À Jacques Roman.
Merci pour ces éclaircissements. Et pardonnez SVP ma franchise : vous comprendrez qu’il est délicat de se faire comprendre sur le sens de « ce qui me turlupine en particulier ». La preuve est que tout cela reste à éclaircir… et à poser.
Je voulais effectivement un retour précis de votre part, que j’ai obtenu entièrement, pour savoir si c’était plutôt :
- le sujet du débat que je cherche à engager qui est hors sujet ici,
- qu’il fallait absolument avoir en tête la dérive qui mène à imposer des politiques dans la constitution
Je vois que nous sommes largement d’accord (« Le débat que vous avez engagé a donc sa place ici, et je n’exclus pas qu’il aboutisse à de nouvelles dispositions constitutionnelles » - je n’en demandais pas plus.) Me voilà rassuré. Car j’avais peur de perturber un débat sans rien y apporter.
C’est donc essentiellement la mise en oeuvre du débat qui bloque. C’est en ce sens que je ressens que non seulement « ce n’est pas exclu », mais qu’« IL FAUT dégager de nouvelles dispositions constitutionnelles ». Au sens où on ne peut pas remettre la chose à plus tard, et s’en tenir à une « bonne constitution dans le sens du cahier des charges déjà fixé en Europe ».
Les USA ont une Constitution, une vraie. Le Venezuela aussi. Les USA sont une grande démocratie… Mais l’exercice démocratique, ni aux USA ni au Venezuela ne permet de répondre à une problématique complètement nouvelle, et à de nouvelles sources de fortes inégalités dont il est déjà avéré qu’elles amenent un danger bien réel. Et pour la paix, ET pour le développement de la démocratie dans le monde, ET pour la poursuite de la construction / la réforme de l’ONU, ET, pire, une remise en question déjà palpable, et annoncée, de la démocratie EN OCCIDENT.
C’est donc la mise en oeuvre du débat qui bloque, je disais. Vous me dites : on n’y arrivera pas, ainsi. (« Mais pour cela il faudrait proposer des articles, ou du moins des principes précis et complètement rédigés, sinon nous n’écrirons jamais de constitution. ») Vous avez raison. Je suis bien placé pour savoir que le débat rebute D’ABORD parce qu’il est impossible d’aborder le sujet par un ou deux aspects pris à part, mais même, à cause de l’aspect multi-plans (qu’on retrouve dans l’amiguité sur mes intensions) :
- je suis contraint à causer idéologie pour appréhender des structures. Car des mots ne combattent pas des faits et des structures portant des pouvoirs ;
- il me faut parler de politiques, de lois, justement POUR CERNER le domaine des dispositions institutionnelles, et ses limites ;
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je parle d’économie dans le seul but de situer ce qui relève ou non de l’État de droit, et en quoi c’est le domaine de l’État de droit qui est devenu trop restreint dans les faits.
Globalement, il s’agit de dire qu’une Constitution définit, entre autres, CE QUI PEUT OU NON ÊTRE PRESCRIT / INTERDIT PAR LA LOI.
Mais comment pourrais-je ne pas donner d’argumentaire ? Si je veux susciter débat, c’est essentiellement pour juger de l’attachement des gens a ces préoccupations, sans même parler de générer des propositions par le débat.
« Une constitution ne doit traiter que de l’organisation et du fonctionnement des pouvoirs publics (les entreprises ne sont pas des pouvoirs publics) ». Déjà, précisons ce qui peut l’être.
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Les entreprises n’ont bien sûr pas à être traités comme organes de l’État
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Collectivisme comme ultra libéralisme sont incompatibles avec démocratie.
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Je ne vois d’autre solution que de partir du modèle libéral. Pour ce que j’ai posé quant à l’état des choses déjà réalisé dans la mondialisation, mais également parce qu’il n’y pas de frontière nette entre libéralisme, social-libéralisme, social-démocratie et socialisme, modes démocratiques et déjà labélisés.
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Bien des aspects de l’entreprise mettent en jeu les droits et libertés, et sont liés au contrôle, par le biais des organes de l’État. Les entreprises gèrent / émettent / suscitent du capital (investissement et spéculation), du travail (comme ressource et comme « propre de l’homme »), des biens de consommation, de la publicité, de la communication, du lobbying…
Le code du travail a des fondements dans la Charte.
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L’égalité en matière de salaire, la non discrimination. Si le droit n’est pas respecté, c’est une chose (qui relève d’un exercice démocratique mal assumé).
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On parle d’interdiction de l’esclavage, de travail forcé, de droit de choisir son travail… Tout cela est flou. Ce qui peut être éclairci DOIT l’être. Il s’agit de décliner les choses, d’empêcher les télescopages mais surtout le vide juridique.
Il y a quasi contradiction, de fait actuellement (et dans le T"C"E), du moins faible compatibilité entre des mesures visant à spécialiser l’économie (et donc, les marchés de l’emploi) sur des créneaux à haute valeur ajoutée, technologiques… et le fait de poser les droits fondementaux de : pouvoir choisir son métier et de pouvoir bénéficier de moyens de subsistance digne… La question que je soulève est celle-ci : les individus sont-ils (seront-ils) véritablement libres de choisir un métier d’artisan, de paysan, un métier à faible valeur ajoutée (au sens des indices actuels) ?
Une « économie idéale », dans une démocratie, c’est de la diversité ; si l’environnement (1) devient une telle priorité qu’on ne peut admettre que le sujet soit réduit à des « principes - voeux pieux » dans la Constitution, il faut pouvoir se donner les moyens constitutionnels de valoriser, par les politiques, les activités économiques peu polluantes, privilégiant les échanges locaux…
- On parle de liberté syndicale, de reconnaissance des syndicats comme association politique. J’ai montré dans mon argumentaire que la question n’était pas la remise en cause de ces fondements (et après Thatcher, on peut élire un Blair) mais que struturellement, la compétition économique mondiale a rendu INEFFICIENTE, INADAPTÉE, l’action syndicale telle que conçue actuellement.
