Dégadézo,
je ne suis pas d’accord avec votre recadrage sur mon 2).
Il ne s’agit pas (pour Etienne) de viser la « duplicité » des élus, autant dire leur « pourriture », chose qui consiste à transgresser les règles établies, mais il s’agit bien de définir des règles qui séparent correctement les pouvoirs et les mettent chacun sous contrôle. Et plus encore, il s’agit de placer la constitution ainsi composée au-dessus de toute autre norme.
Je suis tout à fait d’accord sur votre formule « une décision de personnes mandatées n’est pas censée être faite « dans le dos » des personnes ayant donné mandat ou sous de fausses allégations / prétextes (U.E. , O.M.C. , Commission Européenne …). » « Mandaté », c’est bien le mot.
Jacques a de nouveau rappelé que les traités (leurs clauses) ont valeur juridique supérieure aux lois. Demandons-nous donc si le « mandaté » pour représenter les français à l’OMC l’est pour écrire leurs lois ou, pire, les « lois » qui prévalent sur elles.
Le négociateur unique à l’OMC pour tous les pays de l’UE (depuis 1999) est le Commissaire européen au commerce. Celui-ci est désigné par un vote par chacun des Etats membres, vote effectué par le tenant d’un poste qui varie suivant les pays. Pour la France, c’est le Ministre de l’économie et des finances. Précisons, pour la rigueur, que le Commissaire a un mandat, qui est approuvé (non proposé) par le Parlement européen. Ce qui pose déjà le problème des attributions du Parlement européen, tel qu’il est et tel qu’il pourrait / devrait être. Mais ce mandat n’est pas « impératif ». Il ne peut l’être. En tous cas il est assez flou, surtout qu’on parle ici d’un mandat sur des « secteurs » commerciaux. Cependant :
- toutes les négociations de l’OMC sont secrètes. Cela fait partie du traité ratifié par la France, l’UE. Je vous laisse apprécier, sachant que les décisions (« engagements ») prises à l’OMC par le Commissaire prévalent sur toutes les lois d’Europe. Et quand bien même le Commissaire violerait son mandat, il n’y a pas moyen de l’en empêcher avant qu’il ne soit trop tard ;
- l’AGCS mentionne aussi clairement que le processus de « libéralisation » est sans fin, et qu’il s’agit de tendre vers une libéralisation de tous les secteurs. Or on a pu voir que les pays anglo-saxons considèrent l’éducation comme un « marché de l’ - », ce qui fait que même « l’UE » a demandé à des dizaines de pays pauvres de privatiser l’éducation… Chose qui n’est pas dans le « mandat » du Commissaire, ce mandat se limitant au périmètre de ce que nous pouvons accepter ou non pour nous. Les « engagements » impliquent par définition l’avenir, contraignent les décisions nationales et européennes futures.
Je ne vais pas faire ici un exposé complet des liens entre les nations et les décideurs de l’OMC. Celui que ça intéresse n’a qu’à se documenter.
Je m’en tiens à cette conclusion, assez étayée : le pouvoir législatif français n’est pas, plus du tout « séparé ». La preuve en est que 70 à 80% des lois nationales adoptées ne sont que des transpositions du droit européen, lequel transpose en bonne partie celui de l’OMC et les propositions des 40 000 lobbies de la finance et de l’industrie européenne et américaine.
Je vous pose une autre question : avez-vous été consulté par référendum lors de l’instauration de l’OMC ? Non. Cela n’était pas une obligation du Président de la République, juste un « droit »… C’est donc le législateur de 1994 qui a adopté la loi ratifiant le traité instaurant l’OMC. Un organe destiné à édicter des règles prévalant sur les lois nationales (et européennes). Un organe doté d’un appareil exécutif et d’un appareil judiciaire en propre, pour faire respecter ces règles. Le législateur français a-t-il mandat pour changer lui-même la constitution ? Qu’est-ce d’autre que la reconnaissance d’une instance dont les décisions prévalent sur les lois nationales ?
Jacques, vous me demandez pourquoi j’emploie le terme de « traité constitutionnel » ? Je viens de répondre.
Que je sache, tout « comité » établi par traité n’a pas le pouvoir d’écrire les lois, de les faire appliquer, ou de rendre la justice.
Je ne parle pas de faire les choses « dans le dos » des nations. Je dis que je rigole (pleure) de voir qu’on peut encore s’imaginer que l’organisation des instances supranationales est considérée comme une chose extérieure à la constitution…
Je pars de la formule d’Etienne, que j’approuve totalement, et qui signifie pour moi une extension à toute norme juridique du principe que toute loi adoptée un jour peut être changée ou supprimée plus tard, en considérant par ailleurs ce second principe qui dit que toute autorité émane de la nation.
Il n’y a pas de ferme contradiction entre nous, il y a juste que vous me parlez de ce qui est ; je vous parle de ce qui devrait être.
Je ne nie pas le principe que les traités (leurs clauses) ont valeur juridique supérieure aux lois. J’en déduis par contre que la ratification d’un traité établissant un organe doté de pouvoirs législatifs, exécutifs, et/ou judiciares, avec ses règles de fonctionnement interne, et les règles externes de délégation de pouvoir des nations, est un acte constituant, avec tout ce que cela implique. En particulier, que la nation doit s’assurer qu’elle garde les moyens de changer ses lois souverainement, même si cela passe par l’élaboration de lois à un autre niveau législatif que celui que contrôle directementt le Parlement national.
Ce désaccord que nous avons s’agissant de la prévalence entre un traité et la loi qui le ratifie est symptomatique. Nous n’en sortirons sans doute pas par un débat, mais par une réforme des institutions. Au sens large, faut-il le re-préciser ? Pour moi, la sortie de se paradoxe signifie en particulier que toute instance supranationale reconnue est mentionnée dans la constitution, ses règles internes étant reconnues sans être modifiables (à moins d’une nouvelle modification de la constitution), et les règles de délégation vers cet organe étant aussi et surtout précisées dans la constitution. Et bien évidemment, tout cela doit garantir une cohérence et une continuité démocratique pour être approuvé.
Je n’ai pas le jus de poursuivre ici ce soir, mais je tiens à finir sur cette observation. Pour Hannah Arendt, des instances étant tout à la fois émancipées de l’appareil d’Etat et légitimées par les pouvoirs publics, et étant à même d’édicter des « lois » qui prévalent, s’imposent, sur toutes les lois dans les faits (bien plus qu’au seul sens juridique) sont ce qui s’appelle des pouvoirs totalitaires.
Entre la négation du principe de souveraineté « nécessairement » nationale tel que défini par l’article 3 de la Déclaration de 1789 et le régime totalitaire, il n’y a qu’un pas. Du moins, jusqu’à ce toutes les instances supranationales établies comme pouvoirs publics soient placées sous l’égide de l’ONU, ou à minima, en ce qui nous concerne, que la France retrouve un jour une constitution…
Il me semble tout à fait injuste et dangereux de considérer que la « Constitution » s’arrête au delà du domaine de l’Etat, dans un régime qui tient ses pouvoirs (tyranniques) au delà de ce domaine. L’article 16 de cette même DDHC de 1789 ne re-mentionne pas la « nation » s’agissant de définir par la négative ce qu’est la constitution d’une « société ».