Que doit-on penser des liens d'Étienne Chouard avec les fas et les anti-fas ?

Merci à nlescan et Morpheus. Je renverrai ceux que ça intéresse vers vos textes. Si quelque chose se fait sur Agoravox, tenez-nous au courant s’il vous plaît (je pense d’ailleurs que les deux mériteraient d’y apparaître). A vous lire, on a la preuve évidente de l’intérêt de la participation citoyenne volontaire au politique. Merci encore.

Mon [bgcolor=#FFFF99]article sur l’antifascisme[/bgcolor] est également [bgcolor=#FFFF99]sur Agoravox.fr[/bgcolor] (depuis hier - déjà 100+ commentaires) :

http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/l-instrumentalisation-de-l-137761

Sinon, [bgcolor=#FFFF99]cette interview est très intéressante également.[/bgcolor] Je ne connaissais pas [bgcolor=#FFFF99]Francis Cousin[/bgcolor], il a l’air très intéressant (proche d’Étienne dans sa manière d’envisager le débat, y compris avec ses opposants politiques).

Salut les GV

nlescan tu n’aurai pas un lien (autre par que sur le PlanC - Juste par esprit stratégique) vers une page regroupant l’ensemble de ton travail ci-dessus ? Afin de le poster sur le forum de Taddei. (Les liens ne passant pas avec un simple copier/collé de tes textes)

1) Je tiens à exprimer ma gratitude à nlescan pour son travail. Nlescan, je commençais à douter, avec tous ces sites qui sont repris et ces gens qui hésitent ou dénigrent Étienne Chouard. Mais tout bien observé [b]grâce à ton travail[/b], Étienne Chouard tend bien plus à argumenter, débattre, dialoguer, analyser, discriminer les positions des personnes avec qui il débat, en quelque sorte à augmenter le niveau de conscience des gens qu'à promouvoir des solutions non-débattues par la population. Il fait donc objectivement reculer les idées s'apparentant au fascisme.
ça fait plaisir, c'est le but, tu auras remarqué que je ne lui fais pas de cadeaux au Etienne, ce n'est pas un article de complaisance, je suis dans une démarche 100% objective, après ça reste mon point de vue bien sûr.

Patrick, je vais essayer de mettre un lien ici avec un fichier open office mais je n’ai pas encore terminé, je sais que ça ne se voit pas mais je fignole avant de tenter de le poster sur Agoravox, ces jours-ci je vais moins pouvoir bosser vu que mon week-end est derrière moi, mais ça devrait se faire vite, j’ai aussi besoin de faire relire à ma copine qui écrit mieux que moi et je veux le feu vert de Étienne aussi car l’article est assez polémique et je mets en cause certains de ses avis, je veux quand même que ça lui serve et pas lui causer encore plus d’emmerdes.

Si si, je te rassure ton fignolage se voit :slight_smile: En tout cas, joli travail. Idem pour Morpheus.

Précisions sur l’article de Morphéus : « Instrumentalisation de l’anti-fascisme »

Je ne suis pas d’accord avec le chapitre « Qui sont les fascistes aujourd’hui » de l’article de Morphéus présent sur le site « Le Cercle des Volontaires » et sur le site Agoravox car il ne spécifie que les USA et Israël comme menant une politique « fasciste » et étant « fascistes » alors que

  1. le fascisme n’existe plus, il n’est pas pertinent d’utiliser ce mot parce que sa réalité appartient au passé, le présent n’est pas la simple répétition du passé, nous ne pouvons parler que de post-fascisme, d’autoritarisme, de tyrannie, de méthodes autoritaires …

  2. d’autres pays sont loin de mener des politiques exemplaires en matière de respect des souhaits de la population et de respect de l’intégrité physique de leurs habitants

  3. le fait qu’il n’est pas fait clairement entre l’opposition au sionisme et l’anti-sémistisme dans cet article

Jacques,

Je ne suis pas d’accord avec vous : il y a un sens du mot « fascisme » qui nous serait bien utile — encore aujourd’hui, et pour les mêmes raisons qu’hier — pour identifier un véritable ennemi de classe (les 1% les plus riches, absolument sans pitié pour contraindre les 99% aux travaux forcés) qui s’apprête d’ailleurs ces temps-ci à nous voler au dernier degré ; c’est celui que définit bien Henri Guillemin et que je partage complètement :