Il y a une question de redéfinition partielle, et ce qui peut être précisée et faire disposition constitutionnelle doit l’être.
Encore une fois, cela ne signifie pas que la définition elle-même soit posée dans la Constitution, dans la Charte…. Il faut revoir les redéfinitions possibles EN ÉLABORANT LA CONSTITUTION, et faire les liens avec ce qui pourrait relever de nouvelles dispositions constitutionnelles.
- des syndicats défendant les salariés (2) font face à des patrons ou syndicats de patrons. Mais les investisseurs sont hors de la boucle. Il est inconcevable de ne pas poser le problème, qui est déjà aberrant au sens du modèle de la démocratie libérale.
D’une part, il y a un lien direct entre liberté sans contraites de l’actionnaire et inefficience de l’action syndicale, plus généralement, entre non responsabilité juridique (ou même, identification, domiciliation) de l’investisseur et incapacité d’en appeler à sa morale par l’exercice démocratique.
Si une taxe sur les flux de capitaux, des mesures de restriction sur la spéculation sur les dévises relèvent de lois et de traités, si une taxe directe, nationale, sur le patrimoine relève de la loi, la question n’est-elle pas de MENTIONNER DANS UNE CHARTE EN QUOI LA SPÉCULATION PEUT OU NON être soumise à restriction (puisque ces libertés, prises par certains, agissent négativement sur les libertés d’autres individus), à contribution par prélèvement pour les services publics, A QUEL NIVEAU (les Etats membres, l’Europe, au plan international, ce qui supposerait que des PRINCIPES EXPLICITES dans la constitution, PRESCRIVENT des comportements de l’UE pour atteindre des OBJECTIFS EXPLICITES également)…
Il y a une question centrale : l’éclatement des différences de salaires (j’ai dessiné cela dans mon message sur les indices PIB, IDH, « éléments d’un indice démocratique »).
Concevoir l’Egalité tout court sans considérer les inégalités économiques et les vecteurs de pouvoirs économiques est illusoire, posons ce qui peut être posé.
L’approche 'contribution aux prélèvements publics en fonction de ses revenus" en est une (déjà reconnue), l’approche « responsabilisation de l’investisseur » en est une (pas du tout posée), l’approche « efficience du syndicalisme en est une autre », l’approche « soumission des pratiques managériales au droit fondemental » en est encore une. Plus globalement, il s’agit du LIEN SOCIAL dans les entreprises.
Rien ne précise actuellement, par exemple, si la publicité est une liberté pure, un droit qui peut nuire à mes libertés, pour ne pas dire : « un élément qui peut nuire à mon intégrité mentale »… (notion présentée dans la Charte incorporée au T"C"E).
IL ME SEMBLE TOUT À FAIT HONNÊTE DE POSER LA QUESTION DE LA PUBLICITÉ DANS LA CHARTE ELLE-MÊME (et celle de sa restriction, en terme de contrôle des institutions, comme le cas des « indices statistiques »).
Nous avons posé les question des « médias », de l’« indépendance des organismes de statistique », en termes de nouvelles dispositions constitutionnelles. En économie social-libérale ou pas il s’agit de questions « à l’interface » des entreprises, liés à l’économie.
Il faut aborder en particulier la question du statut des organismes de contrôle de l’information boursière. Voire du statut des places boursière européennes (ce sont des entreprises, aujourd’hui).
Bref, il y a bien des aspects de l’économie qui doivent être liés à la conception de l’État de droit, pour ce qu’on cherche à élaborer ici. Et je dirais que si pour certains aspects, on peut y arriver par le débat (à dégager des dispositions constitutionnelles), pour d’autres, il faudra effectivement se lancer, poser des propositions claires et explicites, et les soumettre au débat. Je retiens donc votre remarque, et vais faire au mieux, me concernant.
Il s’agit notamment de l’aspect : « Objectifs de l’UE / conception du patriotisme européen »… Avec trois guillements, vous savez bien. Autrement dit : principes et objectifs relatifs à des mesures de protectionnisme ET non impérialisme, emploi de l’euro voire nationalité européenne lié au respect du droit européen / liens entre marchés intérieur et extérieur, toute principe visant à poser que c’est en défendant, promouvant ET permettant un commerce équitable généralisé que l’Europe se défendra elle-même, défendra ses EM et leur diversité, de même qu’elle trouvera, grace à une garantie de nivellement par le haut, en matière de protection sociale, une véritable assise structurelle pour étendre la démocratie ailleurs dans le monde. Vous l’avez vu, cette notion peut (et DOIT) se traduire par des dispositions constitutionnelles concrètes, réparties, outre dans les objectifs et principes de l’UE, dans la Charte, et dans la définition et le contrôle des institutions.
(1) Au passage, "le droit des peuples à jouir d’un environnement sain", reconnu par l’ONU, grace aux actions de la société civile essentiellement, doit impérativement figurer dans la Charte.
(2) Les syndicats ont un statut d’association POLITIQUE. Il est impératif que soient définis : « le but de toute association politique » (cf. article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789) ; les distinctions entre Partis (associations visant à assumer, par leurs membres, des reponsabilités d’élus - législatif, exéctutif, jusdicaire) et « Associations de la société civile » ne suffisent pas : il faut bien distinguer, dans la seconde catégorie, celles qui relèvent de la défense de l’intérêt commun (association politique de la société civile) et celles qui relèvent de la défense d’intérêts particuliers (lobbys).