07 Reprendre le pouvoir sur notre monnaie

[bgcolor=#FFFF99]« L’escroquerie monétaire mondiale »[/bgcolor], par Eberhard Hamer

Mes amis, allez vite lire ce document exceptionnel : http://www.econologie.com/articles.php?lng=fr&pg=2706.

C’est un document en trois parties, aussi passionnantes que révoltantes.

Vous trouverez sur ma page ‹ Liens › (menu) un document qui regroupe les trois parties pour une mise en page A4 (11 pages).

[color=black]• De la monnaie d’État à la monnaie [b]privée[/b]

• La mainmise sur les valeurs réelles au moyen d’une monnaie-fiction

Monopoles formés grâce aux valeurs réelles

• Objectif stratégique de l’escroquerie monétaire mondiale
[/color]


Amicalement.

Étienne.

Bonsoir Étienne

Attention quand même à ne pas prendre cet article pour « parole d’évangile » … [phrase retirée par moi] bien que le fond soit proche de la réalité.

Il n’empêche que l’idée la plus simple pour comprendre comment la monnaie « apparait » reste celle ci: une émission monétaire est simplement un crédit porté au compte d’un emprunteur contre un engagement de remboursement ultérieur. La banque devient donc créancière (elle peut réclamer ce capital + les intérêts et d’ailleurs, pour garantir sa créance elle a souvent quelques garanties, en plus de la bonne foi de l’emprunteur , ie; hypothèque ou assurance).

Lorsque le montant du prêt est « scripturalement » crédité sur le compte de l’emprunteur, celui-ci peut s’en servir pour payer à son tour ses créanciers.

Donc, en permanence, de nouveaux crédits sont créés (par les banques) et des crédits arrivants à échéance sont soldés…

Mais il faut payer les intérets ! Les banques sont donc « obligées » ( en plus des billets et pièces qui sont émis par les Banques Centrales, c’est tout ce que le système a laissé en « monnaie gratuite ») de créer le montant de la monnaie nécessaire au payement de ces intérêts qui vont donc être tranférés dans leurs propres comptes … ou récupérer les biens réels qui avaient été gagés si l’emprunteur ne peut pas rembourser …

Amitiés

AJ

André-Jacques.

Tu sais que je trouve ta thèse de la « création monétaire sans intérêt comme privilège nécessaire de l’État » tout à fait séduisante et sans doute décisive, mais il me semble qu’elle n’envisage quand même pas tous les problèmes (il en reste :/)

Celle de Eberhard Hamer me paraît fort plausible, tout comme la tienne, à une autre échelle.

Tu dis pourtant voir dans son texte « beaucoup de parti pris et pas mal d’erreurs »

Est-ce que tu peux détailler, s’il te plaît ?

:confused:

André-Jacques.

Tu dis pourtant voir dans son texte « beaucoup de parti pris et pas mal d’erreurs »

Est-ce que tu peux détailler, s’il te plaît ?

:confused:


Étienne
Je m’en doutais (que tu allais me demander des explications) en écrivant cela :slight_smile: … je n’aurais pas dû , c’est trop long et trop fatiguant de développer, désolé … je te demande seulement non pas de rejeter ce texte mais de ne pas le considérer comme parole d’évangile

Allez, je te donne un exemple… Relis les deux derniers tiers de la page 2 … Hamer part sur le postulat suivant, sur lequel il appuie ses affirmations " Or, une augmentation de la masse monétaire implique toujours de l’inflation. Et l’inflation entraîne une dévalorisation de la monnaie. " qui est une affirmation de l’ordolibéralisme mais qui est loin d’être prouvé (depuis 2 ans la masse monétaire de la zone euro a grossi de 25% alors que l’inflation n’a pas dépassé 4% sur cette période et il n’y a pas eu de dévaluation)

Amitiés

AJ

André-Jacques,

OK, c’est long, mais tu ne peux pas discréditer le document sans argumenter, n’est-ce pas ?

Je ne prends rien comme parole d’évangile, rassure-toi : je suis un athée endurci et je mange un ou deux curés tous les matins :confused: mais quand un document me convainc, je m’en sers.

Le fait que l’augmentation excessive de la masse monétaire finit par entraîner de l’inflation (plus d’unités monétaires pour représenter une même valeur → dépréciation mécanique de chaque unité de monnaie par dillution → hausse des prix nominaux, inflation) est plutôt un enchaînement logique et basique qu’on apprend en débutant, non ? (même si cette corrélation est souvent contrariée par des tas d’autres phénomènes) et je vois là rien qui soit gravement fautif, et encore moins caractéristique de l’ordolibéralisme :confused:

J’ai relu le texte, je le trouve fort, malgré quelques défauts peu importants. Je trouve cette démonstration bouleversante. Elle se recoupe bien avec de nombreuses autres observations. Elle aide à relier entre elles des informations qui paraissaient indépendantes.

Bonjour Étienne

Le temps est malheureusement incompressible et je ne reviens pas sur ma décision de ne pas commenter ce texte de Hamer, ce serait trop long pour le faire sérieusement. J’ai donc effacé ma phrase litigieuse de mon message .

Je suis évidemment d’accord avec lui sur le fond, sur plusieurs points (il y en a d’autres)

1 - l’auteur sigmatise l’achat de biens réels avec un bien symbolique (la monnaie)… j’ai attiré l’attention sur ce point dans mon livre en 2001 ( chapitre 1 page 19)

2 - les dollars pourris et le risque de dévaluation du dollar … (ceci dit la valeur d’une monnaie est toujours « par rapport à une autre » … si l’euro dévalue de la même manière ca n’a pas d’incidence ici et toutes les monnaies feront pareil à plus ou moins long terme)

3 - les riches (possédants) vont devenir de plus en plus riches (en biens réels), les « moutons » (ceux qui détiennent des devises) pourront peut être se faire tondre… Viviane Forrester disait que « les riches n’ont plus besoin des pauvres »

Pour l’inflation, on peut en reparler plus précisément, ca c’est plus important . Mais à propos de l’ordolibéralisme ( issu des théories de Friedman, « politiquement correct »), regarde le nombre de fois où Hamer encense la politique monétaire allemande dans son texte!..

Juste un rappel pour ceux qui ont oublié : L’ordolibéralisme prône " l’économie sociale de marché" (en allemand « Soziale Marktwirtschaft ». Le "social " dans l’affaire n’est qu’un faux ami car il n’y a pas de recherche d’équilibre entre le social et les « lois » du marché.

« L’économie sociale de marché » est fondée sur deux dogmes : • La politique monétaire doit être assumée par des "experts" et non par le pouvoir politique (les citoyens), condition nécessaire selon eux pour éviter une souplesse monétaire aboutissant à des risques inflationnistes (La BCE, dans son fonctionnement actuel, incarne parfaitement cette idée ) • La concurrence est le cœur de toute la politique économique. Les ordolibéraux estiment que les autorités doivent intervenir le moins possible dans la vie économique.
[b]Et puis, Keynes n'était pas tout à fait d'accord avec le lien que tu donnes.[/b] Pour les monétaristes une création monétaire anticipée se traduit par une hausse des prix et non par une stimulation de la croissance, alors que pour Keynes, entre autres, une création monétaire anticipée peut se traduire par une augmentation de la production, sans nécessairement augmentation des prix; cela dépend du rapport entre l'offre et la demande, et si la création monétaire est orientée au bénéfice de la consommation ou de la production.

Pour ma part je pense qu’il faut bien séparer:

  • L’ inflation , on devrait d’ailleurs parler plutôt de « pouvoir d’achat » (achats de la vie courante, le fameux indice INSEE) sur lesquels la quantité de monnaie n’a pas d’effets inflationnistes , la preuve depuis 5 ans en Europe, mais aussi aux USA, alors que le taux d’intérêt en a surement un… comme les tensions sur l’énergie en aura bientôt un, quelle que soit la quantité de monnaie en circulation…
    Je veux dire que l’inflation ne se produit pas sur ce qui n’est pas « rare »

  • La spéculation (sur des biens qu’on ne retrouve évidemment pas dans l’indice INSEE)où ce sont ceux qui ont accès à la monnaie (au crédit) supplémentaire (par rapports à leurs besoins en biens et services « d’utilité ») qui font monter la valeur de certains biens réels (immobilier, actions, art, etc) par effet d’enchère. Je précise que la « rareté organisée » (terrains constructibles par exemple) crée un effet spéculatif mais qui n’est pas à proprement parler de l’inflation

Ton " plus d’unités monétaires pour représenter une même valeur → dépréciation mécanique de chaque unité de monnaie par dillution → hausse des prix nominaux, inflation " qui est celui de Hamer est donc très discutable (et discuté… voir Margrit Kennedy par exemple)

Amitiés

AJ

Merci André-Jacques pour ton intéressant message. Je dois filer car c’est la rentrée pour les profs. Mais nous en reparlerons, si tu veux bien : je vais essayer de résumer en quelques points ce qui m’intéresse vivement dans cet article car nous serons peut-être d’accord sur ces points-là et surtout, je voudrais valider (ou invalider) certains points factuels, comme la proportion entre la croissance des biens et celle des signes monétaires, le volume des achats d’or au début du siècle, les réserves d’or de la BCE, etc. (je parle rapidement, de mémoire, mais ce serait bien de savoir si cette thèse est de l’info ou de l’intox, solide ou farfelue).

Encore merci pour ta patience :confused:

Amicalement.

Étienne.

Bonjour,

Je suis content de voir que la connaissance de cette fraude fasse son chemin.
Je viens de lire la discussion, et j’ai été vraiment impressionné par le texte montré par Etienne Chouard qui est quand même l’un des meilleurs (le ?) que j’ai lu sur le sujet.

La critique sur l’ordolibéralisme m’a fait tiquer sur l’impression que le texte m’avait laissée à propos de la banque allemande.

Au sujet de l’inflation il me semble que le texte contient la remarque dans son explication que la fed oblige les banques à emmagasiner un certain surplus de dollars. De plus, l’utilisation intensive dans les marchés et le fait que tout le monde depend du dollar font que personne ne spécule sur sa chute.

Pour ce qui est de la remarque keynésienne sur l’injection de monnaie, elle est très vraie. D’ailleurs un prêt à taux zéro pour permettre aux chômeurs et autres de se lancer dans le commerce me semble être une mesure intéressante pour lancer l’économie et combattre le chômage.

Cela me rappelle une histoire apprise au Québec comme quoi, pendant la guerre Franco-Anglaise, ces derniers ont beaucoup plus emprunté, donc gagné la guerre puisqu’ils avaient les moyens réels. Matériels, disons. Ensuite, ils ont annulé la dette. c’est, dirons nous, une méthode très anglo-saxonne de considérer l’argent.

En fait je suis curieux, non plus seulement des débats constitutionnels complexes (d’ailleurs, il me semble que c’est gravé dans la constitution des US que l’État a le droit d’émettre de la monnaie), mais de pouvoir présenter ce sujet à nos cher compatriotes. C’est-à-dire écrire un texte de démarage simple qui puisse être diffusé et pousser les gens à faire des recherches.

Je lance l’idée ici, avec une solution de banque professionnelle qui me paraît être un bon début. Puisque ces problèmes vous intéressent et/ou sont dans vos compétences, j’aimerais bien votre aide.

http://www.alternativeagauche2007.org/wiki/index.php?title=Utilisateur:Antoine

Sincèrement,
Antoine

L’indispensable Bernard Maris tient enfin une chronique quotidienne sur France Inter :
[bgcolor=#FFFF99]« L’autre économie »[/bgcolor], c’est très tôt (de 6h14 à 6h16) et les archives ne fonctionnent pas bien (seule l’émission du jour est présentée !).

Ce 5 octobre, Bernard nous parle des monnaies sociales au Brésil,
comme alternative au racket des banques via la monnaie :
http://www.radiofrance.fr/franceinter/chro/lautreeconomie/index.php?id=47919

L’économie du risque (de la peur)

Les chefs totalitaires en puissance se manifestent par et se font sélectionner sur leur capacité révélée et leur intention avouée d’agir violemment.

Chacun sait que pour qu’un fond de pension choisisse un dirigeant à la tête d’une multinationale qu’il contrôle, il faut que celui-ci ait révélé auparavant une forte capacité de nuisance sociale, de pillage d’actifs à court terme des entreprises qui ont eu le malheur de l’avoir à leur tête.

Les aspirants directeurs des fonds de pensions se faisant eux-mêmes une concurrence féroce basée sur le même principe dont je parle…

Je viens de tomber sur un article qui nous parle d’une telle sélection, mais dans un domaine… central. (Je conseille plus globalement le blog cité, et notamment l’audition d’une conférence d’une heure de l’auteur - http://lenairu.free.fr/conf_du_10_octobre_2005_strasbourg.wav)

[url]http://lenairu.free.fr/pages/chap_2pag.html[/url] / Onglet « Citations »

Extrait d’un manuel de cours DALLOZ destiné à des étudiants en économie, et plus précisément en économie monétaire, intitulé « Monnaie, Banque, Financement », Chapitre 5, Page 214 :

« Afin de résoudre ce problème de crédibilité, Gordon et Barro (deux économistes, ndlr) envisagent un modèle de construction de réputation […] Backus et Drifill (deux autres économistes, ndlr) ont alors mis l’accent sur l’attitude des responsables de la politique économique à l’égard de l’inflation : tous prétendront être très hostiles à l’inflation mais seuls le sont réellement ceux qui acceptent un chômage élevé si c’est le prix à payer pour une faible inflation. En acceptant le chômage, les responsables construisent leur réputation car seuls les actes couteux sont convaincants. »

Dans ce chapître 5, intitulé « Les fondements des politiques monétaires », les auteurs abordent la problématique de la Banque Centrale indépendante. Ils rappellent tout d’abord que « depuis une vingtaine d’années, c’est le concept d’indépendance des banques centrales qui inspire l’évolution des structures de décision de ces organismes » (p.213). Notre Banque Centrale Européenne (BCE) en est une illustration. […] les auteurs expliquent qu’au cours des années 70, les niveaux d’inflation (et l’indexation des salaires sur cette inflation) avaient créé une situation où il était devenu nécessaire de mettre en oeuvre une nouvelle donne pour assurer la stabilité des prix. Le penchant inflationniste des gouvernements, cherchant sous la pression populaire (très forte après 68, ne l’oublions pas) à maintenir le chômage à des niveaux raisonnables, devenait insupportable pour toute une catégorie d’agents économiques, à savoir les investisseurs et les détenteurs de capitaux. L’idée des monétaristes (à nouveau Milton Friedman et ses disciples) fut de retirer des mains des gouvernements le contrôle de la création monétaire, c’est-à-dire la capacité de créer de la monnaie ex-nihilo, à partir de rien, ce que l’on appelle couramment faire tourner la planche à billets. En confiant ce rôle de gardien de la monnaie à une banque centrale réputée indépendante (concept dans les faits plus que douteux : indépendant de quoi et de qui, là est toute la question), et en confiant à cette entité la fonction basique de créer tous les ans un peu plus de monnaie selon une règle fixe et « connue de tous » (par exemple 5% par an), alors on était censé atteindre l’optimum nirvanesque de tout capitaliste : une croissance sans « inflation », c’est-à-dire des profits qui s’accumulent mais qui ne s’érodent pas…

[…] Le problème de nos économistes cherchant à promouvoir cette toute nouvelle banque centrale sortie de leur imagination est : comment prouver aux marchés financiers et aux agents économiques qu’elle est bien indépendante au sens où elle ne se laissera pas tenter par les travers inflationnistes qui étaient précisément reprochés aux gouvernements ? Leur réponse tient en un mot : la crédibilité. Une telle banque centrale, nouvellement créée, doit acquérir une crédibilité. Elle doit être crédible dans sa lutte contre la fameuse inflation. Et comment peut-elle devenir crédible ? Eh bien, elle doit se construire une réputation. […]

