hui, il ne débutera pas sous le prochain gouvernement.

Sortir d’Irak prendra beaucoup de temps. Mais prévenir une action contre l’Iran, prévenir un nouveau coup d’État après un 11-Septembre, une autre attaque, ce sont les tâches pour aujourd’hui qui ne peuvent être différées. Cela nécessitera un courage moral et politique que nous n’avons que peu vu se manifester jusqu’à présent.

Il y a dans cet auditoire une concentration très inhabituelle de gens qui ont changé de vie, changé de situation, perdu la plupart de leurs amis, et ont pris le risque de se voir désigner par le terrible nom de « traître », de « faibles devant le terrorisme », le genre de qualificatifs que les politiciens veulent éviter à tous prix.

Comment ferons-nous pour qu’encore plus de gens au gouvernement et dans la société changent leurs vies de façon radicale dans un contexte de crise ? Comment convaincrons-nous Nancy Pelosi et Harry Reid, par exemple ? Quel genre de pressions, quel genre d’influences devront être mises en œuvre pour amener le Congrès à faire son travail ? Il ne s’agit pas d’ailleurs seulement de les faire travailler. Il s’agit de leur faire respecter le serment qu’ils ont prêté en prenant leur fonction.

J’ai prêté serment de nombreuses fois. Comme lieutenant des Marines, comme fonctionnaire du département de la Défense, comme fonctionnaire du département d’État et comme fonctionnaire des Affaires étrangères. J’ai prêté le même serment que celui qui est prononcé par tous les membres du Congrès, tous les fonctionnaires des États-Unis, et tous les officiers de l’armée américaine.

Et ce serment n’est pas effectué envers un commandant en chef, un führer. Pas plus qu’à des officiers supérieurs. Ce serment engage à protéger et défendre la constitution des États-Unis.

Ce serment je l’ai violé chaque jour durant des années au département de la Défense, sans m’en rendre compte, lorsque je me taisais, lorsque je savais que l’on mentait à l’opinion publique au sujet de la guerre, comme on lui a menti pour l’Irak, et comme on lui ment pour la guerre contre l’Iran.

Je savais que j’avais les preuves de ces mensonges, et je ne les ai pas produites. Je ne respectais pas alors mon serment — ce que j’ai fait plus tard.
J’ai souvent dit que le lieutenant Ehren Watada, qui est aujourd’hui poursuivi pour avoir refusé les ordres de déploiement en Irak qu’il jugeait à raison inconstitutionnel et relevant d’une guerre d’agression, est le seul officier de l’armée des États-Unis qui a pris au sérieux son serment.

Le président viole clairement ce serment. Tous ceux qui sont sous ses ordres et qui comprennent de quoi il s’agit — ils sont très nombreux — violent leur serment. Voilà les exigences que nous devrions poser.

Courage parlementaire



Sur le plan politique, en ce qui concerne les Démocrates, je crois que nous devrions demander aux dirigeants à la Chambre et au Sénat — et également aux Républicains — que leur unique priorité ne soit plus d’être réélus ou de conserver une majorité démocrate pour que Pélosi soit maintenue en fonction au Parlement et Reid au Sénat.

Je ne prétends pas que les politiques pourraient ignorer cette question, ou qu’ils devraient changer entièrement de comportement ou ne plus s’en préoccuper.

Bien sûr, il y a là pour eux une préoccupation majeure, mais ils agissent comme si c’était là leur seul souci. Celui de la poursuite des affaires courantes. "Nous avons une majorité, ne la perdons pas, conservons-la, conservons nos présidences aux deux chambres. " Mais qu’ont fait pour nous ces deux présidences dans les deux dernières années ?
[bgcolor=#FFFF99]
Je suis choqué de lire aujourd’hui que les Républicains menacent de faire de l’obstruction si nous restaurons l’Habeas Corpus. La remise en cause de l’Habeas Corpus avec l’aide des Démocrates ne nous a pas ramené à l’époque de la domination anglaise sur la colonie américaine. C’est une contre-révolution qui nous a ramené 700 ans en arrière.[/bgcolor]

Je crois que nous devons trouver le moyen de leur faire respecter leur serment de préserver la constitution, qui mérite d’être défendue, car c’est à travers le pouvoir que cette constitution donne au Congrès que nous pouvons protéger le monde des fous qui sont au pouvoir à la Maison-Blanche et qui ont l’intention d’attaquer l’Iran.

Les généraux qui ont compris que ce serait une catastrophe ne se sont pas non plus pas manifestés. Il peut s’agir de gens qui ont par le passé risqué leur vie au Vietnam ou ailleurs, comme Collin Powell, et ne risqueraient pas leurs carrières ou leur accointances avec la présidence.

Tout ceci doit changer. Et c’est l’exemple de gens comme ceux qui sont rassemblés ici, qui d’une certaine façon rappellent à nos élus qu’ils ont, en tant qu’humain et en tant que citoyen, le pouvoir d’agir et de trouver en eux-mêmes le courage de protéger ce pays et le monde.

Merci. »

Daniel Ellsberg.

Nouveau sujet « Constitution de 1958 »

Bonjour Étienne.

Suite à votre 2701 je viens de faire le nécessaire.

Amicalement. JR

Traité simplifié : Sarkozy confie qu’un référendum serait perdu car « Il y a un gouffre entre les peuples et les gouvernements »

http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=55256

jeudi 15 novembre 2007 (12h30) :

Bruno Waterfield, le correspondant à Bruxelles du quotidien britannique The Telegraph révèle aujourd’hui que Nicolas Sarkozy, devant un groupe de parlementaires européens réunis à huis-clos, a admis que « des référendums sur le nouveau traité européen étaient ‘dangereux’ et perdants en France, en Angleterre et dans d’autres pays. Il y a un gouffre entre les peuples et les gouvernements »

Parlant du référendum du 29 mai 2005, Sarkozy a dit que « La France n’était qu’en avance sur les autres pays dans son vote pour le NON. ». « La même chose arriverait dans tous les Etats membres si un référendum y était organisé », a-t-il ajouté. « Un référendum aujourd’hui mettrait l’Europe en danger. Il n’y aura pas de traité si un référendum a lieu en France, et il en va de même pour un référendum au Royaume-Uni.

Source et texte complet : http://bellaciao.org/en/article.php3?id_article=16090

Le référendum sur le traité modificatif donnerait-il forcément un non ?

Bonjour ele (2795).

Eh bien, je ne partage pas l’avis de M. Sarkozy.

Je prends mon exemple.

J’ai voté Non au TCE en 2005 : c’était pour moi la seule réponse possible à une tentative de constitutionnalisation, sans débat public sérieux, de politiques économiques et autres convenues en catimini entre gouvernements.

Depuis, le TCE a été retoqué, plus de deux ans se sont écoulés et un vrai débat public a eu lieu (je parle de la France). Si, comme je l’espère bien, le nouveau traité (qui n’est nouveau que par la forme, et très peu par le fond) m’est soumis pour approbation par référendum, ma décision de l’approuver ou de ne pas l’approuver dépendra de trois facteurs principaux :

  1. Le traité modificatif constitutionnalise-t-il des politiques inacceptables par principe ?

Oui. Même si ses auteurs ont expressément exclu le terme « constitution » et banni les symboles de l’Union, ce traité est une constitution (il porte sur l’organisation et le fonctionnement de l’UE) et il associe à des clauses vraiment constitutionnelles les mêmes politiques inacceptables que le TCE : notamment, les anciennes politiques de la partie III (quoique sous une forme différente), l’assujettissement des politiques de défense de l’Union à l’OTAN, la référence à la Charte des droits fondamentaux, qui fait que cette charte (que je trouve dangereuse à plusieurs titres) aurait la même force juridique que lorsqu’elle figurait dans le TCE, sans oublier le traitement privilégié accordé aux organisations religieuses.

  1. Était-il possible d’obtenir mieux ?

Non, à partir du moment où le traité modificatif a été rédigé par une majorité d’États membres qui avaient décidé de retenir les dispositions de fond du TCE et de ne pas soumettre le résultat au référendum, et où M. Sarkozy a rendu sa principale arme de négociation en proclamant par avance que le futur traité ne passerait pas en France par le référendum.

  1. Ne vaudrait-il pas mieux en rester quelques années encore à la situation actuelle en se donnant le temps de rédiger une vraie constitution de l’Union européenne, démocratique et rationnelle ?

Oui. Depuis le 29 mai 2005, l’UE ne fonctionne ni mieux ni plus mal qu’avant cette date. Et même elle fonctionne un peu plus démocratiquement dans la mesure où les gouvernements se sentent maintenant tenus de prendre davantage en compte leur opinion publique. Quant au concret, un récent commentaire de l’International Herald Tribune soutenait même que la Commission était beaucoup plus active depuis qu’elle ne s’occupait plus d’affaires constitutionnelles. Le catastrophisme des Ouistes était donc injustifié : mais nous avons toujours su que ce serait le cas.

Ayant ainsi répondu, je crois pouvoir dire que je voterais Non au traité modificatif. Mais moins affirmativement qu’en 2005, parce qu’un vrai débat public a eu lieu depuis. Parmi les (rares) facteurs favorables à une ratification, je retiendrais l’institution d’une présidence durable du Conseil européen et la disparition de la Communauté européenne (remplacée une fois pour toute par l’Union, ce qui rendra les choses plus claires) : ce sont là des avancées institutionnelles exploitables à mon avis pour faire progresser l’UE dans le bon sens… étant entendu aussi que ce traité ne durera pas 50 ans, comme le Président Giscard d’Estaing l’envisageait pour le TCE, mais plutôt cinq ou six ans, en attendant une véritable constitution de l’UE qui laissera aux nouveaux organes constitutionnels le soin de réexaminer tous les traités existants.

Sur cette base, il ne me semble pas du tout exclu (je ne dis pas souhaitable) qu’une majorité de Français soient maintenant disposés à accepter, à titre provisoire, ce traité modificatif qu’on n’ose pas leur présenter. JR

[bgcolor=#FFFF99]« Étienne Chouard contre le « traité européen » »[/bgcolor]
interview audio (13 minutes) menée par Hervé Kempf, journaliste au journal Le Monde et publié sur Reporterre.net :

http://www.reporterre.net/entretiens/entretien-chouard-201007.php

Ça commence doucement, mais je monte vite en pression… J’évoque rapidement beaucoup de nos sujets de réflexion, ça devrait vous plaire :confused:

Étienne.

Sympa ^^
On vous sent bien remonté quand même :smiley:

[bgcolor=#FFFF99]« Le grand Discours sur l’Europe de Philippe Seguin en 1992 »[/bgcolor]

Un grand plaidoyer pour le référendum, d’une intelligence rare, et qui reste d’une actualité brûlante.

[b]Quinze ans après Maästricht et alors qu'une CIG travaille à la rédaction du traité modificatif remaquillant la Constitution européenne, nous vous proposons de relire le lumineux discours que prononça Philippe Séguin devant l'Assemblée Nationale, le 5 mai 1992. Il s'exprimait dans le cadre d'une exception d'irrecevabilité déposée par lui et plusieurs de ses collègues sur le projet de loi constitutionnelle préalable à la ratification du traité de Maästricht. Il faut aujourd'hui le compter au rang des "grands discours républicains", mais aussi des grands discours européens prononcés devant le Parlement. [/b]

[color=black]Monsieur le président, madame, mes­sieurs les ministres, mes chers collègues, je voudrais croire que nous sommes tous d’accord au moins sur un point : l’ex­ceptionnelle importance, l’importance fondamentale du choix auquel nous sommes confrontés, et, ce disant, je n’ai pas l’impression de me payer de mots!

