À Jacques Roman,
pour introduire cette réponse :
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je proposais d’ouvrir un « grand principe ». Donc l’important c’est déjà de poser l’idée du volet.
Que cela renvoie à des droits, devoirs, statuts, problèmes de contrôle, conflits de pouvoirs, abus de pouvoirs… c’est justement un signe qu’il y a matière à faire un volet.
À part un volet, « 3J » (1/2 - si on compte le suivant) du groupe « contrôle des pouvoirs », nous sommes encore pauvres en la matière
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ravi de voir que, comme moi, vous êtes très attaché à ce que les concepts soient explicités, et ne créent pas de flou juridique (en droit). Vous me direz, c’est la moindre des choses, vu le sujet…
Je crois que dans nos deux messages, nous avons relevé divers points. Croisons-les donc, déjà.
D’après moi :
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parmi les « associations politiques », on compte des « acteurs de la société civile ».
J’ai cité l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. »
J’ai parlé des « acteurs de la société civile » comme « associations politiques » n’étant ni partis, ni syndicats.
Vous parlez de :
« pouvoir politique [légitime] » : incluant « parlement, gouvernement, pouvoir judiciaire, administration, partis politiques […], tout organisme technique un peu officiel (l’armée, les grandes écoles [?? - Le terme est vague, déjà. Mais Normale sup. n’a rien de « conditionnant » politiquement], les « conseils de l’ordre », les syndicats ».
Reste, à côté, les « pouvoir[s] politique[s] parallèle[s] ["illégitimes »].
Il y a donc, d’un côté, notion d’ « association », de l’autre « pouvoir ».
J’ai souligné, dans votre liste, les concepts de partis et de syndicats, qui me semblent y être des intrus.
Du moins, parce qu’ils sont dans ma « non liste » :
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pourquoi un parti serait-il un « pouvoir » politique ? On forme un pouvoir politique quand on est élu, quand on est soldat, quand on travaille dans l’administration…
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s’agissant des syndicats, c’est plus délicat : ils forment un pouvoir. Mais sur le plan politique, il s’agit d’un réel « contre pouvoir ». Un pouvoir économique, social, un « pouvoir d’influencer » la politique, des statuts légitiant une action politique, le devoir de servir l’intérêt « général » (les travailleurs, même non membres du syndicats),… mais pas de pouvoir judiciaire, législatif, exécutif, parlementaire, gouvernemental, militaire, administratif…
Il y a la notion d’ « autorité politique ». Et elle ne peut pas se réduire à celle de « pouvoir politique ».
Un syndicat forme une « association politique », et une « autorité politique », oui. Pas un « pouvoir politique ».
DDHC, article 3 : « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ».
Vous écrivez :
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« La loi Le Chapelier de 1791 avait interdit les corps intermédiaires comme faisant obstacle à l’établissement de rapports directs entre les citoyens et leurs pouvoirs publics »
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« il ne faut pas négliger le danger que représente l’action parallèle des ONG et des associations quand elles s’aventurent au-delà des objectifs inscrits dans leurs statuts »
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« cette action […] peut fausser ou gêner l’expression de la volonté citoyenne »
Laissons de côté médias (Presse), la question des médias appartenant ou non à la société civile, c’est une chose ; s’agissant de savoir si la presse forme un pouvoir politique… c’est un contre-pouvoir, à l’évidence, c’est leur travail. Mais, comme pour les syndicats, il n’y a pas de pouvoir politique au sens propre…
Évidemment, ils sont une « autorité politique », et influencent, comme les syndicats.
Par aileurs, les médias, comme « services publics » - terme à préciser - on s’en charge séparément. Et laissons aussi de côté la transnationalisation (vous parlez là essentiellement de diktat de pouvoirs économiques hors contrôle des nations - je l’ai posé aussi, lui et la question des dispositions constitutionnelles permettant d’y faire face, notamment dans le cas du vecteur « médias »).
Bref, découplons ce qui peut l’être.
D’après la DDHC, article 3 : si une association politique a des statuts, c’est un contrat auprès du peuple, qui assure la légitimité de son action politique. Si elle en sort, c’est une chose.
Par exemple, le PS a du faire modifier en urgence ses statuts pour pouvoir organiser son référendum interne sur le T"C"E… Et que la décision a été prise de manière peu démocratique. Pardon pour ce clin d’oeil. Et notons que les médias n’ont pas relevé… (aucun, à ma connaissance)
Concernant les « ONG », le terme « non gouvernemental » est ambigü, je trouve. Parce que justement (et même si on s’en tient au respect des statuts) : si elles sont des « associations politiques », elle constituent une « autorité politique » (dotés de statuts qui assurent leur légitimité politique auprès de la (des) nation(s)", et en pratique, elles forment bien un pouvoir politique. Bref, elles sont mandatées par un ou des peuples pour agir politiquement, sur place ou dans d’autres pays.
Revenons à mon message :
- je n’ai pas écrit que tout « acteur de la société civile » est nécessairement une « association politique ».
Une association loi 1901, une ONG, peuvent s’occuper d’activités culturelles, artistiques, sportives, de dispenser une éducation gratuite, de rendre des services divers, de médias, de dispenser des soins, donc certains non liés à la lutte directe pour la préservation de la vie, de la sureté… Bref, tout cela ne relève pas de la « la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme […] la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ».
« pour ne pas donner l’impression d’un nouveau pouvoir politique - qui ne tiendrait sa légitimité que de lui-même ».
J’avais titré « La société civile contribue à créer le droit et à le faire appliquer. »
J’ai cité l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement ou par leurs représentants à sa formation. […] »
Là, je parle de la société civile comme pouvant contribuer à créer le droit et le faire appliquer, donc d’association politique de la société civile.
J’écrivais : « Ainsi, le label « association politique » s’étend aussi bien aux partis, aux syndicats, mais à toute association appartenant à la société civile, qu’elle soit un lobby ou qu’elle agisse pour le bien commun. »
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on peut avoir (en tant qu’individu, groupe, ou association dotée de status) une « action politique » sans même être une « association politique ».
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un lobby, tout comme une « association de la société civile ayant vocation à défendre l’intérêt commun », n’est pas nécessairement une « association politique », mais peut aussi en être…
J’ai tenu à insister sur la distinction entre défense d’intérêts communs et particuliers, ce qui me semble fondamental. Il faut poser explicitemment la distinction nécessaire entre « lobbies » et "[color=red]associations politiques ayant vocation à défendre l’intérêt commun[/color]". Faute de quoi, l’action de la société civile est dévalorisée par les représentants élus, même si elle vise à faire vivre le droit.
En fait, je me demande si on ne peut pas exclure les lobbies des « associations politiques », et réduire le terme de lobby à ce qui ne défend pas des droits et libertés fondementales. En s’en tenant au sens de l’article 2 de la DDHC, et en vertu du principe que lorsqu’on défend les droits et libertés d’un individu, on défend la nation.
Et enfin, un lobby peut-il avoir des statuts lui attribuant une légitimité en termes de rôle politique ? Pas que je sache.
En conclusion : ne faudrait-il pas distinguer :
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lobby : groupe d’individus non doté de statuts, et agissant pour la défense d’intérêts particuliers qui ne correspondent pas à des droits et libertés fondementales
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association politique : groupe d’individus qui peut n’avoir aucun statut définissant son rôle au sens de l’autorité légitime liée au peuple (pays), et défendant l’intérêt commun
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autorité politique : groupe d’individus doté de statuts définissant son rôle au sens de l’autorité légitime lié au peuple (pays), défendant l’intérêt commun
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pouvoir politique : personne ou groupe élu ou désigné par les voies constitutionnelles appropriés, et remplissant une fonction dans les institutions de l’Etat (pouvoir politique = pouvoir public, en somme).
[i]Notes :
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[/i]une autorité politique forme nécessairement association politique ; l’inverse n’est pas systématique (question de statuts)
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la désobéissance civique relèverait typiquement de l’association politique. Voir les critères énoncés dans mon message précédent, que j’ai complété, comme convenu.