Grain de sel bioéthique

Je propose de modifier l’article premier de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme comme suit :

Tous les êtres humains sont libres et égaux en dignité et en droits dès leur conception. Qu’ils soient doués de raison, de conscience ou non, ils doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.

Ceci pour alléger les débat en bioéthique sur le statut du fœtus, fœtus qui est de plus en plus en danger.

=> mais problèmes particuliers à régler : l’I.V.G., interruption de grossesse thérapeutique, examen prénatal…

Sans tout à fait me faire l’avocat du diable (car je pense moi aussi que certains avortement pourraient être évités), j’aimerais que tu développes un peu plus les raisons qui te poussent à vouloir cette reformulation. Mettons que je sois un « pro-choix » (quelle hypocrisie de prétendre qu’il n’y a qu’un choix là où il y a en fait la fin d’une vie! Hitler était-il « pro-choix » quand à ce que le Reich devait faire de ses juifs non désirés?), je pourrais aussi bien dire, pour contourner cette formule, qu’un foetus n’est pas encore un être humain, et que donc le devoir de fraternité ne s’y applique pas. Que « dès la conception » est une formule rhétorique, que l’humanité ne s’acquiert qu’à la Xième semaine, ou à la naissance. Que « doué de raison » s’applique aux gens qui, suite à une maladie mentale, ne perçoivent plus la réalité, et « doué de conscience » à ceux qui sont dans le coma, par exemple. D’ailleurs, selon Jacques Attali, l’humanité ne s’acquiert même pas en naissant, c’est pour dire les malades mentaux qu’on est obligé de se farcir, et ça a été deux fois conseiller du président!

selon Jacques Attali, l'humanité ne s'acquiert même pas en naissant, c'est pour dire les malades mentaux
Avez vous déjà élevé des enfants ? d'autres animaux ? Avez vous vu une différence objective avant l'âge de six mois, voire un an ? Des différences subjectives c'est sûr, quand un bébé vous pisse à la figure, chie sur votre chemise en pleine rue, ou jette votre cellulaire dans la soupe, c'est mimi tout plein (ce n'est pas ironique), alors que quand un chiot pisse sur votre canapé, chie dans vos chaussures ou bouffe votre télécommande, c'est juste agaçant.

Je n’ai rien contre le fait que les différences subjectives puissent entraîner des différences de droits ou de dignité, mais il ne suffit pas de traiter quelqu’un de malade pour montrer qu’il a tort (et je n’apprécie pas particulièrement JA moi-même).

Après, pour repousser l’humanité même subjective au delà de la naissance, ou pire au delà du moment où la femme sent le foetus autrement que par les nausées de la grossesse, je vous suis complètement. Je ne vois pas quel sentiment on peut éprouver pour un blastocyste et qu’on n’éprouverait pas pour une amibe. Ou alors notre amie Olivia utilise conception dans le sens que j’utilise professionnellement, qui est une activité purement intellectuelle. Alors oui la progéniture qu’imaginent ensemble deux personnes qui s’aiment peut être réellement humaine des années avant la copulation, mais a-t-elle pour autant des droits ?

Et pour en revenir à cet article de la DUDH, il est dans son état actuel déjà manifestement faux, ou inapplicable : ou alors il faut considérer qu’il rend illégal le concept de majorité. La proposition d’Olivia ne fait effectivement que pousser le ridicule un peu plus loin avec le devoir de fraternité imposé à l’embryon.

Redéployons un peu les choses car, je l’avoue, j’ai été un peu compacte. Mais bon la compactification permet aussi l’occurrence d’un Big Bang :slight_smile:

Ayant eu à effectuer un petit travail sur les lois bioéthiques concernant l’embryon et évidemment en poussant le bouchon plus loin, sur l’eugénisme, je me suis systématiquement confrontée aux mêmes problèmes, qu’ils soient énoncés avec une idéologie athée (oui pour moi c’est aussi une idéologie *) ou religieuse:

  • c’est quoi un être humain ?
  • les doctrines dualistes issues de la scolastique médiévale vs une vision purement scientiste
  • l’émergence de la conscience/âme et l’humanité
  • quand ce fait réellement l’émergence de la conscience/âme du zygote à la naissance ?
  • la notion morale du pré-embryon scientifiquement discutable
  • les séparations arbitraires entre zygote, pré-embryon, embryon et fœtus

et j’en passe des pires et des meilleures…

Si je reprends une partie de mon texte on peut au moins poser la problématique sur la table d’examen de notre (au moins) civilisation :