[bgcolor=#FFFF99]Henri Guillemin : LE FASCISME EN FRANCE[/bgcolor]
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2012/06/01/225-henri-guillemin-le-fascisme-en-france

Je vous recommande la lecture de ce billet, et la lecture du livre
[bgcolor=#FFFF99]de Guillemin « Nationalistes et nationaux la droite française de 1870 à 1940 »[/bgcolor]
http://www.utovie.com/catalog/histoire/nationalistesetnationauxladroitefranaisede1870a1940-p-228.html?osCsid=b4b6e41c361a0029e20c2b86c4c587f1

Amicalement.

Étienne.

A propos, je suis toujours sur le job de transformer mon post en article. Comme je souhaite lui donner un aspect plus « serieux » je le fais relire et corriger par ma compagne qui est enseignante et qui écrit bien mieux que moi et de façon académique…

Je présente mes excuses pour mon extrême lenteur… mais ça arrive.

2) Où commence le fascisme ?
Historiquement le terme désigne les "[url=http://fr.wikipedia.org/wiki/Faisceaux_italiens_de_combat]Faisceaux italiens de combat[/url]" (premier nom du Parti National Fasciste) et fait référence aux "Faisceaux d'action internationaliste", où faisceaux est synonyme de "ligue".

Le programme des Faisceaux :

* Pour le problème politique : o 1. Le suffrage universel avec représentation proportionnelle, le droit de vote pour les femmes. o 2. La suppression du Sénat o 3. La convocation d'une assemblée constituante. o 4. Création de Conseils nationaux techniques.
* Pour le problème social :
      o 1. La journée de huit heures de travail.
      o 2. Un salaire minimum.
      o 3. La participation des représentants des travailleurs au fonctionnement technique des entreprises.
      o 4. Retraite à 55 ans.

* Pour le problème militaire :
      o 1. Le remplacement de l'armée permanente par une milice nationale défensive.
      o 2. Nationalisation de toutes les fabriques d'armes et de munitions.
      o 3. Politique extérieure nationale tendant à valoriser, dans une émulation pacifique des peuples civilisés, la Nation italienne dans le monde.

* Pour le problème financier :
      o 1. Impôt massif sur le capital, ayant le caractère d'une expropriation.
      o 2. La confiscation des biens de l'Église. Révision de tous les marchés de guerre avec prélèvement de 85 % sur les bénéfices.</blockquote>

On peut légitimement considérer ce programme (que peu d’entre nous, et surtout pas Étienne, renieraient) comme essentiellement du baratin électoraliste (quoiqu’une partie a effectivement été mise en œuvre).

En fait,

[bgcolor=#FFFF99]La base de la doctrine fasciste est la conception de l'État. Pour le fascisme, l'État est un absolu en face duquel l'individu et les groupes sont le relatif. Sans l'État, il n'y a pas de nation. Pour le fasciste tout est dans l'État[/bgcolor] et rien d'humain et de spirituel n'existe hors de l'État, pas d'individus, pas de groupes […] l'État fasciste s'attribue aussi le domaine économique. Le corporatisme dépasse le libéralisme, il crée une nouvelle synthèse où tous les intérêts sont conciliés dans l'unité de l'État.
Et ça, par contre, c'est clair, net, précis, sans ambiguïté, et parfaitement clivant, quoique absolument pas sur un schéma droite-gauche.
Accusez vos adversaires de fascisme, le temps qu’ils se justifient, vous avez tout le loisir de leur porter de nouvelles attaques.
Les fascistes de demain s'appelleront eux-mêmes antifascistes.
Comment reconnaître l'ennemi ? Voici quelques critères de base permettant à coup sûr de reconnaître l'ennemi. L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi, alors que c'est lui ! J'en ris encore !

Frederic Lordon lirait il le forum du plan C ?

[bgcolor=#FFFF99]La colorimétrie des demi-habiles ne connaissant que deux teintes[/bgcolor], toute mise en cause de l’Europe, fût-elle rendue au dernier degré du néolibéralisme, est le commencement d’une abomination guerrière, toute entrave au libre-échange est la démonstration manifeste d’une xénophobie profonde, toute velléité de démondialisation l’annonce d’un renfermement autarcique, tout rappel au principe de la souveraineté populaire la résurgence d’un nationalisme du pire, tout rappel au principe de la souveraineté populaire en vue d’une transformation sociale, la certitude (logique) du… national-socialisme, bien sûr ! [...]