C’est en tout cas avec gravité que je viens inviter cette assemblée à opposer l’exception d’irrecevabilité au projet de loi constitutionnelle que le Gouvernement nous présente comme préalable à la ratification des accords de Maastricht négociés le 10 décembre 1991 par les chefs d’État et de gou­vernement des pays membres des communautés européennes et signés le 7 février dernier.

[bgcolor=#FFFF99]Mon irrecevabilité se fonde sur le fait que le projet de loi viole, de façon flagrante, le principe en vertu duquel la sou­veraineté nationale est inaliénable et imprescriptible, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, en dehors duquel une société doit être considérée comme dépourvue de Constitution .

Il existe en effet, au-dessus même de la charte constitution­nelle, des droits naturels, inaliénables et sacrés, à savoir pour nous les droits de l’homme et du citoyen tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789. Et quand l’article 3 de la Constitution du 4 octobre 1958 rappelle que « La souverai­neté nationale appartient au peuple », il ne fait que recon­naître le pacte originel qui est, depuis plus de deux cents ans, le fondement de notre État de droit. Nulle assemblée ne saurait donc accepter de violer délibérément ce pacte fonda­mental.

La question de la séparation des pouvoirs se pose dans les mêmes termes. Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif par une loi d’habilitation générale, dépourvue de toute condition précise quant à sa durée et à sa finalité. A fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple. Or, le projet de loi qui nous est soumis comporte bien une habilitation d’une généralité telle qu’elle peut être assimilée à un blanc-seing.

Et nous voilà confrontés à une situation tout à fait extraor­dinaire dans notre histoire constitutionnelle puisque, pour la première fois, on demande au Parlement de constitutionna­liser par avance des textes qui n’existent pas encore et qui, pour la plupart, ne seront même pas soumis à ratification dès lors qu’il s’agira de normes communautaires directement applicables. On demande donc au Parlement, qui n’en a pas le droit, rien de moins que d’abandonner sa compétence législative aux organes communautaires chaque fois que ceux-ci le jugeront nécessaire pour l’application du traité.[/bgcolor]


[/color]Ayant fait référence à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, violée deux fois par le projet de loi, je pourrais considérer ma tâche comme accomplie. [color=black]Néanmoins, tout en conservant présente à l’esprit cette observation préalable qui sous-entend tout mon propos, j’entends traiter le sujet en ne négligeant aucune de ses composantes. Ce n’est pas mon fait si le débat constitutionnel et le débat sur l’avenir européen sont étroitement imbriqués, le projet de révision venant avant le projet de ratification. Alors, autant en convenir déjà entre nous - et vous l’avez déjà fait implicitement cet après-midi, messieurs les ministres : il n’y a en vérité qu’un seul débat qui ne peut être découpé en tranches successives. Et comme ce débat sera clos dès lors que nous nous serons prononcés sur le projet de révision constitutionnelle, autant l’entamer tout de suite et dans sa totalité.

De même, et sans vouloir verser dans un manichéisme que je réprouve, il nous faut également convenir qu’il n’y a rien à amender. Plutôt que de procéder à un toilettage minutieux de nombreuses dispositions constitutionnelles, vous avez préféré pratiquer une sorte de « lessivage à grande eau ». À ce qui aurait pu passer pour une naïveté coupable, vous avez ainsi préféré le risque de l’astuce. Il est vrai que sinon vous auriez été contraints de modifier neuf articles au moins du texte constitutionnel, dont certains sont particulièrement sensibles et symboliques. Vous auriez été contraints, de surcroît et en toute logique, de déconstitutionnaliser la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Vous avez reculé, et l’on vous comprend, au point d’ailleurs d’esquiver vos responsabi­lités dans la dénomination même du projet qui nous est soumis. Il ne s’agit même pas, si je m’en tiens à son libellé, d’un projet de loi de révision, mais d’un projet de loi consti­tutionnelle ajoutant à la Constitution un titre supplémentaire

Je ne peux évidemment applaudir à cette démarche, mais je reconnais que cela ne change rien au fond. Je vous concé­derai même que ce blanc-seing que vous sollicitez est en cohérence avec les perspectives que vous ouvrez. Je vous rejoins donc quand vous affirmez que Maastricht n’est pas renégociable et on ne changera pas le traité par le biais d’une manipulation constitutionnelle.

Toutes les garanties, précisions, corrections, conditions dont on nous parle relèvent, à mes yeux, de l’illusion. La révision, la ratification, c’est à prendre ou à laisser.

C’est assez dire qu’il ne m’est pas possible de séparer l’appréciation constitutionnelle de l’ana­lyse critique des accords. Dès lors que l’on nous demande de changer la Constitution dans le seul but de ratifier le traité de Maastricht, nous ne pouvons nous prononcer sur la réforme constitutionnelle sans mesurer à quoi nous engage ce traité.

Ce faisant, je me plie - je n’ai guère le choix - à la procé­dure, à la méthode, imposée par le Président de la Répu­blique. L’inconstitutionnalité que je soulève est, du reste, inséparable du regret que suscite en moi le non recours à l’article 11 de la Constitution qui impliquait le référendum direct.

Allez dire à d’autres, messieurs les ministres, pour justifier ces habiletés tactiques, que la procé­dure de l’article 89 rend sa dignité au Parlement! Convenez que l’argument est plutôt singulier au moment où l’on nous demande de diminuer encore son pouvoir réel !

Je le proclame donc d’emblée : dès lors que l’entrée de la France dans l’Europe de Maastricht constitue bien l’acte his­torique qu’a évoqué le Président de la République, il serait normal, nécessaire, légitime, indispensable que la parole soit donnée au peuple… Non point que je conteste la légitimité de cette assemblée. Je ne me suis pas associé au chœur de ceux qui, il y a quelques semaines, ne trouvaient pas de mots assez durs pour l’abaisser, pour réclamer sa dissolution, voire proposer son autodissolution.

Je constate d’ailleurs la contradiction dans laquelle s’enferment aujourd’hui nombre d’entre eux en se refusant à l’idée d’un référendum. [/color]

Ce que je veux seulement dire c’est que le recours à la voie parlementaire est contraire à l’esprit de notre pacte social car ce que le peuple fait, seul le peuple peut le défaire. [color=black]

En outre, c’est une faute politique lourde que de refuser de donner à un engagement aussi grave la sacralisation dont il a besoin. Et ne changerait rien’ l’affaire la manœuvre qui consisterait, ultérieurement, à ne faire ratifier par le peuple que ce que le Parlement aurait déjà décidé.

[b]Non, foin d’arguties ! Il me faut dire avec beaucoup d’autres, au nom de beaucoup d’autres, qu’il est bien temps de saisir notre peuple de la question européenne. Car voilà maintenant trente-cinq ans que le traité de Rome a été signé et que d’Acte unique en règlements, de règlement en directives, de directives en jurisprudence, la construction européenne se fait sans les peuples, qu’elle se fait en catimini, dans le secret des cabinets, dans la pénombre des commissions, dans le clair-obscur des cours de Justice.

Voilà trente-cinq ans que toute une oligarchie d’experts, de juges, de fonctionnaires, de gouvernants prend, au nom des peuples, sans en avoir reçu mandat des décisions dont une formidable conspiration du silence dissimule les enjeux et minimise lei conséquences. Que l’on m’entende bien : je ne viens ici donner de leçon à personne ; mais que l’on veuille bien, en retour, respecter ma propre démarche ! Je me serais d’ailleurs bien passé d’être là. Il eût mieux valu, à l’évidence, que des voix plus fortes que la mienne engagent le combat. [/b]

Elles ne l’ont pas souhaité, je me garderai de les juger. Je me contente de faire et d’assumer un autre choix. Ce n’est pas si facile.

À la décharge des absents, je reconnais bien volontiers que le conformisme ambiant, pour ne pas dire le véritable terro­risme intellectuel qui règne aujourd’hui, disqualifie par avance quiconque n’adhère pas à la nouvelle croyance, et l’expose littéralement à l’invec­tive. Qui veut se démarquer du culte fédéral est aussitôt tenu par les faiseurs d’opinion (…) au mieux pour un contempteur de la modernité, un nostalgique ou un primaire, au pire pour un nationaliste for­cené tout prêt à renvoyer l’Europe aux vieux démons qui ont si souvent fait son malheur.

Mais il est des moments où ce qui est en cause est tellement important que tout doit s’effacer. Et je ne parle pas ici au nom d’une France contre l’autre, car dès lors qu’il s’agit de la France, de la République et de la démocratie, il ne peut plus être question de la droite et de la gauche, l’enjeu, au. delà des partis, des clivages les plus naturels, des oppositions les plus légitimes, des querelles les plus anciennes, n’est rien de moins que notre communauté de destin. Et cette communauté de destin est gravement mise en péril par les accords, alors que ceux-ci ne sont ni la condition de la prospérité, ni la condition de la paix, Dans le monde tel qu’il est, l’idéal comme le réalisme commandaient de faire prévaloir une tout autre conception de l’Europe, voilà ce que je voudrais maintenant développer devant vous.

Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, que l’on ne s’y trompe pas la logique du processus de l’engrenage économique et politique mis au point à Maästricht est celle d’un fédéralisme au rabais fonda­mentalement anti-démocratique, faussement libéral et résolument technocratique, L’Europe qu’on nous propose n’est ni libre, ni juste, ni efficace. Elle enterre la conception de la souveraineté nationale et les grands principes issus de la Révolution : 1992 est littéralement l’anti 1789. Beau cadeau d’anniversaire que lui font, pour ses 200 ans, les pharisiens de cette Répu­blique qu’ils encensent dans leurs dis­cours et risquent de ruiner par leurs actes!

[b]Je sais bien que l’on veut à tout prix minimiser les enjeux et nous faire croire que nous ne cédons rien d’essentiel en ce qui concerne notre indépendance! Il est de bon ton, aujour­d’hui, de disserter à l’infini sur la signification même du concept de souveraineté, de le décomposer en menus mor­ceaux, d’affirmer qu’il admet de multiples exceptions, que la souveraineté monétaire, ce n’est pas du tout la même chose que l’identité collective, laquelle ne courrait aucun risque. Ou encore que l’impôt, la défense, les affaires étrangères, au fond, ne jouent qu’un rôle relatif dans l’exercice de la souve­raineté,

Toutes ces arguties n’ont en réalité qu’un but : vider de sa signification ce mot gênant pour qu’il n’en soit plus question dans le débat.

La méthode est habile. En présentant chaque abandon par­cellaire comme n’étant pas en soi décisif, on peut se per­mettre d’abandonner un à un les attributs de la souveraineté sans jamais convenir qu’on vise à la détruire dans son ensemble. [/b]

Le procédé n’est pas nouveau. Il y a 2 500 ans déjà, de demi-longueur en demi-longueur, Achille se rapprochait en courant de la tortue de Zénon sans jamais la rattraper…, Seu­lement, ce n’est là que paradoxe. Dans la réalité, Achille gagne bel et bien la course ; de même, à force de renonce­ments, aussi ténu que soit chacun d’eux, on va bel et bien finir par vider la souveraineté de son contenu. Car il s’agit là d’une notion globale, indivisible comme un nombre premier. On est souverain ou on ne l’est pas ! Mais on ne l’est jamais à demi. Par essence, la souveraineté est un absolu qui exclut toute idée de subordination et de compromission. Un peuple souverain n’a de comptes à rendre à personne et n’a, vis-à-vis des autres, que les devoirs et les obligations qu’il choisit librement de s’Imposer à lui-même.

