Implication des tirés au sort ?

Parmi les différentes idées circulant quant à l’application du tirage au sort, toutes ou presque impliquent désormais la notion de filtres, soit avant le tirage au sort (parrainages, élections, recommandations), soit après (révocabilité, rédition, ostracisme, examen de capacités et surtout contrôle permanent du tiré au sort par des citoyens dont il n’est que le factotum).
À partir du moment où le tiré au sort n’est que l’appliquant d’une assemblée citoyenne qui organise le pouvoir collectif depuis la commune ou le département où il se réunit et que le mandat du tiré au sort est impératif, le pouvoir dont dispose le tiré au sort peut/doit alors être décisionnel. Alors il me semble que l’implication des tirés au sort n’a guère d’importance mais plutôt celle des citoyens assemblés qu’il représente et surtout leur nombre.
Serons-nous assez à faire les efforts nécessaires à l’usage du pouvoir politique? Il me semble que toute réponse a priori est foncièrement malhonnête, en plus d’essayer de protéger la branche malade de consanguinité des pouvoirs actuels, et qu’il nous faut donc aujourd’hui organiser des rassemblements citoyens pour en tirer des conclusions objectives. D’elles naîtront les modalités d’application du tirage au sort s’il devait finalement être retenu et on se moquera bien alors de savoir qui les avait envisagées a priori, au même titre qu’on ne porte aucune admiration particulière à un gagnant à la loterie.

« À partir du moment où le tiré au sort n’est que l’appliquant d’une assemblée citoyenne qui organise le pouvoir collectif depuis la commune ou le département où il se réunit et que le mandat du tiré au sort est impératif, le pouvoir dont dispose le tiré au sort peut/doit alors être décisionnel. Alors il me semble que l’implication des tirés au sort n’a guère d’importance mais plutôt celle des citoyens assemblés qu’il représente et surtout leur nombre. »

Le tiré au sort (ou l’élu) lié par un mandat impératif n’est pas un décideur. Ou plus exactement, ce serait un fonctionnaire qui prendrait des décisions administratives relevant à tout moment de la voie hiérarchique. Et qui exercera le pouvoir hiérarchique ? L’assemblée des citoyens ? Ça me paraît irréalisable. L’assemblée citoyenne aurait non seulement à organiser le pouvoir collectif mais aussi à gouverner, ce qui ne peut pas se faire à 45 millions et à peine mieux à 500. JR

C’est pourtant clair ce qu’il écrit Dehel, même moi je comprend. Des tirés au sort avec mandats impératif de leurs assemblées de base, qu’est ce qui vous échappe ? Ca ressemble au système d’Athènes.

Quelle serait la portée du mandat impératif selon vous ? Est-ce que vous connaissez un cas où ça fonctionne ? Comment le feriez-vous fonctionner dans le cas d’une assemblée tirée au sort ?

Pourriez-vous nous dire comment ça fonctionnait à Athènes ?

Je suis sûr qu’après vos explications tout deviendra clair, mais pour le moment je ne comprends toujours pas. JR

Et bien quand il faudrait traiter une question dans l’assemblée des tirés au sort , chaque tirés au sort irait exposer cette question devant le dème auquel il appartient ( son assemblée communale par exemple) et porterait cette position devant l’assemblée des tirés au sort.

Et l’heure est aujourd’hui à la constitution de ces dèmes afin d’entamer l’expérience démocratique. Des ateliers constituants se forment donc en ce moment même ici et là en France, des listes de candidats aux élections européennes avec un représentant tiré au sort et travaillant de concert avec sa liste, une liste candidate à Chambéry pour remettre à l’endroit le mot démocratie et des cyber-groupes avec des outils d’échange adaptés. L’idée démocratique se propage et en même temps se définit. Comme disait l’autre, une idée ça ne s’arrête pas.

Salut à tous :slight_smile:

• Je dis sans cesse que, si nous décidions de tirer au sort une assemblée LÉGISLATIVE, ce serait [bgcolor=#FFFF99]une première[/bgcolor] dans l’histoire des hommes (JAMAIS, à ma connaissance, les humains n’ont tiré au sort leurs législateurs ; à Athènes, ce n’était pas les tirés au sort qui votaient les lois mais les citoyens eux-mêmes), et qu’on devrait donc faire particulièrement attention sur ce sujet (au moins y aller progressivement, par exemple avec une chambre sur deux tirée au sort).