Le pire cependant tient au fait que ces imputations, où le grotesque le dispute à l’ignoble, font sentir leurs effets d’intimidation jusque dans la gauche critique, terrorisée à l’idée du moindre soupçon de collusion objective avec le FN, et qui se donne un critère si bas de cet état de collusion que le moindre regard jeté sur une de ses idées par les opportunistes d’extrême droite conduit cette gauche à abandonner l’idée – son idée – dans l’instant : irrémédiablement souillée. […]

Vivent les anti-fas!
Depuis les années 80 et le machiavélisme miterrandien, le Front National n’est pas un parti mais plutôt un moyen pour les autres de gouverner par la polarisation simplificatrice. Si le Front soutient telle idée, honte à tous ceux qui la défendent car ils sont forcément aussi des affreux. Mais cet effet polarisant et lénifiant est sans doute révélateur avant tout de la médiocrité intellectuelle d’une France médiatique coupable de la collaboration, coupable de son soutien au communisme soviétique, coupable de la colonisation, de la décolonisation et ayant abandonné la complexité aux seuls qui ne se sentent coupables de rien, les intellectuels sionistes qui, doucement, ont réussi à faire taire l’opposition et la nuance par leur omniprésence dans tous les médias. Ces anti-fas ne m’apparaissent donc que le résidu de la médiocrité dont les citoyens ont accepté qu’on les gave pour se construire des certitudes confortables, certitudes qui permettent avant tout de poursuivre le développement individuel égotique vendu par des marchands qui sont parvenus dans ces conditions à faire de l’hédonisme matérialiste et reclus un idéal civilisationnel, même s’il nous voue à la frustration systématique vu qu’il souffre de n’avoir qu’un seul moteur, l’envie, défendue par la DUDH.
Par conséquent, et si seulement quelques bribes de mon raisonnement s’avéraient pertinentes, les anti-fas qui tracassent Etienne et tant d’autres nous permettent d’estimer l’étendue des dégâts et donc les efforts réels nécessaires pour réintroduire de la complexité et du dialogue dans nos sociétés. Les anti-fas sont les garants du système que nous dénonçons et de pouvoir les reconnaître est un réel progrès dans notre démarche qui, il y a peu encore, ignorait l’essentiel de ses opposants. Car si on se doutait que ce ne serait pas facile, on ne savait pas très bien d’où les emmerdes pourraient venir. C’est fait. Vivent les anti-fas!

Citoyens responsables certes, mais non-coupables.

Je suis globalement d’accord avec l’analyse, mais un peu moins avec le passage suivant :

… les citoyens ont accepté qu'on les gave pour se construire des certitudes confortables, certitudes qui permettent avant tout de poursuivre le développement individuel égotique vendu par des marchands qui sont parvenus dans ces conditions à faire de l'hédonisme matérialiste et reclus un idéal civilisationnel, même s'il nous voue à la frustration systématique vu qu'il souffre de n'avoir qu'un seul moteur, l'envie …
Je ne sais ce qu'il en est au Maroc, ici dans l'eurozone, ce n'est pas accessible directement à l'entendement, il faut travailler les textes UE pour bien analyser ce qui en découle, mais je peux t'assurer que les règles de l'eurozone forcent à l'anti-solidarité, à l'égoïsme, et qu'on est assez vite liquidé du jeu si on fait le bisounours quand ici on nous impose de jouer selon les règles du Monopoly.

Les citoyens les plus pauvres, si ils veulent survivre matériellement dans la société telle qu’elle est organisée ici, doivent jouer selon les règles du jeu imposé. Règles du jeu qui forcent de plus en plus* à se comporter en « homo economicus » selon les eaux glacées du calcul égoïste***.

Règles du jeu, je suis gentil, il s’agit plutôt d’une discipline de fer, voir en Grèce, au Portugal et en Espagne.