Souvenez-vous du cri de Chateaubriand à la tribune de la Chambre, en 1816 : « Si l’Europe civilisée voulait m’imposer la charte, j’irais vivre à Constantinople. »

La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas.
Rappelons-nous d’ailleurs, pour avoir un exemple plus récent de ce que vous appelez de vos vœux, ce que pu signi­fier pendant « le printemps de Prague» la doctrine de la souveraineté limitée, tant il est vrai que la « souveraineté divisée », « la souveraineté partagée», « la souveraineté limitée» sont autant d’expressions pour signifier qu’il n’y a plus du tout de souveraineté ! Et, de fait, quand on accepte de prendre des décisions à la majorité sur des questions cruciales, et dès lors que ces décisions s’imposent à tous sans pouvoir jamais être remises en cause ultérieurement à l’échelon national, on passe clairement de la concertation à l’intégration, Aussi, quand on nous dit que les accords de Maastricht organisent une union d’États fondée sur la coopération intergouverne­mentale, on travestit délibérément la réalité, Tout au contraire, ces accords visent à rendre inapplicable le droit de veto et à créer des mécanismes qui échappent totalement aux États.

En fait, ce traité est un « anticompromis » de Luxembourg en tant qu’il interdit, non seulement aux parlements natio­naux mais aussi aux gouvernements, de faire prévaloir l’in­térêt national quand il est en cause puisque chacun s’engage à éviter autant que possible d’empêcher qu’il y ait unanimité lorsqu’une majorité qualifiée est favorable à la décision.

Cela est vrai pour la politique monétaire et pour la poli­tique sociale. Mais cela le sera aussi pour la politique étran­gère et la politique de défense, D’ailleurs, vous nous l’avez rappelé, monsieur le ministre, les pays membres prennent eux-mêmes l’engagement de ne défendre que des positions communes au sein des organisations internationales, et cet engagement vaut aussi pour la France et le Royaume-Uni en leur qualité de membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU : cette situation, contraire aux dispositions de la charte, plusieurs de nos partenaires l’interprètent déjà, nous le savons, comme une transition vers le transfert de ces deux sièges à la Communauté.

Tout ce dispositif est donc fort peu respectueux de la sou­veraineté des États membres tant en ce qui concerne la nature des règles de décisions que le caractère irréversible des transferts de pouvoirs envisagés.

Cessons donc de tricher, de dissimuler, de jouer sur les mots, de multiplier les sophismes, L’alternative est claire : nous devons conserver notre souveraineté ou y renoncer.

Il est temps de nous demander comment nous en sommes arrivés à considérer cette question, incongrue il y a quelques mois encore, comme presque banale, comment nous en sommes arrivés à considérer la rupture de notre pacte social sinon comme normale, du moins comme nécessaire.

Évidemment, et aujourd’hui encore, on s’échine à nous persuader qu’il n’y a là rien de nouveau. Rien de nouveau peut-être dans les arrière-pensées, mais nouveauté radicale par rapport aux engagements que nous avions pris jusqu’ici et qui étaient d’une tout autre nature

Mettons à part le traité instituant la Communauté euro­péenne du charbon et de l’acier, qui, au lendemain de la guerre, était tout imprégné d’une idéologie dirigiste et planifi­catrice, et qui s’est d’ailleurs soldé par un échec total, si l’on en juge par ce qui reste aujourd’hui de la sidérurgie euro­péenne !

Hormis donc le traité instituant le CECA, on pouvait considérer, avant le sommet de Maäs­tricht, que nous n’avions pas ratifié beaucoup plus que des accords de coopération et de libre-échange, D’ailleurs, dix-huit mois après la signature du traité de Rome, les consti­tuants de 1958 ont pu souligner et consacrer la plénitude de la souveraineté nationale. Et ils ne l’ont pas fait pas inadver­tance, comme a paru le suggérer M. Mitterrand, ou par négli­gence, comme a cru devoir le supposer M. le garde des sceaux

Faut-il rappeler, en effet, que le Traité de Rome ne mentionne que deux politiques communes dont l’une, celle des transports, n’a jamais vu le jour, tandis que l’autre, la politique agricole commune, ne fonctionnait que par consensus depuis que le compromis de Luxembourg avait mis fin - provisoirement - à toute tentation supranationale ? Instaurer un marché commun, puis un marché unique, voilà tout ce à quoi la France s’était engagée, et il n’y aurait rien eu à redire concernant ces engagements-là, si ne s’était développé peu à peu, à force de règlements, de décisions et de directives, tout un droit communautaire dérivé, sans aucun rapport avec les objectifs fixés par les traités. [/color]

De toute évidence se posait un pro­blème d’interprétation des textes, devenant de plus en plus grave au fur et à mesure que la connivence de la Commis­sion, du juge européen et des juges nationaux en venait à imposer aux pays membres la suprématie des textes commu­nautaires.

[color=black]

L'exemple de l'Acte unique est, à cet égard, tout à fait révélateur. Ce traité déclare, en effet, que seront prises à la majorité toutes les mesures d'harmonisation nécessaires à la réalisation du marché unique, exception faite des mesures fis­cales. A priori, cela n'engage à aucun véritable transfert de souveraineté, si l'on veut bien considérer qu'un marche unique n'est pas un espace économique uniforme et qu'il n'est pas besoin de nombreuses mesures d'harmonisation pour faire jouer convenablement la concurrence entre les pays membres, soumis au principe de reconnaissance mutuelle des réglementations, [b]Mais il a suffi que la Commis­sion, disposant de l'initiative des textes, décide que la réalisation du marché unique nécessitait l'adoption de trois cents directives d'harmonisation pour que celles-ci soient adoptées à la majorité sans qu'aucun recours ait pu être opposé à cette qualification arbitraire, la Cour de justice des Communautés étant elle-même convertie sans réserve à l'idéologie fédéra­liste.[/b]

C’est ainsi que, dans les faits, notre engagement initial se révèle désormais bien plus contraignant que ce qui ressortait de la lettre du traité.


Pour autant, ce n’est quand même, là encore, qu’un problème d’interprétation, pour lequel on pour­rait théoriquement trouver une solution constitutionnelle qui s’impose aux juges.

Ce n’est plus du tout le cas avec les accords de Maästricht, qui ne souffrent d’aucune ambiguïté. On connaît l’argument : il nous faut faire l’Europe, donc il nous faut concéder une partie de notre souveraineté. Comme si cette relation causale allait de soi ! Comme si le respect des souverainetés interdi­sait la coopération, l’ouverture, la solidarité ! Comme si les États souverains en étaient fatalement réduits à un splendide isolement et condamnés à une politique frileuse de repliement sur soi !

C’est oublier que, si cela lui parait nécessaire, un État peut souverainement décider de déléguer des compétences ou les exercer en commun avec d’autres. La querelle n’est pas pure­ment sémantique. C’est une chose, en effet, que de déléguer temporairement un pouvoir susceptible d’être récupéré lorsque la délégation n’est plus conforme à l’intérêt national ou ne répond plus aux exigences du moment. C’est tout autre chose que d’opérer un transfert sans retour pouvant contraindre un État à appliquer une politique contraire à ses intérêts et à ses choix.

[bgcolor=#FFFF99]La coopération, la concertation, même quand elles sont poussées très loin, s’accommodent très bien du droit de veto. On peut même dire que le veto est le meilleur stimulant de la concertation puisqu’il oblige à prolonger la négociation jus­qu’au consentement général des États.[/bgcolor] C’est d’ailleurs sur cette philosophie qu’était fondé, j’y reviens, le fameux com­promis de Luxembourg, que après la politique de la chaise vide, de Gaulle imposa à nos partenaires et qui n’a pas empêché, bien au contraire, le développement d’une politique agricole commune.

On pourra toujours objecter bien sûr que tout cela n’est pas très important puisque les traités ne sont jamais eux-­mêmes totalement irréversibles et que, le cas échéant, chaque pays membre pourra toujours les dénoncer en bloc. Les choses ne sont pas si simples.

D’abord parce que, vérification faite, le traité ne prévoit ni sécession ni retrait. C’est même la première fois qu’un traité est ainsi marqué par la notion d’irréversibilité, et on ne sait que trop ce qu’il en est dans les systèmes où les États fédérés gardent pourtant, théoriquement, le droit de quitter la fédéra­tion. On sait comment aux États-Unis les États du Nord ont interprété ce droit quand les États du Sud ont voulu faire sécession. On sait aussi ce que celui-ci signifiait dans la Constitution soviétique. On sait ce qu’il veut dire en Yougos­lavie. Et quand bien même les perspectives seraient, en l’oc­currence, moins dramatiques, la question se pose de savoir si nous ne sommes pas en train de créer une situation dans laquelle la dénonciation en bloc des traités va devenir si malaisée et si coûteuse qu’elle ne sera bientôt plus qu’un solution illusoire.

Il ne faut pas rêver. Sans monnaie, demain, sans défense, sans diplomatie, peut-être, après-demain, la France, au mieux, n’aurait pas plus de marge de manœuvre que n’en ont aujourd’hui l’Ukraine et l’Azerbaïdjan.

Certains s’en accommodent. Quant à moi, Ce n’est pas l’avenir que je souhaite à mon pays. D’ailleurs, les tenants de la marche vers le fédéralisme ne cachent pas leur dessein. Ils veulent bel et bien, et ils le disent, que les progrès du fédéralisme soient sans retour en droit et, surtout, en pratique, et force est de constater que nous voilà d’ores et déjà pris dans un redoutable engrenage. [bgcolor=#FFFF99]Depuis que la règle de la majorité s’applique de plus en plus largement dans les prises de décision du Conseil européen et que les jurispru­dences convergentes de la Cour de cassation et du Conseil État admettent que les traités et le droit communautaire qui en est dérivé bénéficient d’une primauté absolue sur nos lois nationales, le Gouvernement, dès lors qu’il est en minorité au Conseil, non plus que le Parlement français, n’a plus son mot à dire pour infléchir les règles communautaires jugées inac­ceptables pour la France. [/bgcolor]

Songez que le juge administratif n’éprouve plus aucune gêne à décider qu’un ministre commet une infraction en pre­nant un arrêté conforme à une loi nationale dès lors que cette loi est contraire à une directive communautaire, même si la loi est postérieure. L’administration peut même, à ce titre, se voir condamnée à verser des dommages et intérêts. Où allons-nous?

Où allons-nous si le juge, tout en déclarant qu’il ne veut pas censurer la loi, s’arroge le droit de la rendre inopposable ou inapplicable? La République, ce n’est pas une justice aux ordres : mais ce n’est pas non plus le gouvernement des juges, a fortiori quand il s’agit de juges européens qui font parler l’esprit des traités !

Bientôt, pourtant, comme nous l’a annoncé M. Delors, au moins 80 p. 100 de notre droit interne sera d’origine commu­nautaire, et le juge ne laissera plus d’autre choix au législa­teur que le tout ou rien : ou se soumettre totalement ou dénoncer unilatéralement et en bloc des traités de plus en plus contraignants.

Bref, quand, du fait de l’application des accords de Maäs­tricht, notamment en ce qui concerne la monnaie unique, le coût de la dénonciation sera devenu exorbitant, le piège sera refermé et, demain, aucune majorité parlementaire, quelles que soient les circonstances, ne pourra raisonnablement revenir sur ce qui aura été fait.

Craignons alors que, pour finir, les sentiments nationaux, à force d’être étouffés, ne s’exacerbent jusqu’à se muer en nationalismes et ne conduisent l’Europe, une fois encore, au bord de graves difficultés, car rien n’est plus dangereux qu’une nation trop longtemps frustrée de la souveraineté par laquelle s’exprime sa liberté, c’est-à-dire son droit imprescrip­tible à choisir son destin

On ne joue pas impunément avec les peuples et leur his­toire. Toutes les chimères politiques sont appelées un jour ou l’autre à se briser sur les réalités historiques. La Russie a bel et bien fini par boire le communisme comme un buvard parce que la Russie avait plus de consistance historique que le communisme, mais à quel prix ?