• Je dis par contre, comme Jacques, d’ailleurs, que le tirage au sort des institutions de CONTRÔLE (de TOUS les pouvoirs) et de JUGEMENT est presque non négociable tellement c’est clairement l’antidote qu’il faut aux hommes contre les tricheries politiques de tout poil.

• Pour ce qui concerne le tirage au sort de l’assemblée CONSTITUANTE, l’expérience (formidable) de la Colombie Britannique me satisfait pleinement et me renforce dans mon intuition première : c’est possible, c’est nécessaire, et ça va très bien marcher. Avec peut-être cette réserve (qui s’est imposée à mon esprit lors de la catastrophe institutionnelle en Tunisie) qu’il faudra sans doute contrôler AUSSI cette Assemblée constituante tirée au sort : avec une deuxième chambre (elle aussi tirée au sort) mais dont le mandat sera de seulement contrôler que tout se passe comme prévu dans l’acte de convocation de l’AC : reddition des comptes fréquente, publicité des débats, possibilité d’interpeler les constituants, interdiction pour les constituants de recevoir en secret les banques et les lobbies, référendum à l’issue du travail (et peut-être même PENDANT le travail constituant), etc.

Bien à vous tous :slight_smile:

Étienne.

Bonjour, Étienne.

Une correction, si vous permettez : je n’ai jamais été favorable au tirage au sort des institutions de jugement.

À mon avis les juges professionnels sont beaucoup mieux placés que les tirés au sort pour rendre des décisions à la fois justes et humaines (je parle du droit pénal : en matière civile, la question ne se pose même pas – qui voudrait faire juger de son divorce par des tirés au sort ?).

Il est exact que dans le système français actuel, où les juges de cour d’assises siègent et délibèrent avec les juges professionnels, les résultats sont très généralement ceux que l’on attendrait d’une juridiction composée uniquement de professionnels ; du moins, c’est ce que j’ai entendu dire à des juges. Ailleurs, je demande à voir : par exemple, je n’aurais pas aimé (en tant que Français) être jugé par un jury new yorkais opérant indépendamment des juges à l’époque de l’affaire d’Iraq – hypothèse un peu baroque, mais on n’aurait pas de mal à trouver des décisions de jury scandaleuses et bien réelles aux États-Unis, dans un sens ou dans l’autre.

Se souvenir qu’à ses origines le jury n’est pas une institution démocratique mais une institution féodale. Et si l’on tient à le considérer comme une institution démocratique, alors il faut se demander si cette institution ne serait pas contraire au principe de séparation des pouvoirs (intervention du législateur suprême – le peuple, représenté par le jury – dans les opérations du pouvoir judiciaire).

Puisque nous y sommes, cette anecdote : un Français de ma connaissance avait été attaqué par un drogué dans le hall de son immeuble à New York alors qu’il essayait d’ouvrir la porte intérieure. Un avocat lui a proposé d’actionner le propriétaire en dommages-intérêts pour mauvais fonctionnement de la serrure, en jouant sur le fait que son accent français lui attirerait la sympathie des jurés (c’était avant 2003…). Comme on le voit, il y a du vrai dans les séries télévisées !

Par contre, l’organisme de contrôle tiré au sort devrait pouvoir observer aussi le fonctionnement de tous les tribunaux (pas seulement de la cour d’assises) en y déléguant des observateurs « populaires » (en assises, ils remplaceraient le jury de jugement actuel).

Pour ce qui est de l’expérience de la Colombie britannique en matière d’assemblée constituante, je ne nie pas les vertus éducatives du tirage au sort, mais la raison d’être d’une assemblée constituante n’est pas d’éduquer ses membres, tirés au sort ou élus : elle est de produire un texte jugé acceptable par le peuple. Or je crois me rappeler que le projet finalement soumis au référendum par cette assemblée de tirés au sort a été rejeté. Si c’est le cas, il illustrerait une grande difficulté du tirage au sort : le risque de moindre compétence (par rapport aux élus) des tirés au sort, ou plus vraisemblablement le fait qu’une assemblée tirée au sort peut très bien ne pas refléter la volonté politique réelle des citoyens (quoi de plus surprenant, si elle est composée au hasard ?). C’est pourquoi il faut utiliser le tirage au sort pour pourvoir à des fonctions mécaniques exigeant seulement bon sens et honnêteté, et pas pour pourvoir à des fonctions décisionnelles engageant les citgoyens, comme de voter la loi.