  • Avec les traités de libre-échange qui étendent constamment leur emprise, la libre circulation des capitaux, c’est à dire l’accroissement sans limites de la mise en concurrence des travailleurs du Monde entier, l’indépendance des banques centrales vis à vis des citoyens, les coups d’États européens successifs, la monnaie unique, les plans de soit-disant sauvetage qui entraînent le recul des salaires et des pensions, le report de l’âge de la retraite, le licenciement des fonctionnaires ( les fonctionnaires sont toujours chargés par principe d’une tâche nécessaire à la collectivité, le licenciement de fonctionnaires implique toujours le recul du collectif au profit de l’égoïsme )et le non respect des référendums qui entraînent l’évaporation lente de la solidarité de l’État-providence et la montée de l’égoïsme.

*** La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire.

Partout où elle a conquis le pouvoir, elle a foulé aux pieds les relations féodales, patriarcales et idylliques. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses « supérieurs naturels », elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité petite-bourgeoise dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce.

Bien que parfois je peste :« Quel facho celui-là ! », le fascisme ne reviendra plus, par contre des dominations dont les politiques reprennent certains traits du fascisme sont déjà en place. Ces dominations ne peuvent pas activer toutes les politiques économiques du fascisme ( notamment les aspects concernant les relances de l’économie selon les principes keynésiens ) car la fixité des changes des monnaies ( à part dans la zone euro ), le contrôle de la circulation des capitaux, les droits de douanes ont disparus. Mais elles en en activent d’autres.

Je souhaiterais répondre aux questions du premier message par une autre question : pourquoi débattre du fait qu’Etienne Chouard soit fasciste ou pas ?

Apparemment, certains détracteurs d’Etienne Chouard l’accusent d’être fasciste. Soit. Chercher à contredire cette accusation me semble jouer le jeu de ces détracteurs. C’est à dire à déplacer ce qui est un réel débat d’idées vers une querelle stérile.

Car il est bien plus facile de lancer des accusations stériles que de débattre du fond du problème :

  • l’aristocratisme de nos institutions ;
  • l’absence complète d’un quelconque pouvoir du peuple ;
  • l’accentuation de toutes les inégalités ;
  • l’absence de responsabilités de nos élus et le manque cruel de contrôle de ceux-ci ;
  • etc. etc.

Etienne Chouard propose ce qu’il lui semble être une solution à tout cela, et c’est ici que se situe le débat.

@Jacques Dupontel: J’ai rétabli ma réalité géographique. Ta réponse nous amène sur la seule partie de mon post qui n’est pas en rapport avec le fil de discussion mais pour faire très court: tant que nous nous persuaderons que nous ne sommes pas responsables de ce qui nous arrive et que quelques uns ordonnent d’en haut, l’oligarchie en place n’aura aucun souci à se faire. Au contraire, le Plan C se sert du tirage au sort pour inciter tout le monde à reprendre le pouvoir sur le politique et pour en finir avec l’apathie consentante du moment. Il ne me semble pas nécessaire d’être grand clerc pour comprendre le paradoxe qui consiste par exemple à toujours réclamer les prix les plus bas et la protection du pouvoir d’achat national tout en regrettant les fermetures d’usines et les délocalisations.

@NicolasEC: nul ici ne débat pour savoir si Etienne est un fasciste ou pas. On le fréquente depuis assez longtemps pour trouver cette question ridicule et le fond du problème que vous énoncez est débattu sur les milliers de pages du présent forum plus bien d’autres encore. Maintenant, les campagnes de dénigrement et les procès en sorcellerie dont il est l’objet sur la toile sont révélateurs d’une situation qu’on essaie ici d’interpréter.

Le problème est vieux comme le monde et les précédentes interventions ne laissent aucun doute sur la teneur du présent débat. Morpheus et nlescan ont par exemple produit deux papiers sérieux et utiles à un échange qui s’essaie vaille que vaille à dépasser le rase-mottes. Les derniers posts de Lanredec pareil. Du coup, je me sens coupable maintenant que mon intervention vous amène l’un et l’autre à ignorer les efforts fournis par chacun afin de pouvoir exprimer votre seul sentiment personnel. En plus, de vous le dire, je vais friser l’outrage et on n’est pas prêt de reparler du sujet du fil. Dommage, pour une fois que j’étais parvenu à faire pas trop long.