Alors, si nous organisons l’Europe, organisons-la à partir des réalités. Et les réalités, en Europe, ce sont toutes les nationalités qui la composent.

Comment allons-nous articuler la construction de l’Europe avec ces données de faits qui plongent si profond dans le passé et dans l’inconscient collectif ? Comment allons-nous bâtir un système de coopération assurant la paix et la prospé­rité sans négliger ces réalités nationales dont les mouvements ne nous paraissent parfois imperceptibles que parce qu’ils appartiennent à la très longue durée? Voilà qui devrait tout naturellement être l’objet d’un vrai et grand débat public.

Mais, constatons-le, ce débat ne s’engage pas vraiment. On se contente de faire dans l’incantation : « c’est beau, c’est grand, c’est généreux, Maästricht! » Ou dans la menace à peine voilée : « Maästricht ou le chaos! Si vous ne votez pas Maästricht, vous ne serez jamais ministre ! » L’opinion est d’autant plus décontenancée qu’elle sent bien qu’on fait souvent silence pour de simples raisons d’immédiate opportunité et qu’elle assiste à de surprenants chassés-croisés. Les idéologues de la reconquête du marché intérieur se font les chantres de la monnaie unique. Les tenants de la relance et autres théoriciens de l’autre politique économique expliquent doctement qu’il n’existe pas d’alternative à Maästricht. Sans parler de ceux qui nous ont expliqué tour à tour que Maäs­tricht était parfaitement conforme à la Constitution, puis que la ratification imposait la révision de celle-ci : que Maästricht était l’acte le plus important depuis la Seconde Guerre mon­diale, puisqu’il n’était jamais que le prolongement du Traité de Rome et de l’Acte unique… Tout se passe en réalité comme si personne n’avait vraiment envie de débat.

Bien sûr, on peut toujours prétendre — on commence à le faire çà et là — que la question est beaucoup trop technique pour être valablement abordée lors d’un débat public, dans un climat passionnel, à un moment dans la conjoncture qui ne s’y prêtent pas et devant des électeurs dont il est avanta­geux de postuler l’incompétence. [bgcolor=#FFFF99]Curieuse conception de la démocratie derrière laquelle, une fois de plus, se profilent la méfiance du suffrage universel, celle du peuple souverain et le dépérissement de la République.[/bgcolor]

D’autant que la construction européenne n’est pas du tout, par nature, un problème technique. [bgcolor=#FFFF99]C’est par tactique que, depuis l’échec de la CED en 1954, les idéologues du fédé­ralisme et les eurocrates cherchent à dissimuler leur dessein politique sous le manteau de la technique.[/bgcolor]

Il est vrai qu’ils n’y ont pas si mal réussi jusqu’à présent. Mais jusqu’où est-il permis d’imposer au peuple, sous couvert de technicité, des choix politiques majeurs qui relèvent de lui et de lui seul ? Jusqu’où la dissimulation peut-elle être l’instrument d’une politique ? Il serait indécent et dangereux d’aller plus loin.

Le moment est venu de regarder en face la vraie nature des choses qui n’est pas technique mais politique, et de dire ouvertement, franchement, honnêtement, quels sont les enjeux. Il est temps que ce débat ait lieu. Il est temps de montrer aux Français qu’il y a plusieurs voies possibles et qu’ils ont le choix. Il est temps de leur montrer qu’on les mène vers une impasse et que l’espérance est ailleurs — selon moi du côté de la nation qui est la leur.

Qu’on le veuille ou non, en effet, c’est l’idée qu’on se fait de la nation qui commande l’idée qu’on se fait de l’Europe. C’est pourtant une attitude fort répandue que de marteler le thème de l’Europe sans jamais même effleurer celui de la nation, comme si celle-ci n’était nullement en cause. Il est tellement plus commode de rester dans le flou, dans l’implicite ou le non-dit…

C’est, bien sûr, ce principe d’extrême prudence politique qui a conduit les auteurs du traité de Maästricht à gommer de leur texte le mot « fédéral », Pour­tant, cela ne change rien à la chose, car ce qui compte dans un traité, c’est son esprit, ce sont les mécanismes qu’il met en place. Et vous-même, monsieur Dumas, avec la franchise qui vous caractérise, vous l’aviez reconnu ici même, sans détour : cette Europe est à finalité fédérale.

Pourtant, j’en conviens volontiers, ce qu’on nous propose aujourd’hui ce n’est pas le fédéralisme au sens où on l’entend quand on parle des États-unis ou du Canada, C’est bien pire, parce que c’est un fédéralisme au rabais !

On ferait vraiment beaucoup d’honneur au traité en affirmant, sans autre précaution, qu’il est d’essence fédérale, Il ne comporte même pas, en effet — ce serait, après tout, un moindre mal — les garanties du fédéralisme.

[/color]Car le pouvoir qu’on enlève au peuple, aucun autre peuple ni aucune réunion de peuples n’en hérite. Ce sont des technocrates désignés et contrôlés encore moins démocratiquement qu’auparavant qui en bénéficient et le déficit démocratique, tare originelle de la construction européenne, s’en trouve aggravé.[color=black]

Dans ces conditions, un véritable fédéralisme, avec son Gouvernement, son Sénat, sa Chambre des représentants, pourrait demain apparaître comme un progrès, sous prétexte qu’il serait alors le seul moyen de sortir de l’ornière techno­cratique dans laquelle nous nous serions davantage encore embourbés.

C’est la raison pour laquelle je suis d’autant plus résolument opposé à cette solution d’un fédéra­lisme bancal qu’elle serait fatalement le prélude à un vrai et pur fédéralisme.

Or, soyons lucides, il n’y a aucune place pour des nations vraiment libres dans un État fédéral. Il n’y a jamais eu de place pour des nations réellement distinctes dans aucun État fédéral. Libre à certains de caresser l’illusion qu’il s’agit de créer une nation des nations : c’est là une contradiction dans les termes et rien de plus. Convenons plutôt qu’il y a quelque ironie à proposer à nos vieilles nations le fédéralisme comme idéal, au moment même où toutes les fédérations de nationa­lités sont en train de déboucher sur l’échec.

À ceux qui, malgré tout, s’imaginent que le temps et les textes l’emportent sur tout le reste, je voudrais rappeler simplement comment, depuis plus de deux siècles, se pose la question québécoise. Comment, depuis plus de deux siècles, le peuple québécois, à la fois si proche et si différent de ses voisins par ses origines, sa langue et sa culture, vit sa situation État fédéré au sein d’un État fédéral qui est pourtant autrement plus démocratique que la construction échafaudée à Maastricht.

En vérité, le fédéralisme ne marche bien que lorsqu’il pro­cède d’un état-nation, comme en Allemagne ou dans les États-unis d’aujourd’hui, au Mexique, au Brésil, ou en Aus­tralie. Comment, dans ces conditions, peut-on raisonnablement croire possible de réunir sous une même loi, sous un même pouvoir, à partir d’une union conventionnelle un ensemble transnational qui se suffirait à lui-même et se perpétuerait sans contrainte ?

Dans cette affaire éminemment poli­tique, le véritable et le seul débat oppose donc, d’un côté, ceux qui tiennent la nation pour une simple modalité d’orga­nisation sociale désormais dépassée dans une course à la mondialisation qu’ils appellent de leurs vœux et, de l’autre, ceux qui s’en font une tout autre idée.

La nation, pour ces derniers, est quelque chose qui possède une dimension affective et une dimension spirituelle. C’est le résultat d’un accomplissement, le produit d’une mystérieuse métamorphose par laquelle un peuple devient davantage qu’une communauté solidaire, presque un corps et une âme. Certes, les peuples n’ont pas tous la même conception de la nation : les Français ont la leur, qui n’est pas celle des Alle­mands ni celle des Anglais, mais toutes les nations se ressem­blent quand même et nulle part rien de durable ne s’accom­plit en dehors d’elles. La démocratie elle-même est impensable sans la nation.

De Gaulle disait: « La démocratie pour moi se confond exactement avec la souveraineté nationale.» On ne saurait mieux souligner que pour qu’il y ait une démocratie il faut qu’existe un sentiment d’appartenance communautaire suffi­samment puissant pour entraîner la minorité à accepter la loi de la majorité! Et la nation c’est précisément ce par quoi ce sentiment existe. Or la nation cela ne s’invente ni ne se décrète pas plus que la souveraineté !

Le fait national s’impose de lui­-même sans que personne puisse en décider autrement ; il n’est ni repli ni rejet, il est acte d’adhésion.

Car la nation ce n’est pas un clan, ce n’est pas une race, ce n’est pas une tribu. La nation c’est plus fort encore que l’idée de patrie, plus fort que le patriotisme, ce noble réflexe par lequel on défend sa terre natale, son champ, ses sépultures. Car le sentiment national c’est ce par quoi on devient citoyen, ce par quoi on accède à cette dignité suprême des hommes libres qui s’appelle la citoyenneté !

C’est assez dire que la citoyenneté non plus ne se décrète pas, qu’elle ne relève ni de la loi ni du traité. Pour qu’il y ait une citoyenneté européenne, il faudrait qu’il y ait une nation européenne.

Alors oui, il est possible d’enfermer les habitants des pays de la Communauté dans un corset de normes juridiques, de leur imposer des procédures, des règles, des interdits, de créer si on le veut de nouvelles catégories d’assujettis.

Mais on ne peut créer par un traité une nouvelle citoyen­neté. Curieuse citoyenneté d’ailleurs que celle dont on nous parle, parée de droits, mais exempte de devoirs !

Le droit de vote exprime ainsi une adhésion très forte sans laquelle il n’a aucun sens. On ne vote pas dans un pays simplement parce qu’on y habite, mais parce que l’on veut partager ses valeurs et son destin. L’obstacle à la citoyen­neté européenne n’est donc pas tant constitutionnel que moral.

Oserai-je dire à cet égard que je suis moins choqué à la limite, sous les précautions que l’on sait par la perspective d’admettre des étrangers à des élections locales qu’à l’idée de reconnaître le droit de vote pour les élections européennes aux ressortissants des autres États membres de la Commu­nauté résidant en France? Car là est bien, au niveau des principes, la dérive fédéraliste.

Dans l’esprit d’une confédération respectant les souverai­netés nationales, ce qui est, jusqu’à preuve du contraire la seule voie sur laquelle nous soyons jusqu’à présent officielle­ment engagés, les députés au Parlement européen sont les représentants de chacun des peuples de la Communauté. C’est donc tout naturellement qu’ils sont élus sur des bases nationales. Ouvrir ce corps électoral aux résidents des autres États membres, serait rompre avec ce principe et ouvrir une brèche qui nous conduirait bientôt à tenir les décisions du Parlement de Strasbourg pour l’expression de la volonté générale d’un hypothétique « peuple européen», au même titre que la loi édictée par chaque Parlement national est l’ex­pression de la volonté générale de la Nation,

C’est là, bien entendu, où veulent nous conduire les auteurs du traité de Maästricht et il est clair que tous les moyens sont bons à leurs yeux pour y parvenir. Cette dispo­sition est donc absolument inacceptable, quelles qu’en soient les conditions d’exercice.

Je prendrai néanmoins le risque d’étonner en affirmant qu’il faut probablement tenir la création de la citoyenneté européenne pour ce qu’elle est, c’est-à-dire un simple corol­laire de la monnaie unique qui est, elle, le vrai, le puissant mécanisme par lequel se réalisera non seulement l’intégration économique mais aussi finalement l’intégration politique.