« Mais doit-on réduire la notion d’être humain, donc de personne au simple fait qu’il possède ou non une conscience ou une âme si on est dualiste ? Ne connaissant pas encore ni la loi immuable des dieux à ce sujet pour les croyants ni les mystères de l’origine de ce que l’on peut appeler « un être humain » pour les scientifiques, personne ne peut donc réellement apporter une réponse univoque et les innombrables débats se poursuivent.
Pourtant, et c’est évidemment un paradoxe problématique, l’Etat intervient a priori dans le débat en légiférant là où la Science a des connaissance mais pas d’idées et où la Religion a des idées mais pas de preuves matérielles. Ce n’est pourtant pas à l’Etat de définir de manière indépendante et donc dictatoriale le statut juridique de l’embryon. Comme les Etats changent et que leurs politiques sont variables, le statut de l’embryon, donc la définition concernant sa nature d’être humain, sera exposé au gré des opinions majoritaires parfois radicalement opposées ou des idéologies dominantes pouvant être déviantes et discutables du point de vue de l’éthique. Qu’une Loi n’accorde que peu d’humanité à l’embryon, les états végétatifs de l’être humain (comas) voire même de lourdes affections mentales pourraient être amalgamés à la définition ainsi posée, leur nature pleinement humaine refusée et donc leur élimination légalement autorisée.
Les Lois ne devraient distinguer que ce qui est une personne et ce qui est une chose car au-delà de la notion de conscience se pose la séparation majeure entre ce qui est vivant et ce qui ne l’est pas. C’est sur ce terreau que les Lois devraient se développer en fixant des limites raisonnables élargies mais non tranchées de ce qu’il convient de faire ou non à l’embryon dans le cadre de la médecine. »

Donc concrètement il n’existe aucune réponse à toutes les questions évoquées ci-dessus, n’en déplaise à certains.
Mon raisonnement est alors facile à comprendre:

Si l’ontologie ou autre approche philosophique/religieuse est incapable, a priori et ce après des nombreux débats infructueux, de poser clairement la frontière entre humain et non-humain dans le parcours ontogénique du zygote jusqu’à sa naissance et bien prenons l’ensemble de ce parcours d’où le « dès la conception ».
Je pense que c’est un sujet suffisamment grave et déterminant pour nous qui nous auto définissons comme Home sapiens pour ne pas le qualifier de « ridicule ».

Au delà, et certains l’auront compris, la deuxième partie « Qu’ils soient doués de raison, de conscience ou non » vient non seulement étayer le concept mais aussi et surtout sert à nous prémunir contre toutes formes d’eugénisme (en s’inspirant de Michel ONFRAY on pourrait préciser « eugénisme du renard », forme bien plus sournoise).

Pour conclure à ce stade, je tiens à préciser que mon désir de mettre en perspective le statut de l’embryon est moins motivé par les problèmes bioéthiques que posent l’I.V.G. ou le diagnostique prénatal que ceux manifestement mercantiles des manipulations sur l’embryon et le traficotage des cellules souches; et l’Etat même en ce qui concerne la bioéthique et n’étant pas à une transvaluation près, penchera toujours vers le versant mercantile.

  • comme personne n’a à ce jour été capable de prouver l’existence ou la non-existence d’un être supérieur nommé Dieu, je prône l’agnostie pure et simple jusqu’à plus amples informations.

Je crois que le problème est surtout la différence entre classe et individu. Les droits de l’espèce, de la société, ou de la nation ne se réduisent pas à ceux de leurs composantes et réciproquement.

Que l’individu ait des droits dès que ses potentiels géniteurs en ont conçu l’idée EST ridicule. Que l’espèce ait le droit que son patrimoine génétique ne soit pas manipulé relève d’un autre sujet qui ne devrait pas être pollué par le premier.

« Que l’individu ait des droits dès que ses potentiels géniteurs en ont conçu l’idée EST ridicule »

Je suis désolée de te dire cela mais ce que tu dis n’est qu’une proclamation non argumentée et qui plus est un jugement de valeur.

C’est en fait tout ce que je déteste chez autrui, quelque soient ses droits ou ses devoirs car cela verrouille tout débat constructif (ou pas).

Pour re-bondir

« Les droits de l’espèce, de la société, ou de la nation » >>> Quand on parle de bioéthique, notre espèce est-elle seule à avoir des droits ? Et … n’est elle pas seule à avoir des devoirs ?

@Olivia
Inutile de me détester, je vais argumenter. Le fait de donner à une idée, une conception, les mêmes droits qu’à une personne est dangereux du fait qu’un arbitrage entre les deux aura pour conséquence de relativiser les droits de l’une vis à vis de l’autre, alors que le fondement même de cette déclaration est de rendre ces droits universels et absolus.

Autrement dit plus vous élargissez le sujet plus vous affaiblissez l’objet.

L’état actuel de cet article est déjà assez préoccupant. En donnant au nouveau-né les mêmes droits qu’à l’adulte, il laisse admettre que l’adulte n’a pas plus de droits que le nouveau né. Comme nous savons tous que les droits ne s’usent que si l’on ne s’en sert pas, la liberté d’opinion ou d’expression, sans même parler du droit de vote, d’un nouveau-né est un concept sans épaisseur qui ne fait que dévaloriser celui, censé être égal, d’un adulte.

Je peux continuer à élaborer si vous voulez, mais je pense que vous êtes capable d’imaginer la suite.

@Ana
Bien sûr que non pour les droits. (Olivia, je me suis déjà exprimé ailleurs sur le sujet, raison pour laquelle je n’élabore pas)
Pour les devoirs des autres espèces laissons les les définir :wink:

Oui, je partage vos arguments et le fond de votre réflexion.
Vous voyez quand vous le voulez, vous êtes capable d’ouvrir le débat plutôt que de le fermer et surtout de faire rebondir votre interlocuteur au lieu de l’étouffer.
Merci pour cela.

Mais je ne suis pas d’accord avec « Autrement dit plus vous élargissez le sujet plus vous affaiblissez l’objet. »
On pourrait en discuter des heures mais ailleurs car c’est un vaste terrain d’investigations connexe.
Mais peu importe maintenant car ce concept ne vient pas dénaturer votre idée générale.

Je crois que mon erreur a été l’effet pervers produit par l’amalgame de tous les droits et vous avez bien fait d’en souligner les incohérences.

L’idée maitresse est d’assurer en fait le droit fondamental de vivre et du respect de la personne « petit de l’homme » dès sa conception pour le protéger des dérives éventuelles évoquées ci dessus (et Dieu sait qu’en vertu de la sacro-sainte rentabilité le mercantilisme peut être très imaginatif sur ce point).
Il ne s’agit évidemment pas d’accorder à l’ensemble zygote-fœtus les droits que seuls des citoyens majeurs et responsables peuvent endosser comme le droit de vote ou la responsabilité civile mais de le reconnaitre comme « personnalité juridique ».
D’ailleurs l’article 7 de la charte du Canada indique que "Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. "

Ce droit fondamental est aujourd’hui en danger car depuis le Droit Romain il semble être en régression.
J’avoue que le risque est de rentrer dans une logique de sur-nuance juridique mais cette fin ne justifie t’elle pas de tels moyens ?

Par rapport à l’avortement ou à l’euthanasie, ce qui m’énerve particulièrement c’est l’hypocrisie dont certains font preuve. Déjà en soi, le terme « Interruption Volontaire de Grossesse » est pour le moins un euphémisme qui fleur bon la mauvaise conscience recouverte de vocables trompeurs, où seul est présent l’aspect « droits de la Femme », et pas du tout l’aspect « homicide » (car malgré tout ça en implique un). J’ai même lu certaines argumentations où le foetus non désiré était envisagé comme un parasite du corps de la femme, comme le serait un virus ou un ténia, et que son élimination ne doit pas être considérée autrement que celle de ces agents nuisibles ou pathogènes. Des logiques dangereuses, car on peut bien se demander ce que vaut l’adulte issu de ce « parasite » si la mère n’a pas pu avorter (pour des questions légales, matérielles, voire morales).

Ce genre de manoeuvre de déshumanisation n’est pas saine. Pour autant, il ne s’agit pas de dire qu’un embryon de trois semaines et un homme adultes se valent, seulement qu’ils partagent une nature commune, même si chez l’un elle en est à peine à se mettre en place, alors que chez l’autre elle a toutes possibilités pour s’épanouir. Par contre, l’idée d’un humain n’est pas un humain, et on ne peut pas protéger les droits d’un être qui n’est même pas encore. Par contre, on peut essayer de garantir que si l’idée doit s’incarner, ce soit dans de bonnes conditions. Je pense que c’est globalement le cas, bien que le statut de mère soit injustement sous estimé socialement et légalement. Personnellement, je ne suis pas pour l’interdiction de l’avortement, je pense que l’on ne peut pas se faire juge à la place des parents, et surtout de la mère. La seule chose, c’est que ça ne doit pas être présenté comme un droit, mais comme un choix, qui se fait au détriment de la vie de l’enfant à naître. C’est aux parents de régler ça avec leur conscience.

Mais une chose qui m’étonne toujours, c’est le refus de débattre sereinement autour de l’eugénisme. C’est un sujet entouré d’une passion assez suspecte, en ce sens qu’elle n’est pas « autonome », mais simplement car l’eugénisme est associe au nazisme, donc à la figure moderne du Diable. Je ne viens pas pour le promouvoir, mais pour qu’on réalise que les tabous qui planent sur ce sujet sont, eh bien, des tabous, et n’ont rien de rationnel. Puisqu’on peut avoir sereinement un débat sur l’avortement, c’est à dire sur organiser la mort d’un enfant à naître, il me semble que le terrain pour pouvoir discuter de l’eugénisme, du moins dans une certaine mesure, est ouvert, et que les questions qui se posent sont celles du rapport qu’entretiennent les individus et la société, les limites des pouvoir qu’elle se donne, le prix de la vie et le prix du futur, etc… Je pense que cette observation avait sa place ici, mais je doute qu’un débat ait lieu, puisque globalement tout le monde sera contre. Il serait seulement bon qu’on sache pourquoi.

Avortement :

  • Il n’est pas question de l’interdire purement et simplement mais d’y injecter un peu de nuances et de discernement.

  • Il doit rester exceptionnel (hors avortements thérapeutiques) et ce qui me gêne est sa banalisation.

  • IVG comme Droit de la Femme : effectivement si il n’y a pas d’abus de ce droit et la capacité d’assumer les séquelles psychologiques et parfois physiques.

  • Un travail doit être réalisé en amont pour limiter les IVG (sensibilisation, pédagogie, contraception, s’attaquer aux poches de misère et de totale inculture et hélas parfois à la c…).

  • Revoir les valeurs actuelles pour lesquelles la moindre différence ou particularité est interprétée comme un défaut. Avoir un enfant ce n’est pas choisir des pommes parfaites au supermarché. La conception et la grossesse ne relèvent pas de la consommation (de fait l’IVG non plus).

    Nature du Fœtus :

  • C’est un être vivant et génétiquement parlant, dès sa conception, le zygote possède toutes les apomorphies propres à le déterminer comme Homo sapiens. C’est souvent oublié.

  • Bien que situé dans la matrice féminine, le fœtus est anatomiquement extérieur au corps de la femme et est génétiquement distinct d’où l’interprétation abusive de « parasite ».

  • Tout produit de la conception devrait avoir de fait au moins un droit : théoriquement celui de vivre.

  • Que la médecine (et donc les lois de la bioéthique) examine les liens mère-fœtus (imprégnation).

Eugénisme :

Un nouveau thread serait effectivement à envisager.

Qui concerne la France, un rapprochement entre les deux extrémités du temps de vie :
IVG autorisée et euthanasie interdite
Vous voyez l’analogie ?

Autre débat potentiel : la loi est elle adéquate pour trancher de manière binaire sur certaines interrogations ?

La déclaration des droits de 1789 est dominée par l’idéologie libérale et fausse qui se base sur un humain imaginaire qui naitrait adulte.

200 ans plus tard nous avons fait de très gros progrès en matière de connaissances sur l’être humain, que ce soit au niveau génétique, neurologique, ou sociologique, et je crois sincèrement qu’une refonte de cette déclaration à la lumière de ces connaissances est plus que nécessaire.

En l’occurrence, effectivement, un humain ne nait pas libre, on nait bébé et donc totalement soumis au bon vouloir des personnes qui nous entourent, le plus souvent nos parents. Et cette relation de domination et de soumission avec nos parents dure généralement jusqu’à l’age adolescent / adulte.

La liberté pour les êtres humains est un certain type de relation sociale que l’on apprend très clairement en grandissant et qui consiste à s’émanciper de ces relations de domination / soumission. Notre physiologie, et notamment notre cerveau, développent les sentiments liés à ce type de relation très tardivement ( à l’age adolescent ) et cette physiologie se stabilise justement au moment où nous atteignons l’age adulte.

Les jeunes humains apprennent la liberté en nouant des relations d’amitié et d’amour avec d’autres jeunes et en se sortant ainsi des relations de domination / soumission avec leurs parents.
Et la découverte de cette liberté rend de plus en plus insoutenable cette situation de domination / soumission au point que cela crée souvent de nombreux conflits entre l’adolescent et ses parents.