Dommage, pour une fois que j'étais parvenu à faire pas trop long.
Ouais tu fais des progrès :cool:
[...] ayant abandonné la complexité [...]
Merci David. C'est exactement le point focal du débat. Edgar Morin dirait le point focal de tous les débats. Ce que Lordon exprime de façon plus poétique par ses "demi-habiles ne connaissant que deux teintes". En politique (au sens noble) il n'y a que des [url=https://fr.wikipedia.org/wiki/Continu]continus[/url], pire, il n'y a pas d'uni-dimensionnalité (même sur les critères apparemment les plus simples), même pas de [url=https://fr.wikipedia.org/wiki/Relation_d%27ordre]relation d'ordre[/url], même pas de [url=https://fr.wikipedia.org/wiki/Transitivit%C3%A9_%28math%C3%A9matiques%29]transitivité[/url]. Les [url=https://fr.wikipedia.org/wiki/Relation_d%27%C3%A9quivalence]classes d'équivalence[/url] sont utiles pour établir une carte du monde, mais la carte n'est pas le territoire.

D’accord avec toi Lanredec et avec Morin bien sûr. Le refus du complexe qui nous frappe est certainement une des principales causes de la crise civilisationnelle actuelle. Maintenant, j’essaie de l’exprimer de façon plus simple par la paresse ou le refus des efforts nécessaires à la compréhension du complexe. Le droit acquis par chaque individu de s’exprimer a accouché d’une conséquence perverse qui est le droit de chaque individu à s’exprimer même s’il n’a absolument rien à dire.

« Le Libertaire […] La droite le récuse parce qu’il est de gauche ; la gauche le refuse parce qu’on le classe à droite quand il affirme préférer une vérité de droite à une erreur de gauche. » Michel Onfray

http://mo.michelonfray.fr/chroniques/la-chronique-mensuelle-de-michel-onfray-n-98-juillet-2013/

[b]La chronique mensuelle de Michel Onfray | N° 98 – Juillet 2013[/b]

HEURS & MALHEURS DU LIBERTAIRE

Se dire libertaire est assez facile, tâcher de vivre en libertaire s’avère plus difficile. Non pas que cette éthique pratique (ou cette pratique éthique…) soit irréalisable, au contraire, c’est relativement facile, il suffit de commencer un jour, mais parce qu’aux yeux d’autrui, pour qui la liberté est la chose du monde la moins bien partagée, mieux valent toujours un mythe, une fiction, une légende, un catéchisme, une religion, même athée, une fable, un conte, (pourvu que tout cela dispense de penser par soi-même et de faire face directement au réel), qu’une vérité qui trouble et met chacun face à soi-même, en demeure de « se construire liberté » pour utiliser une expression de Nietzsche. Dès lors, pour ceux qui n’ont pas construit leur vie selon ce principe, une vie libertaire vaut comme un reproche vivant à leur vie de servitudes volontaires.

Le libertaire veut une vie dans laquelle un maximum de liberté puisse être vécue sans que ce projet existentiel coûte à autrui en désagrément. Si l’autre se construit des châteaux de servitudes inhabitables quand on prend soin de lui proposer une chaumière libertaire habitable, c’est son affaire, il ne tient qu’à lui de se souvenir des termes du contrat. On stigmatise souvent la cruauté ou l’égoïsme du libertaire qui préserve sa liberté pour éviter de mettre en question sa propre cruauté ou son propre égoïsme. On sait que l’égoïste définit souvent celui qui ne pense pas assez à nous…

En matière religieuse, le libertaire est athée. Dès lors, il a contre lui tous les dévots : le Juif le traite d’antisémite, le Chrétien lui reproche son goût du blasphème, le Musulman stigmatise sa prétendue islamophobie. On peut préférer la liberté à n’importe quel dieu sans insulter ceux qui croient à leurs divinités. Le libertaire traite à égalité toutes les croyances là où le croyant se contente d’être lucide sur la religion des autres, qu’il aborde avec une raison qui lui fait défaut pour la sienne, mais se met en colère quand on utilise sa logique à l’endroit de sa propre fiction. Il a également contre lui les Francs-maçons ou les tenants d’une dite Libre Pensée souvent enfermés dans leurs propres catéchismes récités avec componction.

Sur le terrain politique, le libertaire se soucie plus de vérité et de justice que de droite et de gauche – même si, dans l’histoire, la droite a moins souvent fait que la gauche pour la justice sociale… Dès lors, il a également contre lui tous les tenants du catéchisme idéologique de gauche et tous les dévots de la religion pragmatique de droite. La droite le récuse parce qu’il est de gauche ; la gauche le refuse parce qu’on le classe à droite quand il affirme préférer une vérité de droite à une erreur de gauche.