Ceux qui se contentent de demander l’abrogation des dispositions sur le droit de vote s’attaquent ainsi, je le crains, aux effets anticipés sans s’attaquer aux causes. On peut d’ailleurs se demander légitimement jusqu’à quel point cette disposition provocante, qu’on pourrait éven­tuellement paraître atténuer, n’a pas pour seule fonction d’être un abcès de fixation, un leurre, un change comme on dit sur certains terrains de chasse.

Nous en aurons du moins tiré parti pour nous souvenir que le sentiment national n’est pas le nationalisme, Car le nationalisme, avec ses outrances et, son égoïsme forcené a quelque chose de pathologique qui n’a rien à voir avec la nation ni, bien sûr, avec la République.

C’est dire combien la France, dont il nous faut préserver la souveraineté, en refusant de la dissoudre dans l’Europe fédérale, n’est pas la France des extré­mistes de droite qui est en fait une anti-France,

Que peuvent d’ailleurs bien comprendre à la nation ceux qui, il y a cinquante ans, s’engageaient dans la collaboration avec les nazis pour bâtir l’ordre européen nouveau ; ceux qui, dans Paris occupé, orga­nisaient des expositions sur la France européenne au Grand Palais, ceux qui prophétisaient qu’on parlerait de l’Allemagne et du Danemark comme on parle de la Flandre et de la Bourgogne, ou encore que dans une Europe où l’Allemagne tiendrait le rôle que l’Angleterre entendait s’arroger, ses intérêts et les nôtres se rejoindraient tôt ou tard ?

Je ne crois pas que ceux-là aient rompu avec ces pen­chants, malgré les efforts qu’ils déploient pour jouer sur l’égoïsme, tout en dissimulant l’idéologie qui les anime, qui dépasse d’ailleurs les frontières et qui est antirépublicaine parce qu’elle est viscéralement contre l’égalité des droits et la reconnaissance universelle de la dignité de la personne humaine.

Mais qu’on y prenne garde : c’est lorsque le sentiment national est bafoué que la voie s’ouvre aux dérives nationalistes et à tous les extrémismes!

J’ai parlé de république, de valeurs républicaines. Il faut à ce sujet bien nous entendre. En France, la République n’est pas seulement un régime institutionnel. Et s’il fallait lui trouver une date de naissance, je la situerais à Valmy, le 20 septembre 1792, avec le « peuple en armes », plutôt qu’à la Convention, le lendemain, quand les députés décidèrent d’abolir la monarchie. Car la République, c’est avant tout ce système de valeurs collectives par lequel la France est ce qu’elle est aux yeux du monde. Il y a une République fran­çaise comme il y eut une République romaine. Depuis l’ori­gine, sa maxime est la même : la souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice. Elle est insépa­rable de la dignité de la personne humaine et de son émanci­pation, de État de droit, de l’équité et de l’égalité des chances. Elle est inséparable de la solidarité nationale, de l’ambition collective nationale, de l’esprit national, de l’indé­pendance nationale, Elle est inséparable de État qui, en son nom, doit arbitrer, rendre la justice, attaquer inlassablement les privilèges, combattre les féodalités, accorder la primauté aux mérites et à la vertu. C’est dire que forgée dans le même moule, la République n’est pas séparable de la nation. Et tout cela, bien sûr, ne date pas d’hier !

(…)

À chaque étape de notre histoire, il y a déjà ainsi un peu de la République comme il y en avait quand Napoléon faisait rédiger le code civil et qu’il disait : « Ma maxime a été la carrière ouverte aux talents sans distinction de fortune. »

Il fallait passer par là pour qu’un jour il y eût vraiment la République et les philosophes et la Déclaration des droits et l’école de la République, pour que la France devienne ce pays si singulier dont Malraux disait qu’« il n’est jamais plus grand que lorsqu’il parle à tous les hommes». Ce pays si singulier qui, depuis toujours au fond, se veut plus exemplaire que dominateur. Ce pays si singulier qui, malgré ses faiblesses et ses renoncements, garde, tout au long des vicissitudes de l’histoire, un statut exceptionnel de guide spirituel et moral : car il y a indubitablement une exception française.

Une exception française, oui, qui traduit cet extraordinaire compromis que la République a réalisé chez nous, entre la nécessité de État et la liberté de l’individu et qui ne peut s’accorder avec la normalisation, avec la banalisation que l’on veut imposer à la France, au nom de la logique de Maästricht.

Comme il faut bien nous apaiser, voilà qu’on nous promet de respecter les identités nationales, en cherchant à nous convaincre que ces dernières sont trop fortes pour que le creuset fédéraliste les menace de disparition.

Des concessions nous seront faites, concernant — sait-on jamais ? — nos fromages et quelques-unes de nos coutumes ­parce que le folklore ne dérange personne, jamais un mouvement folklorique n’est devenu révolutionnaire. On nous laissera peut-être la Marseillaise, à condition d’en changer les paroles parce que ses farouches accents comportent des dangers et rappellent à notre peuple son histoire et sa liberté.

On nous abandonnera notre langue, quitte à nous laisser le soin de l’abâtardir alors que, pour tant de peuples, le français reste encore synonyme de liberté. Déjà, nous nous rallions à cette idée folle que notre langue n’est rien de plus qu’une technique de communication.

Déjà, nous acceptons l’idée qu’il est peu rationnel de cumuler neuf langues de travail et qu’il y a là un vrai problème pour l’Europe. Or cet utilitarisme à courte vue, auquel se convertissent nos élites et qui fait progresser à grands pas l’Europe fédérale, est de nature à détruire l’âme de la France.

Il est d’ailleurs tout à fait significatif d’avoir choisi le mot identité pour désigner ce qu’on consent à nous laisser. Cette assurance qu’on se croit obligé de nous donner est déjà l’indice d’un risque majeur.

On parle de l’identité lorsque l’âme est déjà en péril, lorsque l’expérience a déjà fait place à l’angoisse. On en parle lorsque les repères sont déjà perdus !

La quête identitaire n’est pas une affirmation de soi. C’est le réflexe défensif de ceux qui sentent qu’ils ont déjà trop cédé. En ne nous laissant que l’identité, on ne nous concède donc pas grand-chose, en attendant de ne plus rien nous concéder du tout !

[bgcolor=#FFFF99]Que veut-on mettre à la place de ce qu’il est question d’effacer ? À quoi veut-on nous faire adhérer quand on aura obtenu de nous un reniement national ? Sur quoi va-t-on fonder ce gouvernement de l’Europe auquel on veut nous soumettre ? [/bgcolor]

Sur la conscience européenne ? C’est vrai, cette conscience existe ; il y a même quelque chose comme une civilisation européenne au confluent de la volonté prométhéenne, de la chrétienté et de la liberté de l’esprit. Bien sûr, nous autres Européens avons un patrimoine et toutes sortes de similitudes, mais cela ne suffit pas pour forger un État.

S’il y a une conscience européenne, c’est un peu comme il y a une conscience universelle ; elle est de l’ordre du concept et n’a à voir ni avec l’âme du peuple ni avec la solidarité chamelle de la nation. La nation française est une expérience multiséculaire, La conscience européenne est une idée qui d’ailleurs ne s’arrête pas aux frontières de la Communauté. Et l’on ne bâtit pas un État légitime sur une idée abstraite, encore moins sur une volonté technocratique.

Ainsi, État fédéral européen manquerait de fondement réel et de justifications profondes. Ce serait un État arbitraire et lointain dans lequel aucun peuple ne se reconnaîtrait. Les plus lucides des fédéralistes européens le savent bien et ils ont une réponse toute prête. Il s’agit de l’Europe des régions, laquelle présente le double avantage de rapprocher, disent-ils, le pouvoir du citoyen et de mettre hors-jeu — ça c’est sûr — ­les États nationaux,

Seulement voilà : ce fédéralisme régionaliste signifierait à coup sûr la fin de notre République. Ce serait anéantir dix siècles de volonté d’unification du pays, dix siècles de rassemblement des provinces, dix siècles de lutte contre les féodalités locales, dix siècles d’efforts pour renforcer la solidarité entre les régions, dix siècles d’obstination féconde pour forger, de génération en génération, une authentique communauté nationale.

Qu’en adviendra-t-il à terme ? On remplacera les quelques frontières nationales existantes par une multitude de frontières locales invisibles mais bien réelles. On formera de petites provinces là où il y avait de grands États avec autant de communautés crispées sur leurs égoïsmes locaux. On laissera les régions riches devenir toujours plus riches et les pauvres devenir toujours plus pauvres.

On confiera les affaires à des notables que le gouvernement fédéral, du fait de son éloignement et de son manque de légitimité, ne pourra contrôler, pas plus que ne pourront le faire les gouvernements nationaux politiquement affaiblis et limités dans leurs compétences…) Ce sera le grand retour des féodalités, lequel, je vous le concède, a déjà largement commencé.

Ce sera, pour le coup, cette Europe des tribus que nous dit tant redouter M. le Président de la République. Il n’y aura plus en France de redistribution, de péréquation, d’aménagement du territoire. Viendra la règle du chacun pour soi et de Dieu pour personne.

Se noueront des relations de région à région par-dessus la tête des États ; c’est déjà entamé ! Ce sera le contraire de la République et le contraire de la démocratie.

Ceux-là mêmes qui ont multiplié les échelons de l’administration nous disent maintenant qu’il y en a trop, qu’il faut en supprimer, pour rationaliser, pour simplifier. Il y a trop d’échelons, comme il y a trop de communes. Et même s’il n’y a pas de calcul, s’il n’y a pas de préméditation, même si M. Delors est probablement sincère quand il déclare qu’il ne veut pas faire disparaître les nations, l’engrenage qui se met en place est tel qu’au bout du compte ce n’est pas le choix entre le département et la région qui s’imposera dans la multiplicité des échelons du pouvoir : c’est l’escamotage de l’Etat-nation qui se dessinera !

Et l’idée fait subrepticement chemin : déjà les régions traitent directement avec Bruxelles, pour quémander des subsides, déjà elles s’allient entre elles pour organiser des groupes de pression à l’échelon communautaire ; déjà voient le jour des politiques régionales qui ne tiennent plus aucun compte des impératifs nationaux.

Et voilà que se crée à Bruxelles un comité des régions qui n’a pas encore beaucoup de pouvoirs, mais qui se présente déjà comme organe de représentation. C’est la manifestation ouverte d’un dessein régionaliste qui ne prend même plus la peine de se déguiser, mais dont, comme toujours, on dissi­mule les véritables ambitions.

Là encore, si nous sommes tellement vulnérables, la faute en est due à notre propre renoncement, un renoncement qui se situe dans la dérive d’une décentralisation mal conçue et mal maîtrisée dont la perspective de l’Europe des régions fait apparaître tout à coup les immenses dangers!

Nous avions pourtant choisi la décentralisation, pas la désintégration!

Les choses vont-elles donc continuer à se défaire sans qu’a aucun moment le peuple français ne soit consulté? (…)

Mais voilà qu’on nous assure que Maästricht serait la condition de la paix et de la prospérité, ce qui signifie par là même que son échec équivaudrait à la régression et, j’ima­gine, à la guerre. C’est l’une des idées reçues du moment : les nations seraient inévitablement condamnées au déclin par le progrès de la civilisation matérielle. Leur souveraineté serait incompatible avec le renforcement inéluctable des interdépendances écono­miques et techniques. L’évolution des choses conduirait nécessairement vers un monde sans frontières, chacune de celles-ci constituant un obstacle à l’efficacité, une entorse à la rationalité, une entrave à la prospérité.

[b]Ce sont là des affirmations qu’il nous faut vérifier avec soin car ce qu’on nous demande d’abandonner, pour atteindre la prospérité, ce n’est pas seule­ment le droit de battre monnaie, c’est la possibilité de conduire une politique économique qui nous soit propre.