Cela peut se passer plutôt bien comme de manière très dramatique, cela dépend de la réaction des parents, selon que ceux-ci acceptent de mettre fin à cette relation de domination / soumission ou non avec leur enfant pour ne laisser place qu’à de l’amour et de l’amitié, bref selon qu’ils acceptent de traiter leur enfant comme leur égal ou non, et selon le tempérament de l’enfant évidemment.

Voilà comment on découvre tous ce qu’est la liberté, on passe tous par cet apprentissage de la vie. Voilà ce que l’on sait aujourd’hui. Et la déclaration des droits et les théories libérales deviennent juste absurde à la lueur de ces évidences.

Donc pousser ce délire jusqu’au foetus, c’est à dire jusqu’avant la naissance, est encore plus absurde !

On ne nait pas libre, on le devient ou non selon les relations sociales que l’on construit et les sentiments que l’on développe en grandissant.

Ainsi contrairement aux croyances libérales, la société n’est pas une entrave à la liberté naturelle des individus, c’est justement la société qui permet ou non la liberté pour tous à des individus qui naissent naturellement soumis aux autres êtres humains parmi lesquels ils apparaissent et grandissent.

La déclaration des droits devrait donc en toute logique présenter la liberté non comme naturelle dès la naissance mais comme un droit qui doit être garanti par l’ensemble de la société à tous ses membres. Et elle devrait ensuite décliner tous les articles qui justement construisent cette liberté pour tous.

Moi je suis pour que les règles constitutionnelles sur la bioéthique comme sur l’environnement fassent partie de déclarations à part.

Autre débat potentiel : la loi est elle adéquate pour trancher de manière binaire sur certaines interrogations ?
Il est vrai que sur ces questions particulières, chaque cas est unique. Quand on touche à la vie, on ne peut pas le faire avec légèreté.

Morale, éthique, foi, religion, empathie, respect de l’autre, respect de soi, loi, mise en synergie des usages et des coutumes, construction de l’inconscient collectif, et des prisons mentales, maximisation du bonheur commun, nécessité de s’organiser en société pour survivre, et j’en oublie certainement, constituent l’étrange kaléidoscope à l’intérieur duquel, interrogatifs, nous plongeons notre regard, parfois anxieux, pour tenter de justifier nos choix, et parfois de les codifier.

Certains des secteurs de ce spectacle coloré nous entraînent au conflit intérieur.
Ainsi par exemple la morale devrait suffire à nous canaliser, mais la multitude ayant peut être besoin de garde-fous, jadis nous inventions la loi, qui tue la morale en la rendant inutile devant les juges, et en offrant alibi au secret de l’alcôve.

Nos moteurs sont antagonistes.
Pour attraper ce stylo sur mon bureau s’allument des impulsions nerveuses pour propulser ma main vers l’objet et d’autres pour la retenir ; le tout régulé par le contrôle visuel à travers un mécanisme hypercomplexe qui échappe radicalement à ma conscience corticale.
De même,
et cela explique l’infinie souffrance de toute femme qui choisit d’avorter,
et cela justifie l’infinie souffrance de certains compagnons qui en sont informés,
le choix d’éteindre une vie déjà existante et potentiellement riche autant que la notre, sinon plus, ce choix est impulsé et freiné tout à la fois par des moteurs ou des « valeurs » à la multiplicité antagoniste.
On tente d’y mettre des mots
qui donnent, entre autres,
-le droit de la femme à disposer de son corps
-le droit de la victime (viol, ruse, faiblesse) à se libérer du piège
-« tu ne tueras point »
-avant qu’il n’ait pouvoir technique à s’imposer de lui-même dans la biosphère, le droit de l’être procréé et préconscient à vivre sa vie.

Ces moteurs antagonistes sont de nature morale.
Sauf à supposer le divin,
sauf à supposer quelque tropisme du cosmos à s’appuyer sur le biologique pour émerger la conscience, alchimie ultime de la transmutation du gemme noir en amour …
la morale est, point de vue mécaniste, elle-même issue de moteurs antagonistes :
L’animal de type mammifère est mu par son intérêt personnel, mais il ne sait se passer d’autrui ; s’ensuit donc un conflit entre une sorte d’égoïsme et une sorte d’instinct de société. J’imagine qu’au cours de l’évolution cela peut aboutir à l’invention de la morale, que l’on qualifie de naturelle, ou parfois d’instinctive, et de ce qu’on appelle les « fondamentaux ». J’avoue que ce mot me fait rigoler en observant combien à travers les siècles et les espaces les « fondamentaux » sont variés et plastiques.
C’est peut être triste à dire, mais entre deux sociétés extrêmes il y a un curseur à situer, qui tantôt acceptera la shoa et tantôt refusera l’avortement et l’euthanasie.
La « foi », ou la « spiritualité laïque », c’est peut être de penser qu’au-delà des critères pragmatiques d’un temps ou d’une nation, existe un indicible qui n’offre au positionnement du curseur qu’une liberté relative.
Mais quoiqu’il en soit demeure une latitude.

Et c’est là qu’intervient la loi, qui aide et qui trouble, tout à la fois, puisque fatalement elle favorisera telle ou telle des forces antagonistes qui gouvernent nos corps et nos « âmes ».

Dans ce contexte :

Pour ce qui est de certaines situations particulièrement sensibles aux antagonismes qui m’habitent, mon cœur résiste jusqu’au dégoût à l’idée d’offrir à certains élus le droit de m’imposer leurs choix ou de m’imposer mon droit ( !), quels qu’ils soient ; sur certains chapitres du destin, tels que ceux qui sont ici abordés, tout en moi refuse d’abandonner ma responsabilité individuelle à un aréopage chargé de légiférer pour les siècles des siècles.

Ce qui pourrait nous conduire au thème peu abordé de la pertinence d’une société fondée sur la loi.
Avec en point de mire l’émergence d’une société fondée sur l’échange convivial et perpétuel, très difficile à inventer, j’en conviens.

Qui concerne la France, un rapprochement entre les deux extrémités du temps de vie : IVG autorisée et euthanasie interdite Vous voyez l'analogie ?
C'est la société de surconsommation qui veut ça : ce qui n'est pas parfait ou prétendument obsolète part à la déchetterie :)
Je crois sincèrement qu'une refonte de cette déclaration à la lumière de ces connaissances est plus que nécessaire.
Trèsplusbien
[relation de domination / soumission]... [parents/enfants]
N'y en a t-il pas de nouvelles qui s’installent et prolongent le conflit et l’apprentissage même chez l'âge adulte (chefs de labo, supérieurs hiérarchiques et carrément tout le pouvoir exécutif) même quand et surtout quand le concept "liberté" a été assimilé ?
Donc pousser ce délire jusqu'au foetus, c'est à dire jusqu'avant la naissance, est encore plus absurde !
De quel délire précis parles tu car il y en a eu plusieurs depuis le début :)
On ne nait pas libre, on le devient ou non selon les relations sociales que l'on construit et les sentiments que l'on développe en grandissant.
Les premières sont souvent aliénantes !
Ainsi contrairement aux croyances libérales, la société n'est pas une entrave à la liberté naturelle des individus, c'est justement la société qui permet ou non la liberté pour tous à des individus qui naissent naturellement soumis aux autres êtres humains parmi lesquels ils apparaissent et grandissent.
Plus je fais ma Tatie Danièle, plus je pense le contraire :/
la morale devrait suffire à nous canaliser
Laquelle (voire lesquelles) car il a eu tellement de transvaluations que je n'arrive plus à suivre ?
L’animal de type mammifère est mu par son intérêt personnel, mais il ne sait se passer d’autrui ; s’ensuit donc un conflit entre une sorte d’égoïsme et une sorte d’instinct de société. J’imagine qu’au cours de l’évolution cela peut aboutir à l’invention de la morale, que l’on qualifie de naturelle, ou parfois d’instinctive, et de ce qu’on appelle les « fondamentaux ».
J'ai du mal à superposer ta vision du Mammifère avec la mienne. Mais d'abord pourquoi seulement "Mammifère" ? Est-ce propre aux Mammifères ou est-ce parce que nous sommes des Mammifères ? Je ne comprends pas complètement ce qui justifie le choix de cet ensemble précis.

Ne prendrais tu pas « instinct de survie » pour de « intérêt personnel ». D’ailleurs tous animaux (ici donc réduits à être des Mammifères) ont-il pleinement conscience de leur ego, condition nécessaire et suffisante pour être « personnel ».
Si personne il y a, intérêt personnel il y a; dans le cas contraire…

Il existe des Mammifères qui, non seulement peuvent se passer d’autrui (leurs semblables mais pas les proies), mais le doivent : les prédateurs (hors saison de amours, cela va de soi).

(sinon ton message #16 contient de jolies envolées lyriques passionnées, tu semble très impliquée sur certains points et veux bien comprendre pourquoi)