Morale, éthique, foi, religion, empathie, respect de l’autre, respect de soi, loi, mise en synergie des usages et des coutumes, construction de l’inconscient collectif, et des prisons mentales, maximisation du bonheur commun, nécessité de s’organiser en société pour survivre, et j’en oublie certainement, constituent l’étrange kaléidoscope à l’intérieur duquel, interrogatifs, nous plongeons notre regard, parfois anxieux, pour tenter de justifier nos choix, et parfois de les codifier.
Certains des secteurs de ce spectacle coloré nous entraînent au conflit intérieur.
Ainsi par exemple la morale devrait suffire à nous canaliser, mais la multitude ayant peut être besoin de garde-fous, jadis nous inventions la loi, qui tue la morale en la rendant inutile devant les juges, et en offrant alibi au secret de l’alcôve.
Nos moteurs sont antagonistes.
Pour attraper ce stylo sur mon bureau s’allument des impulsions nerveuses pour propulser ma main vers l’objet et d’autres pour la retenir ; le tout régulé par le contrôle visuel à travers un mécanisme hypercomplexe qui échappe radicalement à ma conscience corticale.
De même,
et cela explique l’infinie souffrance de toute femme qui choisit d’avorter,
et cela justifie l’infinie souffrance de certains compagnons qui en sont informés,
le choix d’éteindre une vie déjà existante et potentiellement riche autant que la notre, sinon plus, ce choix est impulsé et freiné tout à la fois par des moteurs ou des « valeurs » à la multiplicité antagoniste.
On tente d’y mettre des mots
qui donnent, entre autres,
-le droit de la femme à disposer de son corps
-le droit de la victime (viol, ruse, faiblesse) à se libérer du piège
-« tu ne tueras point »
-avant qu’il n’ait pouvoir technique à s’imposer de lui-même dans la biosphère, le droit de l’être procréé et préconscient à vivre sa vie.
Ces moteurs antagonistes sont de nature morale.
Sauf à supposer le divin,
sauf à supposer quelque tropisme du cosmos à s’appuyer sur le biologique pour émerger la conscience, alchimie ultime de la transmutation du gemme noir en amour …
la morale est, point de vue mécaniste, elle-même issue de moteurs antagonistes :
L’animal de type mammifère est mu par son intérêt personnel, mais il ne sait se passer d’autrui ; s’ensuit donc un conflit entre une sorte d’égoïsme et une sorte d’instinct de société. J’imagine qu’au cours de l’évolution cela peut aboutir à l’invention de la morale, que l’on qualifie de naturelle, ou parfois d’instinctive, et de ce qu’on appelle les « fondamentaux ». J’avoue que ce mot me fait rigoler en observant combien à travers les siècles et les espaces les « fondamentaux » sont variés et plastiques.
C’est peut être triste à dire, mais entre deux sociétés extrêmes il y a un curseur à situer, qui tantôt acceptera la shoa et tantôt refusera l’avortement et l’euthanasie.
La « foi », ou la « spiritualité laïque », c’est peut être de penser qu’au-delà des critères pragmatiques d’un temps ou d’une nation, existe un indicible qui n’offre au positionnement du curseur qu’une liberté relative.
Mais quoiqu’il en soit demeure une latitude.
Et c’est là qu’intervient la loi, qui aide et qui trouble, tout à la fois, puisque fatalement elle favorisera telle ou telle des forces antagonistes qui gouvernent nos corps et nos « âmes ».
Dans ce contexte :
Pour ce qui est de certaines situations particulièrement sensibles aux antagonismes qui m’habitent, mon cœur résiste jusqu’au dégoût à l’idée d’offrir à certains élus le droit de m’imposer leurs choix ou de m’imposer mon droit ( !), quels qu’ils soient ; sur certains chapitres du destin, tels que ceux qui sont ici abordés, tout en moi refuse d’abandonner ma responsabilité individuelle à un aréopage chargé de légiférer pour les siècles des siècles.
Ce qui pourrait nous conduire au thème peu abordé de la pertinence d’une société fondée sur la loi.
Avec en point de mire l’émergence d’une société fondée sur l’échange convivial et perpétuel, très difficile à inventer, j’en conviens.