Je vois avec plaisir que nous nous rapprochons sur la question d’un organisme citoyen de contrôle des pouvoirs tiré au sort, mais ma conviction reste que cet organe ne doit pas avoir la forme une chambre faisant partie du système institutionnel : il devrait se présenter comme un mécanisme extérieur indépendant, fondé sur l’initiative des citoyens de base, ce qui serait en pratique beaucoup plus efficace en même temps que plus démocratique, si l’on admet que toute institution a en priorité le souci de sa conservation.

Amicalement. Jacques

http://www.cndp.fr/archive-musagora/citoyennete/citoyennetefr/citoyens-vie-judiciaire.htm

J’aurais dû en effet rappeler que l’Héliée (essentiellement un tribunal pénal) était tirée au sort à partir d’un pool de 6 000 citoyens.

Mais ce n’est pas là l’origine véritable du jury moderne : il faut plutôt la chercher au XIIIème siècle dans la Magna Carta anglaise… et même dans les procédures de l’Inquisition, à Toulouse.

Jury mis à part, j’en reste (opinion personnelle) au rejet absolu de tout tribunal populaire. Un tribunal populaire n’est pas un tribunal mais une grossière intervention de l’opinion publique dans l’administration de la justice. (Même à Athènes l’Héliée était présidée par un magistrat.) JR

Mais ce n'est pas là l'origine véritable du jury moderne : il faut plutôt la chercher au XIIIème siècle dans la Magna Carta anglaise... et même dans les procédures de l'Inquisition, à Toulouse.
Vous avez des sources ? C'est quand même une origine assez éloignée. En fait ce sont les origines entre autres d'une bonne part de toute la politique moderne et de toute la justice moderne. Donc, effectivement, en ce sens, on peut dire ... comme on peut aussi dire sans grand risque de se tromper que Charlemagne est votre (ou mon) ancêtre, sans que ça disqualifie Aristote dans cette fonction, et sans que ça apporte quoi que ce soit à la compréhension de votre (ou mon) caractère.

Les origines du jury

lanredec, voyez http://fr.wikipedia.org/wiki/Jury (français), http://en.wikipedia.org/wiki/Jury (anglais), et les références qui y sont données.

Il y a risque de confondre « jury » et « tribunal populaire ». L’Héliée athénienne ne fonctionnait pas sur la base du jury, mais du tribunal populaire : on tirait au sort des juges, pas des jurés. C’est pourquoi je pense qu’en effet on doit faire remonter le système du jury au sens propre à l’époque médiévale plutôt qu’à la Grèce.

Pourquoi le système du tribunal populaire me paraît-il mauvais ? Parce qu’il est contraire au principe de la séparation des pouvoirs : en vertu de ce principe, le législateur (le peuple) ne devrait pas se faire le juge de l’application de la loi aux cas particuliers.

Cependant il est vrai que des « juges populaires » tirés au sort ne sont pas le peuple – ni même des représentants du peuple : le peuple, c’est l’ensemble des citoyens quand ils expriment la volonté générale, c’est-à-dire quand ils votent. JR

Il est pourtant écrit partout que L’Helée est le système où l’on tirait au sort des JURÉS. Je ne vois pas la distinction que vous y faites avec les jurys.

lanredec, voyez [...] http://en.wikipedia.org/wiki/Jury (anglais),
Relisez le § Historical roots ;)
Pourquoi le système du tribunal populaire me paraît-il mauvais ? Parce qu'il est contraire au principe de la séparation des pouvoirs : en vertu de ce principe, le législateur (le peuple) ne devrait pas se faire le juge de l'application de la loi aux cas particuliers.
Mon sentiment est que la DUDH (articles 10 et suivants), le bon sens et nombre de débordements historiques vous donnent raison sur la valeur du tribunal (strictement) populaire (sauf à bâtir une usine à gaz), mais que la raison que vous invoquez pèche par le fait que la [url=http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9paration_des_pouvoirs]séparation des pouvoirs[/url] est un principe de représentation, et ne s'applique donc pas au peuple lui même. D'ailleurs ce principe, n'est que ça, un principe (inventé par Siéyès sur une lecture biaisée de Montesquieu) qu'on peut adopter strictement (ce qui est risqué : ça ne marche qu'en absence de conflit, et c'est essentiellement en cas de conflit qu'il est nécessaire d'avoir une organisation qui fonctionne), plus ou moins souplement ou pas du tout.