Suffirait-il de constituer un grand ensemble intégré pour brusquement et sûrement accroître ces performances ? On en douterait au spectacle de grands ensembles existants qui péri­clitent ou se divisent. L’ancienne Union soviétique, la Chine, l’Inde sont-elles à ce point prospères qu’il nous faille à tout prix les imiter ? [/b]

Les États-unis eux-mêmes sont-ils à ce point heureux dans la gestion de leurs affaires intérieures qu’il faille les prendre pour modèles ? N’observe-t-on pas à l’inverse des réussites éclatantes qui ne doivent rien à l’immensité au Japon, à Taiwan, en Corée du Sud, voire dans les villes­états, comme Singapour ou Hong-Kong ?

Comment s’en étonner ? La mise en commun des faiblesses et des défaillances de chacun n’a jamais amélioré les performances de tous.

Si l’argument de la taille ne convainc pas, on tient en réserve l’une de ses variantes : elle consiste à condamner la tentation de l’autarcie. C’est ce qu’a fait M. le Premier ministre cet après-midi. L’autarcie est-elle la plus sûre façon de ruiner l’économie, d’étouffer l’initiative, d’appauvrir la culture ? Certes oui, mais qui dit le contraire ? Qui parle de replier le pays sur lui-même ? Qui parle de renoncer à la liberté des échanges ? Qui donc ici prône l’exclusion, la fermeture aux autres ? Personne ! En tout cas pas moi ! Mais en quoi donc le rejet de l’autarcie a-t-il quelque chose à voir avec la prétendue nécessité d’une Europe fédérale ? La réponse est simple: cela n’a rien à voir !

Il y a des siècles que les échanges internationaux se déve­loppent et depuis 1945 ils ont enregistré une formidable pro­gression, contribuant à la prospérité et à l’accroissement des niveaux de vie. A-t-on eu besoin pour cela de réduire le nombre des nations ?

Leurs frontières politiques ont-elle fait obstacle à cette évolution ? Les particularismes nationaux ont-ils compromis l’allocation des ressources, freiné l’innova­tion, ralenti la croissance ?

Dans les faits, n’est-ce pas tout le contraire qui s’est passé, et n’est-ce pas le pays qui en a le plus profité, le Japon, qui est aussi le plus rebelle à tout sys­tème qui l’intégrerait ? Il est vrai que, pour échanger, il faut avoir quelque chose à échanger. Il est donc autorisé d’être différent et il est même plus souhaitable d’être complémen­taire que semblable.

L’avenir n’est donc pas contradictoire avec la volonté des peuples de garder leur caractère, de tirer le meilleur parti de ce qu’ils sont, de leurs atouts, de leurs spécificités pour donner au monde la plus belle part d’eux-mêmes.

La compétition, la concurrence, c’est d’ailleurs cela : c’est le jeu où des producteurs placés dans des situations particu­lières, avec des capacités et des savoir-faire différents, s’effor­cent en permanence de se dépasser afin de produire à moindre coût et de vendre davantage.

Gardons-nous donc de la vision angélique et réductrice d’une internationalisation économique dégagée de toute réfé­rence aux nationalités! Pour garder leur efficacité, les entreprises ont à prendre en compte les caractéristiques des marchés locaux, des mentalités, des comportements, des langues.

Tenir l’économie mondiale pour un système unitaire et indifférencié procède à l’évidence d’une analyse superficielle. En réalité, un espace de concurrence est un espace d’échange libre et non un vase clos dans lequel une bureaucratie tatil­lonne s’efforce de gommer toutes les différences en imposant avec obstination ce que les auteurs de l’Acte unique ont appelé « l’harmonisation des conditions de la concurrence ».

Redoutable contresens économique, d’ailleurs, que cette « harmonisation» à laquelle nous devons déjà des centaines et des centaines de directives et de règle­ments communautaires ! Mesurons l’absurdité d’une telle démarche en posant, comme le fit un jour un économiste, cette impertinente mais judicieuse question : « Puisqu’il faut harmoniser les conditions de la concurrence, pourquoi, comme sur le nez de Cyrano, ne pas poser des petits parasols sur les tomates cata­lanes, gorgées d’un soleil qui fait si injustement défaut aux tomates néerlandaises ? »

Ne rions pas, nous ne sommes pas loin de cela ! Nous n’en sommes pas loin quand on se met à réglementer, pour toute la CEE, les conditions de production pour les chasses d’eau, les survêtements, les fromages. Croyez-vous que cela a quelque chose à voir avec la vitalité des marchés, avec la force créatrice de la libre entreprise, avec le stimulant de la concurrence ?

On nous fabrique aujourd’hui en Europe un espace écono­mique plus uniformisé que le marché intérieur américain lui-même, qui vit et prospère très bien sans même l’harmonisa­tion des fiscalités, alors que, pour créer un marché unique, on pourrait s’en tenir à la libre circulation des biens et des personnes et à la reconnaissance mutuelle des réglementa­tions, en limitant l’effort d’harmonisation à ce qui relève de la santé publique et de la protection de l’environnement.

Mais ce n’était pas assez pour nos eurocrates qui veulent supprimer la concurrence en préten­dant la préserver. On met en avant de prétendus impératifs de concurrence pour réglementer, centraliser, diriger l’éco­nomie européenne, à la seule fin, non d’accroître l’efficacité et la prospérité communes mais de forger à la fois l’instru­ment et la raison d’être d’un futur gouvernement fédéral, un gouvernement fédéral qui ne pourra certainement pas souffrir l’existence d’une réelle concurrence entre les États fédérés.

La monnaie unique qu’on nous propose maintenant est la conséquence logique de cette stratégie. Voyons ensemble ce que vaut cette touche finale.

On nous dit que la monnaie unique est la clé de l’ emploi. On nous annonce triomphalement qu’elle créera des millions d’emplois nouveaux — jusqu’à cinq millions, selon M. Delors, trois ou quatre, selon le Président de la République. Mais que vaut ce genre de prédiction, alors que, depuis des années, le chômage augmente en même temps que s’accélère la construction de l’Europe technocratique ? Par quel miracle la monnaie unique pourrait-elle renverser cette tendance ? Oublierait-on que certaines simulations sur les effets de I"union monétaire sont particulièrement inquiétantes pour la France puisqu’elles font craindre encore plus de chômage dans les années à venir ? En vérité, tout ce que notre éco­nomie doit d’incontestablement positif à la construction euro­péenne, c’est la fin du protectionnisme intracommunautaire, ce qui n’a rien à voir ni avec l"harmonisation à tout prix ni avec la monnaie unique.

On nous dit que les risques cambiaires tendent à limiter les transactions. Mais les échanges internationaux n’ont souffert d’aucun ralentissement notable après la généralisation des changes flottants, moyennant la mise au point de techniques de couverture fort élaborées.

On nous dit que la monnaie unique va favoriser nos exportations, mais les échanges intra­européens sont déjà considérables et I’unification de la mon­naie ne supprimera pas les risques de fluctuation vis-à-vis du dollar et du yen. Mieux : dès lors qu’il y aura trois pôles monétaires comparables, les arbitrages triangulaires iront se multipliant, avec tous les risques de change y afférent.

On nous dit que la monnaie unique favorisera les investis­sements français dans les autres pays de la Communauté. Or aucune statistique ne permet de conclure à un effet signifi­catif du risque de change sur I"investissement.

On nous dit que la monnaie unique fera économiser d’énormes coûts de transaction, mais personnes n’est réelle­ment capable d’évaluer ces coûts et tous les chiffres cités à ce sujet, y compris les vôtres, sont le plus souvent totalement fantaisistes.

M. Rocard nous dit que, si Louis XI n’avait pas eu raison de Charles le Téméraire, la Bourgogne d’aujourd’hui vivrait dans la hantise de voir se détériorer sa balance des paiements avec l’Île-de-france et l’Aquitaine.

Et il nous prédit que la monnaie unique mettra fin à ce genre d’archaïsme, entrave à la crois­sance. Mais qui donc est obsédé par le solde des paiements courants sinon ceux-là mêmes qui confondent les consé­quences et les causes, qui confondent les écritures comp­tables avec les mécanismes économiques et qui sont paralysés par des contraintes imaginaires ?

Comment peut-on penser en effet que la balance des paie­ments est en elle-même une contrainte économique bien réelle et croire qu’il suffit de ne plus libeller les transactions que dans une seule monnaie pour qu’elles s’envolent miracu­leusement ?

On nous dit que la monnaie unique fera baisser tes taux d’intérêt, mais cela est plus que douteux dès lors qu’il va falloir intégrer des pays plus sujet à l’infla­tion et ensuite tout dépendra de la politique de la Banque centrale européenne qui sera indépendante, c’est-à-dire incon­trôlable.

On dit encore, en effet, que la monnaie unique entre les mains d’une banque centrale indépendante permettra de mieux assurer la lutte contre I"inflation : mais nul ne peut garantir que les dirigeants de cette banque, qui n’auront de comptes à rendre à personne, feront toujours la meilleure politique possible ! Ou alors doit-on considérer l’irresponsa­bilité comme le gage le plus sûr de l’efficacité ?

L’expérience de la FED aux États-unis est-elle à cet égard concluante ? Le comportement actuel de la Bundesbank est-il si encourageant ? Certes non, d’ailleurs les plus grandes figures de l’orthodoxie monétaire, comme l’Américain Milton Friedman ou le Français Maurice Allais, sont farouchement opposés au principe de l’indépendance de la banque centrale.

[/color][Heu, si je peux me permettre, il me semble que l’indépendance de la banque centrale par rapport aux pouvoirs constitués est voulue par ces deux économistes, mais en précisant que les hommes politiques doivent pouvoir déterminer les missions de la banque centrale. Et surtout, ce que réclame fortement Maurice Allais, c’est que la création monétaire revienne toute entière à la Banque centrale (indépendante, mais aussi souveraine par rapport aux banques privées). Cela, Philippe Seguin n’en parle pas (à mon avis, simplement parce qu’il ne le sait pas). ÉC][color=black]

En vérité, il n’y a pas de meilleure incitation à bien gérer la monnaie que la concurrence moné­taire même si cette incitation est loin d’être sans défaut. Or, que nous propose-t-on, sinon de supprimer la concur­rence entre les monnaies européennes ?

Alors on vient nous dire, argument ultime et présumé décisif, que nous n’aurions plus d’autre choix qu’entre « subir » et « codécider ».

Que répondre à ceux qui nous disent qu’en acceptant de participer au SME, notre pays a déjà renoncé à sa souverai­neté dans ce domaine ? Que c’est oublier un peu vite qu’il existe des marges de fluctuation significatives. Que nous gardons, c’est vrai, la possibilité de dévaluer si nous le décidons et que nous pouvons sortir du système si nous le jugeons nécessaire. Que, dans le SME, la France choisit libre­ment les contraintes qu’elle s’impose jusqu’à ce qu’elle décide de s’en affranchir, Au contraire, avec la monnaie unique, nous abandonnons définitivement ou presque le droit de choisir notre politique monétaire. Toute la différence est là !

Alors on objecte encore que, même si elle le voulait, la France ne pourrait pas exercer sa souveraineté, qu’elle n’au­rait d’autre possibilité que celle de s’aligner sur les décisions des autorités allemandes afin d’éviter la fuite des capitaux flottants et l’effondrement de sa monnaie.

C’est oublier, me semble-t-il, que le maintien à tout prix d’une parité arbitraire entre le franc et le Mark est un choix politique qui n’a rien d’inéluctable. C’est oublier qu’une monnaie qui ne se maintient qu’en s’appuyant sur des taux d’intérêt réels exorbitants ne peut pas être considérée comme une monnaie forte et qu’en adop­tant une telle politique, la France a permis d’accentuer la sous-évaluation du Mark au sein du SME où tous les experts s’accordent pour constater qu’il est déjà sous-évalué depuis 1979, ce qui est un comble puisque nous donnons ainsi à l’Allemagne une prime supplémentaire de compétitivité. Et quand j’entends dire, comme hier, qu’on veut réévaluer le franc par rapport au Mark, je me demande si on ne nage pas en pleine folie !

En tout cas, rien n’impose aujourd’hui à la France la poli­tique monétaire qu’elle s’est choisie, qui joue au détriment des salariés, qui disqualifie les investissements à long terme et qui a des effets tellement désastreux sur l’activité qu’ils finiront de toutes les façons par faire fuir les capitaux étrangers.

Et puisque rien n’impose à la France cette politique, rien ne l’empêche non plus d’en changer !

Que ceux qui me disent qu’en ne nous alignant pas systématiquement sur l’Allemagne, nous rejetterions la rigueur et choisirions l’isolement me comprennent bien : il ne s’agit pas à mes yeux de prôner le retour au contrôle des changes, au laxisme budgétaire, à l’inflation, ni même de recommander la sortie du SME, encore moins de la CEE. Mais enfin, le SME a bien survécu à onze ajustements depuis 1979! Et ce n’est pas parce que le franc a été dévalué en 1986 et le Mark réévalué en 1987 qu’on peut dire que la gestion d’Édouard Balladur n’a pas été rigoureuse !

Dans le domaine monétaire comme dans les autres, il faut se plier aux réalités. Il faut donc savoir ajuster les parités quand c’est nécessaire, non pour faire de la dévaluation compétitive, mais pour éviter la défla­tion.

Eût-il été déraisonnable de laisser le Mark se réévaluer quand la Bundesbank décida de relever ses taux d’interven­tion pour gérer les conséquences de la réunification ? On pourrait en discuter, mais le choix existait pour la France. Il n’en sera plus de même quand elle sera emprisonnée dans le système de la monnaie unique. Dans ce système, en effet, on chercherait en vain la présence du pouvoir national au milieu des mécanismes de codécision.

Une véritable codécision exigerait l’unanimité, ce qui, bien sûr, paralyserait une institution qui doit en permanence com­poser avec la conjoncture, les décisions seront donc prises à la majorité, non par des représentants des États, mais par des personnalités indépendantes, qui ne recevront pas d’ordre de leurs gouvernements respectifs. Donc, la France, en tant qu’État, n’aura absolument aucune part à l’élaboration de la politique monétaire. C’est cela, sans doute, qu’on appelle la « souveraineté partagée». Curieux partage qui tendrait à priver la France de toute liberté de décision !

Et ne négligeons pas les conséquences de ce qui se pré­pare : conséquences économiques et conséquences politiques. [/color]
(…)

Lire la suite : L'Observatoire de l'Europe

Le discours de Philippe Seguin du 5 mai 1992 à propos du traité de Maastricht

Un grand texte républicain, en effet, même si toutes les affirmations n’entraînent pas l’accord.

Par exemple, je ne vois pas d’impossibilité à ce que lien fédéral précède chronologiquement le lien national, ni (comme je le disais à Instit, à qui ce discours plaira sans doute beaucoup) à ce qu’il existe une citoyenneté de l’Union européenne alors que la « nation UE » n’existe pas encore.

Voilà un document que les responsables de « 29mai.eu » pourraient utiliser pour améliorer leur démarche. JR

Un grand texte républicain ? Je ne partage pas ce sentiment.

Un grand texte souverainiste plutôt selon moi, car il y expose toutes les convictions de ce courant de pensée, Et ceci nous renvoie à notre discussion par email Etienne justement ^^

Il y a bien un bon nombre de points que je partage dans ce discours, ceux qui rejoignent ce qui est dit sur ce site, comme la séparation des pouvoirs, ou en partie ce qu’il dit sur la banque centrale (et vous avez raison : il se trompe sur les 2 économistes qu’il cite), mais beaucoup que je ne partage pas vraiment : ceux sur la souveraineté, la nation, la république et le fédéralisme.

Par exemple, je pense qu’il se trompe sur l’insuffisance du sentiment d’appartenance européen : peut-être est-ce différent aujourd’hui par rapport au moment où se tenait ce discours, mais je crois que cette volonté d’union européenne, notre sentiment d’avoir avec tous ces peuples européens nos destins liés, est suffisamment fort pour justifier une Europe fédérale et une intégration européenne.

Et l’évolution des choses, je pense, me donne raison car, malgré tout le négatif qui ressort de cette construction européenne, les différents peuples continuent très majoritairement à vouloir cette construction européenne ; la dernière preuve en date, en tout cas d’après ce que j’ai vécu en France, est cet engouement pour l’idée d’une Constitution européenne.

Je ne connais pas bien l’exemple canadien, mais je crois qu’il n’a rien de comparable avec ce que nous voulons faire au niveau européen.

Il se peut effectivement que notre tentative d’union se solde par un échec comme pour le Québec qui aujourd’hui veut être indépendant, et peut être que la chance que notre construction européenne réussisse est mince et très difficile, ou même impossible, mais je pense que les différents pays européens qui s’y engagent ont suffisament de volonté et de lucidité pour la tenter malgré tout.

Je ne partage donc pas du tout l’idée que nous nous engageons dans ce fédéralisme en non connaissance de cause, bien au contraire.

Par contre, là où je suis d’accord, c’est quand il dit que le fédéralisme de l’Union européenne est un fédéralisme au rabais.

Quant à la république ou la nation, je ne la crois pas incompatible du tout avec une Europe fédérale.

D’abord, je pense que le sentiment national n’est pas du tout lié à notre souveraineté, mais seulement à notre histoire, à notre langue, à nos traditions, à nos valeurs, bref à notre identité.

Je pense simplement qu’il faut que cette Europe se construise autour de ces principes républicains et autour de nos valeurs, et c’est là une faute à mon avis de la construction européenne actuelle, qui s’est construite uniquement autour d’intérêts économiques et qui s’est agrandie trop vite.

Je pense, par exemple, que la conformité à une Charte des droits fondamentaux commune aux différents pays de la 1ère union européenne aurait dû être un prérequis à l’adhésion à cette union.

Maintenant que la faute est commise, je ne crois pas que cela soit irréversible, et à partir du moment où on réussirait au moins à construire une Europe démocratique avant de nous engager dans de nouveaux transferts de souveraineté, tout me semble permis.

Fédéralisme et construction européenne

Sandy (3046).

En effet, j’aurais dû préciser : un grand texte républicain en ce qui concerne la partie relative à la nécessité du référendum, qui nous intéresse ici en priorité.

Pour la seconde partie (relative au rôle de la nation), les arguments souverainistes ne me convainquent pas entièrement : mais même dans cette partie le texte a le mérite de poser explicitement de vrais problèmes qui se prêtent à une réflexion républicaine.

Je crois pour ma part que, pour le moment du moins, l’hypothèse fédéraliste n’est pas réaliste.

Le « sentiment d’appartenance européenne » dont vous parlez est réel, mais ce n’est pas un sentiment fédéraliste. On peut vouloir la construction européenne sans désirer une fédération européenne. La fédération viendra quand les populations de plusieurs pays européens auront le sentiment de former une nation européenne nécessitant la mise en place d’un État européen. Avec les élargissements successifs de la trentaine d’années passées, nous en sommes de plus en plus loin : la perspective confédérale est la seule plausible.

La construction européenne, aujourd’hui comme à l’époque du discours de Ph. Seguin, consiste en un processus de coopération intergouvernemental et bureaucratique qui donne lieu à des délégations de pouvoirs de plus en plus nombreuses sans grand souci (au moins jusqu’en 2005) des contrôles démocratiques : les expressions « fédéralisme » ou même « fédéralisme au rabais » ne décrivent pas bien cette réalité.

Quant au Québec, il me semble que le désir d’indépendance y est beaucoup moins fort depuis que la fédération canadienne a reconnu en droit et en fait l’existence d’une nation québecoise. JR

Je suis d’accord : on s’oriente vers une Europe confédérale, c’est déjà un début, et pour moi l’Europe fédérale est plus un objectif à long terme qu’autre chose.

Je pense que le sentiment d’appartenance européen est par nature fédéraliste, Jacques Roman, mais je suis d’accord avec vous : il n’est pas suffisant pour parler de nation européenne, mais je le pense suffisant pour justifier, comme je l’ai dit, une mise en commun de nos souverainetés.

Pour moi, la nation n’est définie que par une identité commune, et cette identité étant le résultat d’une histoire commune, de traditions communes, de valeurs communes, etc. Cette histoire commune ne faisant que commencer par exemple, et vu que nous sommes loin de partager les mêmes valeurs, vu que nous sommes encore loin de connaître ou de partager des traditions avec les autres peuples, on est encore loin d’avoir une identité commune :slight_smile:

Mais je pense que tout cela se fera inévitablement petit à petit tant que nous seront unis.

Donc, ce qui me semble le plus important, dans un premier temps, c’est de veiller à ce que ces transferts de souveraineté se fassent sans perte de la démocratie, c’est-à-dire une Europe démocratique, et que ces transferts de souveraineté se fassent avec évidemment le consentement des peuples.

Le discours de Philippe Seguin à propos de la révision de la constitution qui a précédé la ratification du traité de Maastricht : nation et nationalisme

Pour revenir sur cette question, plus particulièrement sur le message 3046 de Sandy et mon message 3048 :

Même dans sa partie « souverainiste », il y a des choses essentielles à prendre dans le message de Ph. Seguin, et qui intéressent le fonctionnement d’une république.

Son argument principal se résume (sauf erreur) à ceci qu’il ne faut pas renoncer à une nation existante et son État alors qu’une autre nation ou un autre État ne sont pas encore là pour prendre le relais consensuellement.

Cet argument me paraît pleinement justifié. Pour que je renonce à la nation et à l’État français actuels, il faudrait que j’aie acquis l’intime conviction de l’existence d’une nation et d’un État européens reprenant et complétant les valeurs de mon État national. [bgcolor=#FFFF99]Ce sentiment ne s’impose pas artificiellement par traité ou décision bureaucratique[/bgcolor] : il faudra des décennies avant que la majorité des populations européennes en arrivent là — si elles doivent y arriver. Combien de temps les Bretons, les Occitans ou les Provençaux ont-ils mis pour se sentir (majoritairerment) pleinement français ?

Il serait imprudent de sacrifier des aboutissements séculaires à ce qui n’est surtout, pour le moment, qu’une volonté de gouvernants - même si elle répond à une attente ou un espoir sans doute répandus (quoique pas unanimement partagés) dans les populations européennes.

Voilà comment j’interprète les propos de Philippe Seguin, et sur ce point aussi je trouve qu’il a raison.

Ce sentiment justifié de la nation et de l’État national est à distinguer (comme le fait Ph. Seguin) du nationalisme.

JR

[Note d’Étienne : c’est moi qui ajoute parfois des enrichissements et des couleurs dans les textes de Jacques — toujours parfaitement sobre dans sa présentation —, chaque fois que je trouve ses idées importantes, car je pense aux visiteus qui arrivent dans des centaines de pages à lire et qui ont probablement besoin de repères visuels pour filer rapidement d’idée clef en idée clef. Dites-moi, Jacques, si cela vous gêne, naturellement :confused: ÉC]

Ph. Seguin formule plusieures hyppothèses tout à fait contestables pour en arriver à ces conlusions :

La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas.
Je pense que c'est faux car notre souveraineté nous la partageons pourtant bel et bien entre tous les citoyens français. Transferer de notre souveraineté de l'échelle nationnale à l'échelle européenne ne revient en fait qu'à partager cette souveraineté avec plus de monde ...