Le libertaire se garde de toutes les tribus construites sur la classe sociale, le sol natal, le sang du lignage, la caste institutionnelle, la secte religieuse, l’appartenance politique sur le papier, la préférence sexuelle, l’esprit de corps, la profession… Toutes les communautés tribales, repliées sur elles-mêmes, élitistes et électives, actives en promotion du même et en éviction du dissemblable, intrigantes et utiles à leur propre promotion, le voient d’un mauvais œil – toujours parce que la vie solaire du libertaire vaut comme un reproche vivant à la vie en meute. Diogène, Aristippe, La Boétie, Nietzsche, Thoreau, Proudhon, Camus sont dans son arbre généalogique. Il n’en changerait pour rien au monde…

Michel Onfray

Patrick, en ce qui concerne Michel Onfray, je préfère son article de mai 2013 à celui de juillet. Dans celui de juillet, il récuse toute appartenance à quelque collectif que ce soit, c’est un peu excessif parce que sans collectif, sans interlocuteurs impossible de débattre de quoi que ce soit.

La majeure partie de son article de mai 2013:

« La factrice sonne à la porte. J’ouvre. Elle tient dans les mains le courrier du jour. Sur la pile, une enveloppe avec un logo : les trois couleurs, le visage de Marianne, la devise « Liberté, Egalité, Fraternité », puis « République française ». Je signe le recommandé…

Pourquoi faut-il que je sursaute systématiquement en associant chaque fois ce genre de lettre au Père Fouettard ? Mon permis à unités rationnées est-il amputé ? Si oui, de combien de points, et pourquoi ? Ai-je roulé à 35 kilomètres heures dans un quartier d’Argentan limité à 30 ? L’administration des impôts m’annonce-t-elle un autre contrôle fiscal ? Va-t-elle exiger de moi le chèque de la taxe d’habitation ou celui des impôts locaux qu’elle n’aurait pas reçu ? Ai-je oublié de régler la redevance télévisuelle ? Je tremble…

Je songe alors à Hobbes, que j’avais mal compris lorsque je le découvrais à l’université parce qu’il passait pour le philosophe de l’absolutisme monarchique et qu’en vertu d’un lieu commun toujours d’actualité on l’opposait à Rousseau, le prétendu penseur du contrat social démocratique…

Hobbes pense la politique à partir de l’anthropologie en général et de la peur en particulier. Pour lui, dans l’état de nature, l’homme est un loup pour l’homme. La peur de succomber sous les coups du plus fort, ou sous ceux des mieux ligués, terrorise les hommes qui inventent le contrat social pour conjurer cette inquiétude : ils renoncent à leur pouvoir individuel de nuire au profit d’une sécurité offerte par la société ainsi constituée. Autrement dit : le renoncement à la liberté individuelle est le prix à payer pour vivre en paix. Mais Hobbes ajoute que si ce renoncement n’est pas contrebalancé par l’obtention de cette quiétude qu’une société ne saurait offrir, chacun est en droit de reprendre ce qu’il a donné. Ce qui change tout : en cas de non respect du contrat par la société, l’individu a le droit de reprendre sa liberté.

Je vois partout autour de moi renoncement contractuel et presque nulle part obtention d’une sécurité, d’une paix, d’une quiétude, d’une sérénité. Toute la construction européenne s’est faite sur ce principe : le renoncement à une part de la souveraineté française devait générer paix, sécurité, prospérité, emploi. Je n’y ai pour ma part jamais cru et ne suis jamais tombé dans ce piège. Aujourd’hui, chacun voit ce qu’il a perdu (le pouvoir de mener une politique choisie par le peuple souverain) et n’ignore pas ce qu’il a gagné (fonctionnarisation, administration, bureaucratisation, proscriptions, réglementations, interdictions, guerres au nom des droits de l’homme, chômage de masse, insécurité sociale, précarisation généralisée, etc…).

Cette lettre qui me saute au visage dit tout cela : l’omniprésence de la police d’État, sous prétexte de République, et l’inexistence de nouvelles positives portées par la République qui me feraient la chérir, aimer le contrat social et vouloir embrasser Marianne sur la bouche…