Et bien nous divergeons sur ce point. Il me plait d’imaginer que nous pourrions avec les tribunaux populaires créer des lieux de démocratie, de débats de responsabilités.
Mais aussi nous pourrions concevoir, que ces tribunaux populaires ne soient que la juridiction ultime d’appel ou bien que les tribunaux populaires soient la voie ordinaire pour tous conflits impliquant les pouvoirs publics conre un particulier.

Et bien nous divergeons sur ce point. Il me plait d'imaginer que nous pourrions avec les tribunaux populaires créer des lieux de démocratie, de débats de responsabilités.
Jetez un œil à [url=http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/chiffres-cles-de-la-justice-10303/]ces chiffres[/url]. Ils sont énormes, pas du tout à la portée de la démocratie directe, même en les divisant par 10000 pour se ramener à ce que seraient les statistiques d'un tribunal communal. Au mieux ça relève de la démocratie représentative. Et pour que les représentants (fussent ils tirés au sort) représentent bien le peuple il faut leur donner des directives permanentes. C'est le corpus de lois. Mais lui aussi est énorme. Même sous un régime de droit coutumier (quand la coutume de Bretagne a été mise par écrit au XIVe, elle comportait 355 chapitres). C'est totalement hors de portée d'un amateur. Le tribunal doit donc au minimum s'appuyer sur des professionnels, le peuple ne peut y être présent (hormis par la loi, qui est censée exprimer la volonté du peuple) que sous forme de jury à compétences limitées. C'est bien dommage mais c'est la conséquence inévitable du processus qui a démarré il y a 10 000 ans. L'alternative c'est l'arbitraire.

Si, si en les divisant par 10 000 ( à fortiori par 36 000 ) on a des ordres de grandeur tout à frait acceptables même pour de modestes communes.
Un tribunal populaire peut tout à fait consulter un expert à l’occasion.
J’imagine bien un système de tirage au sort annuel pour des mandats de trois ans renouvelables par tiers, un roulement qui donnerait la place à l’expérience.
Des lois claires, autant qu’il peut en rentrer dans une tête ordinairement constitué, et une justice populaire ( peut être juste une justice de grâce ) sera le meilleur pilier d’une démocratie.

Il est pourtant écrit partout que L'Helée est le système où l'on tirait au sort des JURÉS. Je ne vois pas la distinction que vous y faites avec les jurys.
Non : voyez par exemple http://philo-lettres.fr/grec/justice_athenienne.htm.

Les héliastes ne sont pas des jurés, ce sont des juges, et l’Héliée est donc un tribunal populaire. JR

@lanredec (34)

J’ai relu la rubrique « Historical roots » : il y a, c’est vrai, des traces de jury antérieures au XIIIème siècle, mais c’est bien au XIIIème siècle que l’institution s’est mise en place (probablement surtout avec la Magna Carta). En tout cas, le jury ne remonte pas à la Grèce, qui n’a pas connu de jurys, contrairement à ce que pense frigouret, mais des tribunaux populaires.

Pour ce qui est du principe de la séparation des pouvoirs, j’en fais peut-être une application extensive, mais il me semble logique que le peuple souverain exprime sa volonté seulement par la loi et s’abstienne de juger directement des cas particuliers. JR

Rendez-vous à MARSEILLE samedi prochain, 1er février 2014,
avec les Colibris, pour des ateliers constituants :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2014/01/29/365-rendez-vous-a-marseille-samedi-prochain-1er-fevrier-2014-avec-les-colibris-pour-des-ateliers-constituants


LE PLAN DÉMOCRATIE DES COLIBRIS :

http://www.colibris-lemouvement.org/revolution/le-plan-des-colibris/le-plan-democratie

:slight_smile: