Economies liées au passage à une vraie langue commune
Sam (votre 2062).
Je ne sais pas si l’on peut qualifier le budget communautaire de minime. Tout ce que j’ai lu ici et là (j’aimerais bien que quelqu’un d’autorisé le confirme), c’est que le budget des langues représenterait environ 1 % du budget global de l’UE, ou encore un milliard d’euros par an. D’ailleurs faudrait-il savoir si ces chiffres portent sur la traduction et l’interprétation seulement : auquel cas il faudrait ajouter les frais de terminologie, d’édition, et de publication dans tous les langues. Et il faudrait savoir aussi de quel budget on parle. (J’ai lu aussi quelque part le chiffre de 2 milliards, qui couvre peut-être tous ces éléments linguistiques : je ne serais pas surpris que la publication à elle seule représente la moitié du budget.)
Peu importe : la mise en place d’une vraie langue commune ne consiste pas seulement à transférer des coûts UE aux Etats membres (pour la traduction des textes en langue commune vers les langues nationales). Il faut voir les choses sous un angle différent.
Actuellement, l’anglais n’est pas politiquement accepté à l’UE ni à l’ONU comme langue de travail unique. Inutile de dire qu’il ne le sera jamais (pas plus d’ailleurs que toute autre langue naturelle) : il y a donc nécessité de traduire, interpréter et publier dans toutes les langues officielles de l’organisation les textes rédigés en anglais, et de traduire en anglais les textes produits dans les autres langues - cela par souci d’égalité politique. Les exceptions - il est vrai qu’elles se font de plus en plus nombreuses - donnent lieu à pas mal de grognements.
Avec une langue commune politiquement neutre et acceptée par conséquent comme langue de travail unique, les représentants des Etats seront automatiquement placés en situation d’égalité linguistique. Ces représentants n’auront alors plus d’hésitation à écrire et parler dans la langue commune plutôt que dans leur propre langue. Et comme leur gouvernement sera chargé des traductions (publications, &) de la langue commune vers la langue nationale, ils pourront choisir de laisser de côté bon nombre de textes qui n’intéressent que très secondairement leurs citoyens et dont leurs fonctionnaires pourront prendre connaissance par la seule langue commune : or, le principe d’égalité veut que pour le moment beaucoup de textes soient traduits et publiés dans toutes les langues, souvent sans grande utilité.
Plus tard, quand la langue commune sera pleinement en usage oralement (ça demandera certainement beaucoup de temps que pour l’écrit), les délégués n’hésiteront plus à intervenir dans cette seule langue. Alors qu’actuellement ils se plient à contrecoeur, faute de mieux, à l’emploi du seul anglais : et encore, seulement dans de petites réunions ou réunions à caractère technique.
Autre économie (difficilement chiffrable, il est vrai) liée à la langue commune : elle tient à l’amélioration de la documentation et des interventions. Une fois la langue commune pleinement fonctionnelle, chaque pays pourra faire ses propositions dans sa langue nationale (propositions ensuite traduites par l’organisation - UE ou autre - dans une seule langue : la langue commune). A l’heure actuelle la traduction, à l’UE, doit se faire dans 20 langues : et comme les organisations n’ont pas le temps et les moyens matériels de tout traduire dans toutes les langues officielles, les gouvernements rédigent de plus en plus souvent leurs textes directement dans un anglais approximatif et souvent franchement fautif. La rédaction dans la langue maternelle de l’auteur est normalement garante d’une bien meilleure qualité - donc d’une meilleure compréension et de l’accélération des activités.
Dernière économie importante et permanente : elle tient tout simplement au caractère intrinsèquement rationnel de la langue commune et donc à sa facilité d’emploi. Caractéristiques qui, on le sait, ne sont pas celles des langues naturelles, forcément idiomatiques et contextuelles (l’anglais tout particulièrement). Là encore, on gagnera beaucoup de temps, et donc beaucoup d’argent : c’est évident, mais ce ne sera chiffrable qu’une fois expérience faite.
Quant à l’obligation de traduire certains textes nationaux vers la langue commune, dont vous parlez, il appartiendra à l’UE de décider : en tout cas, cette obligation ne sera pas plus grande avec la langue commune que ce n’est le cas actuellement, et elle portera sur deux langues plutôt que sur 20. C’est à l’UE qui devra traduire ces textes en langue commune, car c’est à elle d’assurer la correction et l’uniformité d’emploi de cette langue (les Etats traduisant exclusivement vers leur langue nationale).
En ce qui concerne les arrangements concrets : le système de la langue commune impliquerait la réorganisation des services linguistiques de l’UE. Les économies en personnel réalisées par l’UE (même chose pour l’ONU) du fait que ses linguistes n’opéreraient plus que vers la seule langue commune permettraient de financer au moins en partie les traducteurs nationaux chargés de traduire (interpréter, etc.) à partir de la langue commune. Ce personnel pourrait être basé soit dans le pays concerné, soit à l’UE (à l’ONU) si cela devait être plus commode. JR