En clair, la BCE est actuellement en phase de construction de sa réputation. Elle a, il faut le dire, à sa tête un homme qui a lui déjà une certaine réputation. Jean-Claude TRICHET, actuel président de la BCE, fut auparavant pendant de longues années (celles de la montée du chômage) gouverneur de la Banque de France. J’avais déjà entendu dire à plusieurs reprises que ce monsieur avait sur la conscience au moins deux millions de chômeurs français. A l’époque, je n’avais pas compris. On parlait de politique du franc fort, mais je ne connaissais ni le NAIRU, ni les « règles du jeu » en vigueur dans le métier. Ces deux millions de chômeurs que certains lui imputaient, ce n’était pas en fait le fruit d’une erreur de politique, comme le quidam aurait éventuellement pu le penser. Ces deux millions de chômeurs français étaient manifestement les matériaux de construction de la réputation du monsieur en question en tant que banquier central moderne. Qu’il fut nommé (on ne parle pas d’élection dans ce milieu, c’est de la cooptation bien sentie) nouveau Président de la BCE après ce brillant parcours n’est donc pas un hasard : sa réputation et sa crédibilité passée dans la lutte contre l’inflation parlaient en sa faveur. Les chômeurs allongés sur le sol pouvaient en témoigner. Les colts du cow-boy Trichet luisaient au soleil le jour de sa prise de pouvoir. La noble et respectable institution sise à Francfort ne pouvait que bénéficier des rejaillissements de cette nomination sur sa propre réputation… Réputation auprès de qui au fait ? Mais des marchés, et principalement des marchés financiers, pardi…

Merci Sam

Dans le livre que nous avons écrit avec Philippe Derudder « Les 10 plus gros mensonges sur l’économie » qui sortira en janvier chez Dangles, nous expliquons le " NAIRU" (en le reliant également à la fausse lutte contre l’inflation … qui n’est pas celle que l’on croit) dans le chapitre 8 " Mensonge 8 : Il faut lutter contre l’inflation pour sauvegarder l’emploi "

Sans trop trahir et sans mise en page, voici ce que nous y avons écrit

L'alibi de l'emploi l'emploi, dans toute cette affaire, n'est encore une fois qu'un habillage démagogique destiné à détourner l'attention d'une position qui serait plus délicate à défendre. Non seulement il n'est « qu'effet de manche », mais en plus il semble fort que la volonté soit de le maintenir dans la précarité plutôt que de le développer.

Avez-vous entendu parler du NAIRU ? Cela veut dire en anglais « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment » (taux de chômage qui n’accélère pas l’inflation). Si nous regrettions précédemment que l’on n’utilise pas d’autres indicateurs que le PIB pour déterminer la richesse, assimilée au bien-être d’un pays, curieusement en voici un qui retient toute l’attention de nos gouvernants. De quoi s’agit-il ? De déterminer le taux de chômage au dessous duquel l’inflation risque de repartir. Le NAIRU s’ancre dans l’étude du rapport qui existe entre le chômage et l’inflation, fondé sur l’idée que lorsque le chômage est élevé, il a une influence à la baisse sur les salaires et, par répercussion sur les prix, et qu’inversement lorsque le chômage se résorbe, les salariés se sentent dans une position plus confortable, qui se traduit par une pression à la hausse sur leurs revenus. Ce taux est variable selon les pays, dans la mesure ou les marchés de l’emploi présentent des caractéristiques différentes, principalement à cause des politiques sociales et des législations du travail. En France, le ministère des Finances l’a fixé à 9 % en 1997, taux à notre connaissance encore valable aujourd’hui. La conséquence de cela est qu’il est « urgent de ne rien faire » pour relancer l’emploi puisque, avec un taux de chômage officiel de 9,8 %, on se situe tout près du NAIRU ! Que le chômage tombe d’un point, et nous voilà en situation inflationniste potentielle… Horreur !

L’exercice, en réalité, relève d’un art subtil : il faut maintenir l’emploi dans des conditions de précarité et de fragilité telles que le salariat admette psychologiquement comme nécessaires toutes mesures qui favorisent et la flexibilité du marché du travail, et des salaires bas, tout en évitant qu’il se dégrade trop, pour ne pas nuire à la croissance et à la paix sociale. Car plus le marché de l’emploi est « flexible » (manière élégante de dire « plus le salarié est taillable et corvéable à merci »), plus le NAIRU baisse. C’est ainsi qu’il se situe légèrement au dessous de 5 % aux Etats-Unis. Et un marché « flexible » est un marché qui s’adapte plus rapidement et qui est plus compétitif. D’où la persistance à laisser entendre que le chômeur est « responsable » de sa situation, par « inadaptation au marché ». Honte à vous chômeurs ! Vous vous comportez en enfants gâtés, car vous auriez un emploi si vous n’étiez pas si gourmands tant sur vos conditions de travail que sur votre rémunération. Il va falloir vous secouer, car la bonne volonté et la générosité des institutions ont leur limite ! Comme le rappelle Jean Vassileff dans son livre Le partage contre la croissance, notre classe politique « prône la réalité économique, mais en fait, c’est une idéologie de « la loi de la jungle », au profit des plus riches et au détriment des plus pauvres ».

Le comble !
Le courant monétariste, comme nous l’avons rappelé, préconise une politique monétaire restrictive, puisque toute création monétaire anticipée est génératrice d’inflation. Ainsi Friedmann conseille-t-il aux autorités monétaires de fixer a priori une norme de croissance de la masse monétaire et de s’y tenir. En bon élève, la BCE a fixé un taux de croissance de la masse monétaire de 4,5 % par an, juste assez pour faire face à une inflation « normale » de 2 % l’an, 2 % de croissance et 0,5 % de « terme correctif ». Jetez un coup d’oeil au tableau ci-après. La diagonale inférieure représente la prévision, la ligne supérieure dessine la réalité de la monnaie créée…

(image)

Ce sont quelques 1000 milliards « de trop » que la BCE a créés. Or, vous observerez que l’inflation et la croissance se situent à moins de 2 %. Il y a là un mystère qui devrait ébranler les autorités dans leurs convictions, car elles ont fait ce qu’elles réprouvent : injecter beaucoup plus d’argent qu’elles « n’auraient dû » selon la théorie ; toutefois cela ne se traduit pas par la moindre inflation ; c’est en totale contradiction avec la théorie ! Comme quoi l’idéologie rend vraiment aveugle.

Passons outre ! Reste toutefois la vraie question : qu’est devenu cet argent ? Car on devrait en trouver la trace, soit sous forme d’inflation (si l’emprunt créateur de monnaie avait surtout profité au consommateur, sans que la production ait augmenté) soit sous forme de croissance (si ce même emprunt avait plutôt profité à la production répondant à une demande équivalente), soit sous forme des deux. Mais de tout cela, aucune trace !

Nous n’avons pas de réponse absolue. Nous avons posé la question à plusieurs économistes qui avancent des éléments de réponse sans certitude. Disons que ce qui ressort de plus probable c’est :

  • Une remise en cause de la validité des chiffres et en particulier ceux de l’inflation. En effet, le taux d’inflation est déterminé par l’évolution des prix à l’intérieur d’un panier de biens et services, pondérés en fonction du poids de leur utilisation dans la vie des ménages. On pourrait donc débattre à l’infini de la justesse des appréciations qui permettent sa détermination. D’autre part, il s’agit des prix à la consommation. Cela exclut donc les prix de ce que l’on appelle « l’investissement », c’est-à-dire l’immobilier, les remboursements de crédits, les œuvres d’art, les actions, etc. Or, pour ne prendre que l’immobilier, il a beaucoup augmenté depuis 98 ; 10 % par an en moyenne en France !

  • Une évasion vers « les bulles spéculatives », profitant donc plus à l’accumulation de capital financier. Cette hypothèse semble être plus en accord avec ce que traduisent les chiffres en matière de répartition de la richesse et de son évolution puisque, entre 1984 et 2004, la part de la richesse nationale qui revient aux salariés a reculé en France de 10 % par rapport à celle allant aux détenteurs de capitaux. Cette tendance se confirme au travers de nombreuses autres données ; en voici quelques-unes, histoire de mieux se représenter les choses :
    En 1960, les 20 % de la population mondiale vivant dans les pays les plus riches avaient un revenu 30 fois supérieur à celui des 20 % les plus pauvres. Il était de 82 fois supérieur en 1995. Dans plus de 70 pays, le revenu par habitant est inférieur à ce qu’il était il y a vingt ans ; fin 2003, la capitalisation boursière mondiale était égale à 31000 milliards de dollars, soit 86 % du PIB annuel de la planète (36000 milliards de dollars). Les détenteurs directs d’actions possédaient donc un patrimoine boursier représentant la valeur de presque une année de production marchande de toute la planète. Mais de qui parle-t-on ? La richesse boursière est concentrée dans un petit nombre de pays développés : avec 5 % de la population mondiale, les EU représentent 46 % de la capitalisation mondiale. L’Europe 25 %, le Japon 15 %, ce qui fait pour ces trois entités 85 % du total ! Ainsi, on estime que 300 millions d’individus actionnaires (soit 5 % de la population mondiale) détiennent la quasi-totalité de la richesse boursière de la planète, dont une douzaine de millions contrôlent et la moitié de la capitalisation et une proportion à peine plus faible du patrimoine marchand mondial .
    Alors, oui ! La stabilité des prix est préférable à bien des égards, même à l’emploi quoique notre proche histoire révèle que nous avons traversé des périodes d’inflation forte avec maintien du plein emploi. Ce que nous dénonçons, c’est l’idéologie extrémiste qui soutient le principe et en fait quasiment son seul cheval de bataille, en utilisant l’argument de l’emploi pour travestir une logique de création et de répartition de richesse favorable aux plus riches au dépend de ceux qu’elle prétend servir. En fin de compte les monétaristes qui ont prôné et obtenu l’indépendance de la BCE pour la raison que les Etats étaient trop laxistes et favorisaient l’inflation en injectant trop d’argent dans le système, font exactement pareil. Mais pas pour la même cause. Les Etats le faisaient dans une optique plus soucieuse du bien commun, quand les autorités financières servent en premier les intérêts de l’argent. Mais ce jeu est dangereux, nous dit l’analyste financier Edouard Tétreau , car « La sphère financière génère tellement d’argent qu’elle ne sait plus quoi en faire. Des bulles se forment partout, dans l’immobilier, en Chine ou sur le marché des obligations [dettes des Etats] et des fusions-acquisitions. On n’a jamais vu autant d’OPA dans le monde depuis la bulle de 1999-2000. Les dividendes d’aujourd’hui sont les bulles de demain et les krachs d’après-demain. »
    Oui, à pousser le bouchon trop loin, tout cela pourrait bien nous sauter à la figure, et là, personne ne sera épargné. C’est pourquoi il nous semble essentiel que les citoyens d’Europe se mobilisent pour demander que la BCE soit mise sous la tutelle des instances politiques. Encore faudrait-il qu’elles soient composées de vrais démocrates plus concernés par le bien des peuples et l’avenir du monde que par leur carrière.


Amitiés
AJH

L’inflation apparente

Tiens, j’ai trouvé cette phrase qui en a fait cogiter plus d’un, il paraît, sur un mode offensif aussi bien que défensif :

[color=purple]"[i]Si les ménages sous-estiment le taux d'inflation effectif, ils seront enclins à offrir plus de travail, puisqu'ils surestiment le salaire réel proposé, ce qui les conduit à accepter des propositions d'emplois qu'ils refuseraient si leurs prévisions étaient correctes[/i]." (Milton Friedman)[/color]
Sûr que si la vie normale c'est d'acheter en banlieue proche parisienne quand on est forcé d'y bosser, et d'avoir accès significatif à l'enrichissement sur les mille et un marchés de valeurs abstraites, le salarié moyen est bien pauvre.

Voir http://linflation.free.fr/pages/17alhomepag.html/
Voir l’onglet : « Le schéma qui illustre le « Trou Noir de la Monnaie » dans le Capitalisme Financier actuel »

Sous-estimation de l’inflation par les ménages

Sam (2202).

Cette remarque de Friedman est d’autant plus pertinente (pourtant, elle vient d’un économiste !) que chacun a tendance à sous-estimer son pouvoir d’achat (présent et futur) dans l’abstrait, et à le surestimer au moment d’acheter : pessisme de principe, optimisme de fait. Autrement on n’expliquerait pas le surendettement galopant, aux EUA, évidemment, et aussi en France. JR

PS : D’où l’importance d’un organisme statistique officiel doté de l’indépendance fonctionnelle (au moins par rapport au gouvernement).

Le nouveau « mur de l’argent » (*)

(*) Thèse (Pr. François Morin) d’une reformation moderne d’un phénomène observé dans les années 1920 : un pouvoir de la haute finance sur les pouvoirs politiques, par l’intermédiaire des principaux leviers de la politique économique et financière.

J’ai tenu à faire la transcription de quelques extraits de l’émission Du grain à moudre, sur France Culture, du 13/10/2006, sur le thème : « L’argent est-il un facteur de production comme les autres ? » - http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/grain/fiche.php?diffusion_id=46040

J’ai reformulé et réagencé un peu les extraits, pour limiter le volume.

[color=purple]* [i][u]Origine de la Banque de France, ses rapports avec les pouvoirs politiques[/u][/i]

(J) La Banque de France est une création de Napoléon Bonaparte, qui a nationalisé une banque privée, et a fait détruire les instruments de création monétaire des autres banques.
(2) Il y eut une alliance d’intérêts entre Bonaparte, qui avait besoin d’une banque d’émission, et les grands banquiers de l’époque, qui avaient besoin d’une sorte de société d’assurance, quand ils avaient besoin d’argent, pour pouvoir se refinancer. (Il n’est pas exclu que ces financiers aient financé le coup d’Etat).

(2) En 1924 (époque du premier « mur de l’argent »), la Banque de France est privée, et a des régents banquiers ou industriels, comme François de Wendel et le Baron de Rotschild.
Il y a un double plafond que la BC n’a pas le droit de dépasser : un plafond des avances aux gouvernements [cumul du bilan entre gouvernements successifs - NDT], fixé par l’Assemblée nationale, et plafond des émissions fiduciaires.

(2) En 1936 puis en 1945, en deux temps, l’indépendance de la Banque de France est supprimée : elle est placée juridiquement sous la dépendance de l’Etat, nationalisée, et son Gouverneur est nommé par le gouvernement.
Mais les lois ne règlent pas tout : en 1952, le gouverneur Baumgartner envoie dans la presse une lettre de remontrances au gouvernement, qui le renverse. Le Gouverneur peut toujours s’appuyer sur l’opinion publique ou sur l’opinion des hommes d’affaires pour faire pression, et « défendre la monnaie ».

(1) [/color]L’indépendance des Banques centrales en Europe est un chose très récente : elle est née dans courant des années 1980 pour «déconnecter le cycle politique du cycle économique et financier ».
Autrefois, les « autorités monétaires », qui réalisaient la fixation des taux d’intérêt, étaient à la fois les gouverneurs des Banques centrales et les Ministres de l’économie et des finances. Les intérêts apparaissent contradictoires entre ces deux autorités : les premiers ont vocation, comme tout banquier, à lutter contre l’inflation, et par conséquent à chercher à hausser les taux d’intérêt dès qu’il y a des menaces d’inflation ; les seconds ont tendance à vouloir que les taux d’intérêt soient le plus bas possible pour faciliter le financement de l’économie (et la dette publique).[color=purple] [Equilibre des pouvoirs, quoi - NDT]

(2) C’est en 1993 que la Banque de France devient indépendante, à partir du moment où le Gouverneur « a la garantie de l’emploi » pendant le temps de son mandat.
Du temps du premier « mur d’argent » (années 1920), la BdF était une banque privée, mais le Gouverneur était révocable par le gouvernement au moindre geste.

  • Le nouveau « mur de l’argent »

(J) Les marchés financiers peuvent-ils (de nouveau) renverser les gouvernement (indirectement), et comment ?

(2) « Les 200 familles », accusées autrefois de conditionner la politique économique des gouvernements, étaient désignées comme les propriétaires des principales banques, même si le discours politique du moment se trompait largement sur ce point.

(1) Les marchés financiers exercent aujourd’hui une influence directe sur les Banques centrales et sur leur rôle dans la formation des taux d’intérêt. Influence importante sur les taux à long et moyen terme, mais qui existe aussi sur les taux à court terme, même si les BC ont encore la main sur ces derniers (surtout la Federal Reserve américaine).

[/color]Aujourd’hui, les taux d’intérêts, qui sont clairement une variable clé de l’économie mondiale, se forment surtout sur ce qu’on appelle les marchés SWAP. Ces marchés fixent les « taux SWAP », qui sont les taux de certains produits dérivés (contrats d’échange). Ces marchés sont extrêmement importants aujourd’hui : dans les salles de marché, les opérateurs ont désormais comme éléments de référence ces taux SWAP, et non plus ceux des titres d’Etat, qui étaient habituellement les titres référentiels classiques.[color=purple]

On a un phénomène tout à fait nouveau, qu’est la prééminence acquise d’un certain type de produits financiers, qu’on appelle les « produits dérivés ». C’est par ce biais que le pouvoir financier s’exerce majoritairement au présent.
Ces marchés de produits dérivés ont pris une importance incroyablement importante. On sait que 3% seulement des échanges financiers concernent aujourd’hui les échanges de biens et de services. Le reste vient pour l’essentiel de ces échanges de produits dérivés.

Dans les années 1970 et 1980, on a libéralisé les marchés des changes (lieus où se forment les taux de change – [valeurs relatives des différentes monnaies, NDT]), puis les marchés obligataires (lieus où se forment les taux d’intérêt). Ces deux taux sont les variables clés de l’économie mondiale, au présent.
Quand on libéralise un marché, les prix des produits concernés peuvent désormais varier, osciller. Or, les opérateurs financiers n’aiment pas du tout l’incertitude.
Aussi, à la fin des années 1980, a-t-on créé de nouveaux marchés, qu’on a appelés les « marchés de produits dérivés » : ce sont des produits financiers d’assurance. Ils garantissent contre toutes sortes de risques financiers, notamment contre les fluctuations des taux de change.
Ces produits dérivés sont des produits financiers essentiellement, qui s’échangent et s’achètent également : pour certains sur des marchés très organisés, pour d’autres, sur des marchés « de gré à gré », parmi lesquels les SWAP.

D’un côté, on a là des produits de couverture, d’assurance contre les risques financiers, mais d’un autre, ceux qui les achètent et les vendent, spéculent, qui pensent connaître d’avantage l’avenir, par exemple sur les taux de change ou l’évolution des taux d’intérêt : c’est sur ces deux variables majeures que se font l’essentiel des produits dérivés.

Les contrats SWAP sont des contrats qui permettent aux opérateurs de se prémunir des variations de taux d’intérêt : on échange des taux d’intérêt variables contre des taux fixes. Ce qu’on appelle « taux SWAP », c’est la partie « taux fixe » de ces contrats.
Et ce sont ces taux fixes qui sont au présent la référence absolue en matière de fixation des taux d’intérêt.

Or, ce sont les grandes banques privées qui fixent ces taux SWAP, dans des marchés de gré à gré (comme autrefois : en 1924-25, c’étaient des marchés de gré à gré qui fixaient les taux d’intérêt, il n’y a avait pas véritablement de marchés organisés, de « marchés interbancaires », comme on les appelle aujourd’hui).

[/color]Il y a donc un pouvoir des marchés, détenus par les plus grandes banques du monde, non seulement sur les taux de change (c’est un autre aspect, qu’on laissera ici de côté) mais aussi sur la fixation des taux d’intérêt.
Comme dans les années 1920, il y a (et il y aura de plus en plus) confrontation brutale entre le monde financier, représenté par un certain nombre de banques, et les pouvoirs politiques, dont les marges en matière de politiques économiques, de politiques publiques, sont de jour en jour plus réduites
. Notamment parce qu’il faut bien pouvoir financer les déficits publics, avec des taux d’intérêt qui sont au présent plutôt élevés.
[color=purple]

Deuxième élément constitutif du nouveau « mur d’argent » : un autre élément, encore plus inquiétant, du pouvoir des grandes banques est qu’elles ont pris le contrôle des grands fonds « institutionnels ».
Ce sont ces sociétés de gestion qui sont à l’origine de la « valeur actionnariale » des grands entreprises, et des « normes financières » qui sont exigées en termes de rentabilité financière (15%, …), qui bouleversent complètement l’organisation de ces entreprises, et le marché du travail.
On a, par l’intermédiaire de la mainmise financière des grandes banques sur les sociétés de gestion de fonds, une mainmise sur des pans entiers de l’économie réelle, à travers les entreprises cotées en Bourse [qui sont donneurs d’ordre d’une très grande part des autres… NDT]

(J – cite (1) -) L’endettement public n’a fait que croître ces dernières années, notamment en raison des dépenses engendrées par ces processus de libéralisation. Donc on peut continuer le cercle vicieux.

Oui. Autrefois, les déficits publics étaient financés essentiellement par l’inflation. Mais avec la création des marchés obligataires, les Etats sont obligés aussi d’aller sur les marchés pour financer leur déficit.
Et l’endettement croissant fait que les taux d’intérêt, en termes réels, ont tendance à s’accroître naturellement. Ce qui n’était pas du tout le cas dans les années 1970, par exemple, où les taux d’intérêt réels étaient même négatifs.[/color]

Intervenants (« J » pour journalistes) :

(1) François Morin, professeur de sciences économiques à l’université de Toulouse 1, qui a été membre du Conseil général de la Banque de France et du Conseil d’analyse économique, est membre du laboratoire de recherche LEREPS, et est l’auteur d’un livre intitulé [u]Le nouveau mur de l’argent[/u] (Seuil, 2006)

(2) Alain Plessis, professeur émérite d’histoire économique à Paris 10 Nanterre, spécialiste de l’histoire des banques et de la bourgeoisie en France, auteur notamment d’[u]Histoires de la Banque de France[/u], Ed. Albin Michel, 1998, et de [u]L’impôt en France au XIXe et XXe siècles[/u], (publié par le comité pour l’Histoire économique et financière de la France).

Nécessaire lutte de survie du peuple contre les banques ?

Sam vient de m’envoyer copie d’un message bouleversant.
Je le reproduis ici pour qu’on en parle ensemble, que vous me disiez ce que ça vous inspire.

[b]Mais qu’attend ATTAC France ?[/b], par Alain Vidal :

Même Benjamin Franklin, même Abraham Lincoln, même Sir Josiah Stamp, gouverneur de la Banque d’Angleterre… Mêmes eux l’ont dit. Mêmes eux…
Tous ont dénoncé l’imposture des intérêts, le vol des richesses commis par les banques privées.

ATTAC France qui prétend s’attaquer à la finance internationale, ne dit toujours rien publiquement… ne lance toujours pas de campagne nationale sur la monnaie, n’incite pas, nationalement, à un travail d’éducation populaire qui expliquerait simplement, comme beaucoup le font depuis 250 ans que :
[bgcolor=#FFFF99]les intérêts bancaires sont la première cause d’exclusion, de chômage, de misère, de malnutrition, de maladies, de famine… et de guerre dans le monde.[/bgcolor]

Documentation extraite de « Vers Demain » (http://www.michaeljournal.org/accueil.htm)

[b]« Dans les colonies, nous émettons notre propre papier-monnaie, nous l’appelons Colo Script, et nous en émettons assez pour faire passer facilement tous les produits des producteurs aux consommateurs. Créant ainsi notre propre papier-monnaie, nous contrôlons notre pouvoir d’achat et nous n’avons aucun intérêt à payer à personne. » (Benjamin Franklin 1750).

Les banquiers anglais, mis au courant, firent adopter par le Parlement anglais une loi défendant aux colonies de se servir de leur monnaie script et leur ordonnant de se servir uniquement de la monnaie-dette d’or et d’argent des banquiers qui était fournie en quantité insuffisante. La circulation monétaire dans les colonies se trouva ainsi diminuée de moitié.

« En un an, dit Franklin, les conditions changèrent tellement que l’ère de prospérité se termina, et une dépression s’installa, à tel point que les rues des colonies étaient remplies de chômeurs. »

Alors advint la guerre contre l’Angleterre et la déclaration d’indépendance des États-Unis, en 1776. [/b]

Les manuels d’histoire enseignent faussement que la Révolution Américaine était due à la taxe sur le thé. Franklin déclara : « Les colonies auraient volontiers supporté l’insignifiante taxe sur le thé et autres articles, sans la pauvreté causée par la mauvaise influence des banquiers anglais sur le Parlement : ce qui a créé dans les colonies la haine de l’Angleterre et causé la guerre de la Révolution. »

[color=red][b]Les Pères Fondateurs des États-Unis, ayant tous ces faits en mémoire, et pour se protéger de l’exploitation des banquiers internationaux, prirent bien soin de stipuler clairement dans la Constitution américaine, signée à Philadelphie en 1787, dans l’article 1, section 8, paragraphe 5 : « C’est au Congrès qu’appartiendra le droit de frapper l’argent et d’en régler la valeur. » [/b][/color]
Abraham Lincoln , Président des États-Unis étant à court d’argent pour financer les armées du Nord, partit voir les banquiers de New-York, qui lui offrirent de l’argent à des taux allant de 24 à 36 %. Lincoln refusa, sachant parfaitement que c’était de l’usure et que cela mènerait les États-Unis à la ruine. Son ami de Chicago, le Colonel Dick Taylor, vint à la rescousse et lui suggéra la solution : « Que le Congrès passe une loi autorisant l’émission de billets du Trésor ayant plein cours légal, payez vos soldats avec ces billets, allez de l’avant et gagnez votre guerre. »

C’est ce que Lincoln fit, et il gagna la guerre: de 1862 à 1863, Lincoln fit émettre 450 millions $ de « greenbacks ».

Lincoln appela ces greenbacks « la plus grande bénédiction que le peuple américain ait jamais eue. » Bénédiction pour tous, sauf pour les banquiers, puisque cela mettait fin à leur « racket » du vol du crédit de la nation et de création d’argent avec intérêt. Ils mirent donc tout en oeuvre pour saboter l’oeuvre de Lincoln. [color=purple]Lord Goschen, porte-parole des Financiers, écrivit dans le London Times :

« Si cette malveillante politique financière provenant de la République nord-américaine devait s’installer pour de bon, alors, ce gouvernement fournira sa propre monnaie sans frais. Il s’acquittera de ses dettes et sera sans aucune dette. Il aura tout l’argent nécessaire pour mener son commerce. Il deviendra prospère à un niveau sans précédent dans toute l’histoire de la civilisation. Ce gouvernement doit être détruit, ou il détruira toute monarchie sur ce globe. » (La monarchie des contrôleurs du crédit.)[/color]

[b]Lincoln déclara tout de même:
« J’ai deux grands ennemis: l’armée du Sud en face et les banquiers en arrière. Et des deux, ce sont les banquiers qui sont mes pires ennemis. »

Lincoln fut réélu Président en 1864 et fit clairement savoir qu’il s’attaquerait au pouvoir des banquiers une fois la guerre terminée. La guerre se termina le 9 avril 1865, mais Lincoln fut assassiné cinq jours plus tard, le 14 avril.[/b]
Une formidable restriction du crédit s’ensuivit, organisée par les banques. L’argent en circulation dans le pays, qui était de 1907 millions de $ en 1866, soit 50,46 $ pour chaque Américain, tomba à 605 millions de $ en 1876, soit 14,60 $ par Américain. Résultat: en dix ans, 54 446 faillites, pertes de 2 milliards de $. Cela ne suffisant pas, on alla jusqu’à réduire la circulation d’argent à 6,67 $ par tête en 1867 !


En 1896, le candidat démocrate à la présidence était William Jennings Bryan déclare, (et encore une fois, les livres d’histoire nous disent que ce fut une bonne chose qu’il ne fut pas élu président, car il était contre la monnaie « saine » des banquiers, l’argent créé sous forme de dette, et contre l’étalon-or) :

« Nous disons dans notre programme que nous croyons que le droit de frapper et d’émettre la monnaie est une fonction du gouvernement. Nous le croyons. Et ceux qui y sont opposés nous disent que l’émission de papier-monnaie est une fonction de la banque, et que le gouvernement doit se retirer des affaires de la banque. Eh bien! moi je leur dis que l’émission de l’argent est une fonction du gouvernement, et que les banques doivent se retirer des affaires du gouvernement… Lorsque nous aurons rétabli la monnaie de la Constitution, toutes les autres réformes nécessaires seront possibles, mais avant que cela ne soit fait, aucune autre réforme ne peut être accomplie. »

Et finalement, le 23 décembre 1913, le Congrès américain votait la loi de la Réserve Fédérale , qui enlevait au Congrès lui-même le pouvoir de créer l’argent, et remettait ce pouvoir à la «Federal Reserve Corporation». Un des rares membres du Congrès qui avait compris tout l’enjeu de cette loi, Charles A. Lindbergh (le père du célèbre aviateur), déclara :
« Cette loi établit le plus gigantesque trust sur terre. Lorsque le Président (Wilson) signera ce projet de loi, le gouverne-ment invisible du Pouvoir Monétaire sera légalisé… le pire crime législatif de tous les temps est perpétré par cette loi sur la banque et le numéraire. »

Qu’est-ce qui a permis aux banquiers d’obtenir finalement le monopole complet du contrôle du crédit aux États-Unis ? [bgcolor=#FFFF99][b]L’ignorance de la population sur la question monétaire.[/b][/bgcolor] John Adams écrivait à Thomas Jefferson, en 1787 :

« Toutes les perplexités, désordres et misères ne proviennent pas tant de défauts de la Constitution, du manque d’honneur ou de vertu, que d’une ignorance complète de la nature de la monnaie, du crédit et de la circulation. »


Salmon P. Chase, Secrétaire du Trésor sous Lincoln, déclara publiquement, peu après le passage de la loi des Banques Nationales:
« Ma contribution au passage de la loi des Banques Nationales fut la plus grande erreur financière de ma vie. [bgcolor=#00CCFF]Cette loi a établi un monopole qui affecte chaque intérêt du pays. Cette loi doit être révoquée, mais avant que cela puisse être accompli, le peuple devra se ranger d’un côté, et les banques de l’autre, dans une lutte telle que nous n’avons jamais vue dans ce pays. [/bgcolor]»

Et l’industriel Henry Ford: « Si la population comprenait le système bancaire, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin. »

(Fin d’extraits)

« Fondée en 1998, Attac (Association pour la Taxation des Transactions pour l’Aide aux Citoyens) promeut et mène des actions de tous ordres en vue de la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde. Mouvement d’éducation populaire, l’association produit analyses et expertises, organise des conférences, des réunions publiques, participe à des manifestations… »

Alors qu’il n’y a pas de travail d’éducation populaire permanent sur [bgcolor=#FFFF99]cette arme de domination massive que sont les intérêts de la monnaie marchandise[/bgcolor], ATTAC France affirme participer à « la reconquête, par les citoyens, du pouvoir que la sphère financière exerce sur tous les aspects de la vie politique, économique, sociale et culturelle dans l’ensemble du monde. »

Mais qu’attend ATTAC France ???

Alain Vidal, groupe monnaie, ATTAC 44 (17 janvier 2007).


[align=center]
Source : http://www.michaeljournal.org/galerie.htm[/align]

[align=center]
Source : http://www.michaeljournal.org/galerie.htm[/align]


Alain Vidal semble être un instituteur historien de grand talent. Lisez aussi cette histoire :

[bgcolor=#FFFF99]« Pour un colloque sur l’enseignement de l’Histoire »[/bgcolor] :
http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2002-10-06%2021:12:01&log=lautrehistoire

Superbe lettre, vraiment !


Ne ratez pas, enfin : [b][bgcolor=#FFFF99]"L'île des naufragés"[/bgcolor][/b], par Louis Even [url]http://www.michaeljournal.org/ilenauf.htm[/url]

Amicalement.

Étienne

Bonjour

Je rajoute seulement…

Quand les banques privées contrôlent la monnaie, les intérêts cumulés à tous les stades de la production (sans aucunement faire intervenir un éventuel crédit à la consommation), représentent au moins 30% des prix hors taxes des biens et services que nous consommons, richesse transférée aux banques sans aucune justification en échange d’une simple ligne d’écriture sur un ordinateur.

Sans les intérêts sur la création monétaire (qui devient ensuite « capital » qui, à son tour, demande des dividendes ), nous pourrions travailler un tiers moins pour le même pouvoir d’achat !

Amitiés

AJ

Les banques, et les profits des banques

AJH (2345).

Je ne dis pas forcément que que vous ayez tort, mais l’argent représenté par les intérêts ne disparaît pas : il sert à quelque chose. À quoi? Voilà la vraie question - une question de redistribution.

Si ma remarque est justifiée, alors le chiffre de 30 % des prix hors taxes demande à être réexaminé sous un autre angle : le rôle exact des banques ; ou encore, l’emploi qu’elles font de leurs profits. En supposant que les profits aillent exclusivement aux actionnaires (ou aux propriétaires), la question ne se règle-t-elle pas par l’impôt ? JR

Un autre coup de projecteur sur la caverne des voleurs

Sam me signale un autre document exceptionnel sur l’activité discrète de nos pires parasites :

[bgcolor=#FFFF99]Incursion dans un domaine trop réservé[/bgcolor]
http://www.attac78nord.org/rubrique.php3?id_rubrique=37

C’est un dossier très riche, et absolument passionnant, constitué par les militants d’Attac 78, sur l’escroquerie monétaire dont nous sommes tous victimes.

Mais que fait la maison mère (Attac France) ???
On dirait que les préoccupations d’appareil distraient fâcheusement les acteurs d’Attac de l’essentiel :confused:

Ce précieux document est assez long, 50 pages et 2 pages de bibliographie : il faudra donc en présenter progressivement le meilleur par extraits, pour les plus pressés d’entre nous.

Amicalement.

Étienne.

Bonjour Jacques

Question intéressante, et je vais tenter d’y répondre… mais pour le faire avec précision il faudrait certains chiffres que je n’ai pas (et pas le temps de rechercher en ce moment)

Actuellement on peut estimer à 200 milliards d’euros les intérets cumulés lors de la production… et ces intérets sont toujours facturés in fine au consommateur
(Calcul: L’ensemble de la TVA perçue est de 125 milliards d’euros, ce qui corresponds donc à une consommation d’environ 630 milliards d’euros HT . On peut considérer que les intérêts « pèsent » environ 30% du montant total des échanges HT dans une première analyse (depuis une dizaine d’année les taux d’intérêts ont baissé) soit environ 200 milliards d’euros, ce qui représente 12 ou 13% du PIB)

De plus, on sait que l’endettement des ménages représente 60% des revenus bruts (chiffre d’avril 2004 : 611,6 milliards d’euros … à 5% en moyenne d’intérêt moyens, ca fait 30 G€ annuels.)

La charge de la dette de l’Etat représente 40 G€

On est donc à un total de 270 G€ et 85% de ces 270 G€, soit 230 G€ sont issus de la création monétaire bancaire « ex nihilo ».

Vous posez donc une bonne question… « oui, mais où vont-ils? »

Sans pouvoir donner des chiffres précis à chaque catégorie, on peut lister (mais ne pas oublier que les banques ne vivent pas « que » de l’intérêt):
1 - les salaires et cotisations sociales des salariés des banques
2 - les loyers
3 - les frais généraux
4 - la formation de capital (immobilier)
5 - les réserves financières
6 - les dividendes aux actionnaires

Ce que l’ont sait d’autre part, c’est que le « système d’intérêt » est bénéficiaire pour 10% de la population la plus riche (probablement les actionnaires), neutre pour 10% (probablement les cadres) et appauvrit les 8 déciles des « déjà pauvres » et des tranches moyennes (probablement la majorité des salariés de ce système bancaire) , puisque chacun paye des intérêts conséquents (parfois sans le savoir comme lors de la consommation courante)

Il s’agit bien d’un impôt payé par les moins riches… et donc, non , la question ne se réglerait pas par un impôt qui serait appliquée aux seuls actionnaires, mais par des mesures simples :

- [b]Interdiction faite aux banques privées de prendre des intérêts sur une création de crédit au entreprises et aux particuliers[/b] (mais facturation d'honoraires)
  • Assurances et hypothèques au bénéfice non pas des banques — [bgcolor=#FFFF99]qui ne prêtent pas « leur » argent[/bgcolor]— en cas de défaut de remboursement du capital, mais de la collectivité ( budget national).

  • Autorisation aux épargnants de prêter leur épargne contre intérêt (dividendes), avec imposition des revenus

  • Création monétaire nationale (ou zone euro) afin de financer les budgets d’équipements et de recherche (le fonctionnement + amortissements doivent rester couvert par les recettes), équipements et recherche qui représentent une « valorisation » de la Nation (estimation actuelle de la « valeur France »: 10 000 G€, soit envion 10 fois la dette)


À ceci, je rajoute (à débattre) : remboursement des intérets cumulés de la dette ( environ 650 G€ ) par création monétaire sur 20 ans et remboursement du capital cumulé de la dette (environ 450 G€ ) par prélèvement sur les recettes, sur 20 ans.

En attendant, nous avons [bgcolor=#CCFFFF]le projet EMS [/bgcolor]
(http://tiki.societal.org/tiki-index.php?page=EMS-18points)

Cordialement

A-J Holbecq

Redistribution de revenus par l’impôt ou redistribution démocratique des capitaux pour une production « libérale » (doublée d’un revenu garanti pour tous). Impuissance des pouvoirs publics ou pilotage citoyen de la croissance en qualité.

Merci Jacques et AJH pour cette question et cette réponse.
Je crois que Jacques disait : « et bien, alors, il s’agit de modifier largement la répartition des impôts pour équilibrer, compenser, cette injustice ». La réponse d’AJH, elle, ne parle pas d’avenir, de bataille politique, mais de ce qui se fait au présent. Et je pense qu’AJH a considéré une seule manière de répondre, pas deux autres (qui sont aussi siennes, je crois), qui toutes deux montrent aussi que non, la question ne se règle pas par l’impôt :

  1. Parce que dans le contexte (néolibéral, de la mondialisation dérégulée, de l’impuissance programmée et maintenue des Etats, …) il est tout à fait inimaginable qu’on y vienne jusqu’à nouvel ordre. Il suffit de lire, d’observer les faits, les évolutions (on vient d’apprendre que les réductions fiscales sur les entreprises en France se montent à 65 G€ pour 2005 - soit un triplement en deux ans, en gros). Il suffit d’analyser les mécanismes : il n’y a rien à faire pour enrayer le mécanisme qui tue les Etats et rend impossible toute politique économique (en les endettant et en organisant une fuite généralisée de capitaux) et fait exploser les inégalités de partout, sauf à réformer radicalement nombre de règles des institutions financières, notamment celles mises en place peu à peu depuis les années 1980. Je vous épargne plus de développements de cet argument, il remplissent les bibliothèques et autres forums altermondialistes, entre autres.

  2. Mais même en appliquant des réformes considérables pour sortir de ce blocage actuel, le processus global de redistribution serait mauvais car tout aussi impropre à nous sortir du mode pervers de croissance actuelle, et à conduire vers un pilotage en qualité de la croissance par voie démocratique.

