Enoncer les droits fondamentaux dans la Constitution ?
JeanG (910) :
(Ce message fera plus de 30 lignes.)
Implicitement (par la définition du Larousse que vous reproduisez), vous me faites dire une chose que je ne dis pas : que la constitution ne devrait pas régler les droits fondamentaux des individus.
Je vous renvoie à ce sujet à l’avant-projet CIPUNCE Rév. 10 :
[i]"Article [4] : Droits fondamentaux
"1. L’Union accepte la Déclaration universelle des droits de l’homme, proclamée le 10 décembre 1948, ainsi que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, en date à Rome du 4 novembre 1950.
"2. La loi organique fixe les modalités d’application de la Déclaration universelle et de la Convention européenne dans le cadre de l’Union.
« 3. Aucune disposition de la Constitution ou de la loi organique n’a pour but ou effet de restreindre la portée théorique ou pratique des droits fondamentaux proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ni des droits fondamentaux tels que [/i]définis ou appliqués par les États membres dans leur ordre juridique interne . »
Cet article, il me semble, règle bien les droits fondamentaux des individus ?
Ce que je soutiens, c’est que la constitution ne doit pas reproduire ou répéter, en faisant semblant de les proclamer comme si ça n’avait jamais été fait, des droits fondamentaux déjà énoncés dans des instruments ou des coutumes internationales de toute façon supérieurs à la constitution : il faut procéder par renvoi et bien se garder de toucher ou de retoucher aux instruments et coutumes qui se sont laborieusement mis en place depuis 200 ans ou plus.
Pourquoi ? Pour au moins deux raisons : 1) quand on recopie, on s’expose à faire des fautes (et parfois, disons les choses diplomatiquement, à commettre des dérives : exemple, le TCE) ; 2) ensuite (considération essentiellement pratique mais importante) : le système de la répétion ou de la reprise textuelle imposerait de réviser la constitution à chaque modification du contenu des droits fondamentaux.
Je vous donne un exemple :
La France a accepté la Convention européenne de protection de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, instrument européen d’application des droits de l’homme extérieur et supérieur à constitution française. Cette convention a été précisée ou élargie par des protocoles d’application postérieurs à la ratification de la France, dont le plus célèbre est sans doute celui sur l’abolition de la peine de mort.
Quand la France a voulu accepter l’abolition de la peine de mort, il lui a suffi de ratifier le protocole (par une loi de ratification). Elle n’a pas eu à effectuer en plus une révision constitutionnelle, ce qu’elle aurait dû faire si elle avait reproduit les droits les dispositions originelles de la Convention européenne.
Mais là n’est pas le problème essentiel. Il est que les droits de l’homme sont par nature imprescriptibles, universels, intéressent l’humanité tout entière et partout, et qu’en conséquence ils peuvent m’être appliqués même - voire surtout - quand je suis au Népal, en Birmanie ou aux Etats-Unis : et dans ces trois cas, ce n’est pas la constitution française qu’il me faudrait invoquer, mais bien la Déclaration universelle des droits de l’homme, la coutume internationale qui s’est créée sur cette base… et, si ces pays ont mis leur interprétation de tel ou tel droit fondamental dans leur constitution, la constitution de ces pays.
Encore, si la France recopie les droits universels dans sa constitution, on peut raisonnablement penser que la copie ne s’écartera pas de l’original : mais la pensée de 200 copies dans 200 constitutions continue de me fait frémir, et je persiste à croire que ce serait la fin de la notion même de droits de l’homme universels.
Nous donnerions un très mauvais exemple en procédant de cette manière : celui du traitement des droits fondamentaux dans le TCE devrait nous suffire.
Vous ne répondez pas, me semble-t-il, à cet argument que je trouve très fort.
C’est d’ailleurs une illusion de penser qu’en reproduisant les droits fondamentaux dans une constitution on leur donnerait une force qu’ils n’auraient pas déjà par ailleurs. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 est intervenue en dehors de toute constitution : c’est bien elle qu’on cite aujourd’hui encore, et pas les déclarations des droits incluses dans les constitutions de 1793 et de 1795 et dans la Charte de 1814 ou dans la Charte de 1830.
J’appelle incidemment votre attention sur le paragraphe 3 du projet d’article CIPUNCE : son effet net est de garantir l’application maximale des droits fondamentaux dans tous les cas (si un Etat membre a mis un place un régime d’application plus favorable que celui prévu par la Déclaration universelle, etc., c’est ce régime qui s’appliquera). Cette disposition était en germe dans le TCE, mais elle est considérablement plus précise et plus forte (du moins je le pense) dans le projet CIPUNCE Rév. 10 : voilà la grande garantie des droits fondamentaux dans le cadre de l’Union européenne. JR