Enfin peut être voulait il parler de « partage » dans le sens « diviser » …
Je pense que cette souveraineté est divisible en autant de décisions différentes qu’il est nécessaire de prendre.

La République n'est pas séparable de la nation
Je pense au contraire que ce sont deux notions bien différentes, et je ne vois pas pourquoi une union de nations ne pourraient pas vivre sous une seule et même république.
On ne saurait mieux souligner que pour qu'il y ait une démocratie il faut qu'existe un sentiment d'appartenance communautaire suffi­samment puissant pour entraîner la minorité à accepter la loi de la majorité! Et la nation c'est précisément ce par quoi ce sentiment existe. Or la nation cela ne s'invente ni ne se décrète pas plus que la souveraineté !
Je ne suis pas d'accord sur l'idée que c'est un sentiment d'appartenance communautaire qui fasse qu'une loi votée par une majorité soit acceptée par une minorité. Je pense que avant tout c'est la nature et le contenu de la loi elle-même, car certaines lois seront contestées. Ensuite je pense que c'est surtout la confiance accordée envers le système de décision qui est utilisé qui influe le plus.
C'est assez dire que la citoyenneté non plus ne se décrète pas, qu'elle ne relève ni de la loi ni du traité. Pour qu'il y ait une citoyenneté européenne, il faudrait qu'il y ait une nation européenne.
Pour moi la citoyenneté relève de la république, et certainement pas de la nation.

[bgcolor=#FFFF99]« Colombie-Britannique : La démocratie mise à niveau par les citoyens »[/bgcolor]

Une nouvelle absolument passionnante, rapportée par Manon Cornellier, sur ledevoir.com :

http://www.ledevoir.com/2004/12/11/70598.html

[i]« Alors que Québec concocte en vase clos son projet de réforme du mode de scrutin, la Colombie-Britannique, elle, a complété hier un processus complètement différent, unique au monde. [b][bgcolor=#FFFF99]Plutôt que de confier le travail à des fonctionnaires, à des experts ou à des politiciens, le gouvernement de Victoria a choisi de faire appel à des citoyens dont la proposition sera soumise à la population en mai prochain par voie de référendum.[/bgcolor][/b] Portrait d'une expérience inédite.[/i]

Vancouver – «Hourra!», s’est exclamée Frankie Kirby quand elle a su qu’elle avait été choisie par tirage au sort pour siéger à l’assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique sur la réforme électorale. Une fois l’excitation passée, cependant, elle s’est vite demandé dans quoi elle s’était embarquée.

«Je voulais être choisie et, quand mon nom est sorti, c’était comme si j’avais gagné à la loterie. Une fois calmée, par contre, j’ai commencé à avoir des papillons dans l’estomac», raconte-t-elle.

[bgcolor=#FFFF99]Comme les 159 autres membres de cette assemblée, Frankie Kirby savait peu de chose des différents modes de scrutin et n’occupait aucun poste électif dans sa province ou au sein d’un parti politique. Mais peu importe: c’est à ces citoyens ordinaires qu’on demandait d’analyser le système en vigueur en Colombie-Britannique, et tout cela à cause d’une défaite électorale du libéral Gordon Campbell.[/bgcolor]

Défait en 1996 alors que son parti avait remporté la pluralité des voix, Campbell avait aussitôt promis de revoir le système électoral uninominal à un tour en vigueur dans la province. En 1999, son parti a ainsi promis de confier le travail à des citoyens plutôt qu’aux élus et aux experts.

Parole tenue

Élu en 2001, Gordon Campbell tient alors parole. Gordon Gibson, un chercheur en résidence à l’Institut Fraser, développe un modèle d’assemblée. Le mandat et le choix du président font l’objet d’un vote unanime à la législature. La loi référendaire de la province est modifiée afin d’obliger le gouvernement à soumettre à la population la question rédigée par l’assemblée citoyenne. Le référendum aura lieu en même temps que les élections du 17 mai 2005. Les élections ont maintenant lieu à date fixe dans cette province.

Si la proposition récolte l’appui de 60 % de la population de la province et de la majorité des circonscriptions, dit la loi, le gouvernement sera tenu de présenter un projet de loi pour mettre en oeuvre, pour les élections suivantes, le nouveau mode de scrutin conçu par l’assemblée en octobre, qui a fait l’objet d’un premier rapport hier. Gordon Campbell se lie lui-même les mains.

[bgcolor=#FFFF99]Le fait que le premier ministre ait tenu promesse lui attire le respect de ses opposants comme de ses partisans.[/bgcolor] Lui se montre modeste. «On ne doit pas chercher à changer les règles seulement quand les résultats nous déplaisent», a-t-il dit en entrevue au Devoir.

[bgcolor=#FFFF99][b]Au moment de lancer l'assemblée, il avait déclaré que les politiciens ne pouvaient pas élaborer un système électoral sans être en situation de conflit d'intérêts. Il n'a pas changé d'idée. Selon lui, il revient donc aux citoyens de décider des règles devant gouverner les élus. «Je sais comment les politiciens pensent. La plupart, franchement, vont tenter de trouver un système électoral qui fonctionne à leur avantage.»[/b][/bgcolor]
Gordon Campbell ne cache pas qu'il est fier d'avoir créé l'assemblée et n'écarte pas la possibilité d'avoir recours à cette méthode pour débattre d'autres enjeux. Mais il refuse de s'attribuer tout le mérite. Selon lui, pour que l'assemblée réussisse, il fallait réunir une combinaison d'ingrédients comme un président compétent, un personnel professionnel, un mécanisme bien conçu et, surtout, des citoyens dévoués.

Le directeur de la recherche pour l’assemblée, Ken Carty, professeur à l’université de la Colombie-Britannique, pense qu’il fallait aussi [bgcolor=#CCFFFF]un budget adéquat (5,5 millions) et une indépendance complète[/bgcolor]. Ce que l’assemblée a obtenu, affirme-t-il.

Tout dans ce processus sort de l’ordinaire. D’abord, l’assemblée devait être composée à parts égales d’hommes et de femmes. Le mode de sélection des membres était particulier. Dans chacun des 79 comtés, 200 personnes sélectionnées par Elections BC ont reçu une lettre à l’automne 2003 pour les inviter à des réunions d’information à travers la province. Ann Davis, une fonctionnaire à la retraite, a cru un moment à une attrape publicitaire et a failli tout jeter à la poubelle.

Grosse charge de travail

[b]La charge de travail rebute la plupart des gens :[/b] réunions de formation toutes les deux fins de semaine de janvier à avril 2004, préparation des audiences publiques en mai et juin, lecture et analyse des mémoires durant les mois d'été (ils en recevront plus de 1600 au total) et, finalement, élaboration d'une proposition, d'une question référendaire et du rapport final à l'automne 2004. [b]Tout ça sans salaire[/b], sauf un dédommagement journalier et le remboursement des dépenses.

[bgcolor=#FFFF99]Ce programme ne décourage pas tout le monde. Il en reste assez pour faire le choix final par tirage au sort. Un an plus tard, un seul membre s’est désisté. L’assiduité surprend le personnel. Il manque rarement quelqu’un aux séances. À la dernière rencontre, un membre qui avait subi un quadruple pontage deux semaines auparavant s’est fait un devoir d’être au rendez-vous.[/bgcolor]


Il y a des gens de tous les horizons, du physicien diplômé d’Oxford au propriétaire de cimetière pour animaux domestiques. Ce qui marquera le plus la composition de l’assemblée sera cependant la parité entre hommes et femmes, affirme M. Blaney. Les membres interrogés sont du même avis.

Spécialiste des systèmes électoraux, Ken Cardy avait au départ refusé de diriger la recherche de l’assemblée. «Je l’aurais regretté si je n’avais pas changé d’avis. [bgcolor=#66FF00]C’est la meilleure expérience d’enseignement que j’ai jamais connue»[/bgcolor], dit-il.

[bgcolor=#FFFF99]Peu importe leur niveau d'éducation, les membres ont plongé, décortiqué les systèmes, multiplié les questions. Certains se sont lancés dans des recherches personnelles, un autre a produit des modèles informatiques pour mesurer la proportionnalité des divers modes de scrutin. Les échanges sur le réseau intranet de l'assemblée étaient vigoureux, les discussions en privée animées, témoigne Mme Davis.[/bgcolor]

Selon Ken Carty, l’engagement indéfectible des membres est attribuable au pouvoir accordé à l’assemblée. Mais il a fallu un moment pour que les membres y croient, raconte Tom Townrow, un étudiant en arts qui était au chômage au moment de sa sélection.


«Mais quand ils l’ont compris, ils ont eu le sentiment d’accomplir une mission unique très importante. En plus, ils sentaient la pression de leur milieu pour qu’ils fassent leur devoir», indique André Blais, professeur à l’Université de Montréal et membre d’une équipe de chercheurs qui a suivi les participants à l’assemblée.

«J’avais le sentiment d’être impliquée dans quelque chose de très important qui pouvait nous permettre de changer les choses», témoigne Ann Davis, une femme discrète mais très active dans les organismes communautaires de Vernon. «J’ai fait tout ce travail parce que je sentais aussi une grande responsabilité à l’endroit de mes collègues de l’assemblée», a ajouté Mme Kirby.

La fin des assemblées publiques, le 27 novembre, a donné lieu à des bouffées d’émotions. Il y avait des yeux humides dans la grande salle ronde. «Ce sera dur de se quitter», confiait Frankie Kirby. Ann Davis et Tom Townrow opinaient, les yeux maintenant tournés vers la campagne référendaire. »


Inutile de vous dire ce que la découverte de cette expérience a de bouleversant pour moi…

C’est Bernard Manin, ce cher Bernard — vous savez : celui qui a écrit ce monument d’intelligence, d’érudition et de pédagogie intitulé (de façon peu sexy, je le reconnais, mais c’est un leurre, la gangue d’un diamant) « Principes du gouvernement représentatif » —, qui m’avait signalé cette piste lors d’un échange de mails et je ne l’avais pas remarqué. L’autre jour, par hasard, je tombe sur ce mail, je le relis, et je tombe sur cette allusion à l’assemblée de citoyens en Colombie Britannique à laquelle mes idées lui faisait penser… Je vais voir sur Google et je tombe sur ça, cette bombe…

Ce n’est que le début, nous allons chercher plus de détails, en pour et en contre, n’est-ce pas mes amis ?

En tout cas, je suis content : cet article me donne une pêche pas croyable. J’ai envie d’aller tout de suite en Colombie Britannique pour leur poser mille questions.

:confused:

Étienne

Demain (samedi 1er mars), j’animerai une conférence débat à Istres (Bouches du Rhône) sur la démocratie
pour introduire une pièce de théâtre (le soir) qui mettra en scène des extraits de Tocqueville :
http://www.scenesetcines.fr/index.php?id=140&tx_ttnews[tt_news]=601&tx_ttnews[backPid]=40&cHash=98b1f4fdbc

À propos, cet entretien sur la démocratie avec Martine Guiraud vous intéressera peut-être (mais vous connaissez déjà toutes ces thèses) :
http://www.scenesetcines.fr/index.php?id=127&tx_ttnews[tt_news]=624&tx_ttnews[backPid]=1&cHash=4d681dc0bb

Bonne nuit, mes amis. :confused:

Je sens que le viol avéré du 4 février m’a mis un sacré coup sur la tête et je me sens découragé :
[bgcolor=#FFFF99]pourquoi discuter avec son bourreau ?[/bgcolor]

Je vous conseille d’écouter cette ITV extrêmement décapante de [bgcolor=#FFFF99]Slavoj Žižek[/bgcolor], aux Matins de France Culture, ce mardi 26 février 2008 :
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/matins/fiche.php?diffusion_id=60249

Amicalement.

Étienne.