Ce qu’apporte l’idée centrale d’AJH (lui entre autres), c’est en même temps :

  • [bgcolor=#FFFF99]L’abolition d’un privilège, au sens « noble » (…), quasi inconnu et presque jamais aboli, celui des banquiers.[/bgcolor] Lequel privilège s’est accru encore ces dernières décennies (je passe là-dessus, j’ai l’intention de réunir sur ce volet une belle série d’informations très concrètes au sujet des institutions et liées à la question du contrôle de la monnaie) ;

  • une voie qui permettrait de contourner de multiples blocages évoqués en 1), puis, sur le mode incitatif, et par la pratique (et une prise de conscience de l’efficacité de la réforme comme du privilège aboli) de parvenir à un bouleversement plus global, à terme du régime financier actuel. Je pense que cette mesure ne suffirait pas à elle seule, mais serait indispensable. Il faudrait lui apposer une taxe Tobin (ou bien revenir sur un mode de régulation des changes… concerté au plan intergouvernemental), notamment. (De même, quoique dans un autre registre, ma proposition faite sur le volet « principes socioéconomiques… » d’indexation de tout type de taxation des entreprises en fonction des inégalités individuelles qu’elles mettent en jeu, vise une « 3e » voie de type incitatif (par le poids économique d’une l’UE dotée d’un pareil instrument), et cherche en particulier à contourner le problème crucial de la libre circulation des capitaux dérégulée, qui rend imposible toute réelle réforme fiscale jusqu’à présent (sur un mode pas même contraire à l’AGCS, et avec bien d’autres avantages) ;

  • enfin, de mener à l’objectif de changement évoqué en 2, d’une réappropriation démocratique du « pilotage de la croissance en qualité ». Et sur le plan pédagogique notamment, il est très intéressant de discuter de cet aspect. Je vous épargne également un long argumentaire, car avec AJH vous êtes en compagnie éclairée pour cela. Quelques notes, tout de même.

« Voilà la vraie question - une question de redistribution ». Très juste, Jacques - vous parlez comme « Oncle Bernard » (Bernard Maris). Mais la révolution qu’apporte l’idée générale de l’approche d’AJH, comme d’autres, est de dire que cette question reste à formuler plus précisément.

Une question essentielle qu’a soulevé Keynes — « en sciences », mais d’autres l’ont fait avant et après lui, AJH en particulier — est la suivante : faut-il créer la monnaie avant la production (les échanges) qu’elle vise à permettre, ou bien après ?

Et bien je pense pouvoir dire que si la réponse est évidemment « [i]avant[/i] », le régime dans lequel nous sommes considère que : - pour l’Etat, il n’a pas à la créer avant, c'est mal (!) et d’ailleurs il n’a plus le droit du tout ("à 99%" (plus) depuis 1993 – j’y reviendrai) ; - pour les entreprises, c’est évident, ils leur faut des investissements pour produire quoique ce soit, or ces investissements enrichissent une cascade de rentiers, au premier rang desquels les gros actionnaires des grandes banques, lesquelles possèdent aussi les plus grands parts des fonds de pension… (et sont de faux monnayeurs).
Dans ce résumé, où vous avez tous les plus gros acteurs en présence, on voit suggérée l'idée que disposer de la monnaie avant de produire permet de choisir ce qu'on veut en faire. Pour qui a le droit de choisir / de faire. Beau schisme idéologique en perspective.

Une idée tout aussi bien ancrée, mais fausse, et qui dérive de l’idée préconçue (acquise) sur l’origine de la monnaie, est qu’un Etat pourvoit nécessairement à ses dépenses de la période à venir avec l’impôt qu’il a prélevé avant. Ou que sinon il s’endette alors forcément (ce qui justifierait qu’il paye des intérêts à ses créanciers — je ne suis pas contre l’intérêt, du moment qu’il est raisonnable et qu’il ne porte pas sur de la monnaie créée à partir de rien par des particuliers). Mais alors comment fait-on au départ ? Pas de monnaie, pas d’échanges, du troc à la rigueur, donc pas d’impôts l’an prochain. Et accessoirement pas de services publics cette année. Donc pas d’Etat… Faut voir le bon côté de la chose : aucun rentier n’aura profité non plus… mais comme dit Keynes, « d’ici là, nous serons tous morts »…

Plus sérieusmement, puisque l’idée « l’Etat se finance nécessairement sur les impôts déjà prélevés ou bien s’endette » est idéologiquement orientée, puisque on a pu observer que l’accroissement conséquent des services publics par injection de monnaie peut très bien, sans créer d’inflation forte et à long terme, relancer tout le secteur privé et faire profiter tout le monde (sauf les banquiers et les rentiers), une question se pose en particulier : l’impôt, plutôt qu’un mode de financement des services publics, n’est-il pas bien plus un simple moyen de répartition ? C’est d’ailleurs ce que vous suggérez, par votre réponse, si l’on considère que dans le contexte présent, il y a presque 100% de « retard d’impôts » à compenser.

Reste donc plutôt à savoir qui/comment doit décider des priorités de production. Je réponds : le débat démocratique, les cahiers de doléances, et par ailleurs, mon bien être personnel, en tant que travailleur : d’une, hors de question d’envoyer de force les gens à 500 Km du lieu d’habitation de leur femmme, de leurs enfants, … ; de deux, il y a des travaux que j’aime faire, qui contribuent à mon équilibre, à me faire me sentir utile, … d’autre pas (il y a notamment des priorités à planifier pour investir dans le développement de machines réduisant les travaux pénibles).

Reste ensuite à savoir combien de monnaie il faut. La réponse est simple : autant que nécessaire… d’après ce qui a été planifié. Voilà une bonne raison de s’effrayer pour qui croit qu’on va nécessairement faire du socialisme brut avec une pareille réforme. Bien au contraire, ce nouvel instrument monétaire permettrait de développer les modèles dits « socialistes-libertaires », ou plus simplement… d’encourager bien plus de gens à entreprendre. Du libéralisme non capitaliste, en mot. Le tout est de veiller à développer les institutions permettant l’expression démocratique des besoins.

Et puisqu’on en serait à ce régime, pourquoi maintenir le salariat, pourquoi pas donner à tous un revenu, sans conditions ? C’est un autre débat, je crois. Et je sais qu’Etienne est plutôt favorable à une forme de récompense au mérite, de ce point de vue (salaud de droite, va :wink: …) Mais alors, je pense qu’il faudrait garder un léger impôt sur le revenu, qui garde un caractère progressif. Tout simplement pour limiter la vitesse d’accroissement des inégalités, afin que les inégalités justifiées par les efforts fournis ne se maintiennent pas au delà de l’année rémunérée (schématiquement).

Pour en revenir à votre réponse, Jacques : une société qui donnerait à tous le même revenu mais seulement à une minorité le contrôle du choix des types et des modes de productions, serait-elle souhaitable ? Une société d’esclaves salariés ? N’est-ce pas la société des « managers » qui a inspiré les Burham (pour « démontrer » que le socialisme mène au totalitarisme — l’idée à fait son chemin : chez Orwell (1984) mais aussi chez Aron, qui le fit traduire en français, et la myriade de Saint-Simoniens et assimilés qui forme, en France, notre nouvelle aristocratie…), où le régime stalinien, s’il avait donné à tous le même revenu ? N’est-ce pas ce que serait notre société (bientôt) si l’application de votre seule « compensation en retard de phase », était possible ? Et les « esclaves salariés », que produiraient ils comme genre de biens selon vous ? Plutôt des armes, des futilités matérielles et culturelles, de la malbouffe et du CO2, ou plutôt de belles choses utiles? Pensez enfin aux prouesses de corruption qu’apporteraient inévitablement tant d’argent centralisé. Inévitablement centralisé, y compris au sens géographique du terme, puisque nous aurions toujours à traiter avec des pouvoirs économiques énormes et concentrés. (Au passage, je pense que c’est une chose sur laquelle il faudra travailler beaucoup, AJH, la décentralisation du contrôle des capitaux, même dans « votre système ». Hors de question qu’une caste se mettent à détourner en masse la monnaie scripturale (ou autre) « par simpe jeu d’écriture » (sans doute par « faux-monnayage » - les individus spoliés inégalement le verraient vite, sinon.)