Abstention

Bonjour,

les causes de l’abstention sont multiples, nous pouvons ici en faire la liste.

Je commencerai par celles qui sont liées aux critiques classiques face à l’élection, à plusieurs moments de ce processus pour le moins étonnant.

Tout d’abord, bien avant les élections, tout le monde sait qu’elles servent aux riches à acheter le pouvoir, on ne voit pas pourquoi le peuple perdrait son temps à une connerie pareille.

Ensuite, pendant la campagne officielle, l’organisateur favorise des candidats par rapport à d’autres, c’est le foutage de gueule intégral.

Le dimanche on a autre chose à faire.

Au dépouillement il y des fraudes dans 30% des cas, ya qu’à voir ce qui se passe dans les élections internes au partis.

Et une fois élus, les candidats n’ont d’autre priorité que de renvoyer l’ascenseur à ceux qui ont financé leur campagne.

Dans ces conditions s’abstenir, c’est se respecter soi-même, tout simplement.

(Je réponds à la question de beo. Le fait que certains points puissent correspondre à mon opinion personnelle n’est pas pertinent ici.)

Il est nécessaire de distinguer les deux cas où intervient l’abstention électorale. Le cas de l’abstention politique est totalement différent et, à mon avis, mérite plus d’attention.

Cas de l’élection

Tous les candidats se valent.

Variantes:

Tous les candidats sont au degré zéro de la politique.

Il n'y en a pas un qui montre le moindre intérêt pour le bien commun.

Le seul compétent est pourri jusqu'à la moelle.

C'est un choix entre la peste et le choléra.

Élire c’est abdiquer.

Le pouvoir ne craint rien tant que l’indifférence.

Variante :

Si personne ne reconnaît l'autorité de l'État, il n'existe plus.

Cas du vote sur un texte

Je n’y comprends rien.

En quoi ça me concerne ?

C’est un mélange improbable de sucré et d’amer. Si je vote pour le sucré on dira que j’ai voté pour l’amer, si je vote contre l’amer on dira que j’ai voté contre le sucré. Dans les deux cas j’aurai l’amer et pas le sucré.

Le diable est dans les détails, quoique je vote ils feront ce qu’ils veulent.

C’est un choix entre la peste et le choléra.

Variante :

Le problème n'est pas là du tout.

La solution proposée n'a rien à voir avec le problème supposé.

De la difficulté d’empiler des individualités pour en faire du collectif.
Le vote a été instauré par ceux-là même qui voulaient que la France ne soit pas une démocratie mais bien un régime de représentation. Depuis la révolution française donc, l’essentiel des forces politiques a veillé à tenir le peuple à l’écart des décisions le concernant. Il existe bien des périodes dans l’histoire de France où le peuple a pu défendre sa voix, parfois même appuyé par le politique, mais celles-ci demeurent minoritaires sur la durée. Le problème rencontré aujourd’hui est selon moi que la volonté de Sieyiès d’éviter à la France une démocratie est accomplie vue qu’une partie importante du peuple ne s’intéresse plus du tout à sa destinée collective et que ça leur va très bien comme ça. La disparition du collectif, qu’il soit national, régional ou même communal est avéré depuis quelques décennies maintenant, alors pourquoi aller voter?
Ce qui m’inquiète le plus dans les analyses actuelles c’est que le peuple est encore trop souvent supposé bon, volontaire et prêt à tous les sacrifices si la cause défendue est juste, alors que je constate davantage un narcissisme hédoniste et fièrement cancre qui renvoie les débats sur la politique au célèbre « j’ai autre chose à faire » qui est sans doute le principal ennemi des démocrates. À notre époque connectée, l’ignorance et la paresse sont des choix - que je respecte absolument - et qui malheureusement nourrissent selon moi l’essentiel du désintérêt politique. Les efforts sur le terrain pour promouvoir l’usage du tirage au sort, les débats d’idées sur la démocratie, les tentatives de construction de différents collectifs politiques sur le net ou ailleurs témoignent tous de cette malheureuse dérive: l’individu, aujourd’hui devenu roi, est difficilement soluble dans un collectif. Et je suis d’accord avec Lanredec quand il défend que c’est plus facile à l’échelle communale mais pas quand il dit que le pouvoir ne craint rien tant que l’indifférence, au contraire il la nourrit, l’entretient pour qu’on lui laisse les coudées franches parce que l’indifférence n’est plus à l’adresse du seul pouvoir de nos jours mais bien de toute la politique. L’indifférence est en effet une arme efficace si elle ne vire pas au nihilisme politique actuel.

@Déhel

Est il dans la nature de l’humain d’être égoïste, paresseux, désintéressé de la cause commune ?
Rien n’est moins sûr,

même si une partie de l’observation ( et seulement une partie ) peut le laisser supposer.

L’homme est il un loup pour l’homme, comme on dit, ce qui n’est pas très gentil pour les loups :wink:
Rien n’est moins sûr,

même si une partie de l’observation ( et seulement une partie ) peut le laisser supposer.

Quand depuis 200 ans le citoyen est dominé par des représentants qui émettent des dictats auxquels il n’a pas la possibilité de se soustraire,
quand depuis 200 ans ses représentants le trahissent, malgré des changements >>fondamentaux<< d’éiquette et de gouvernance,

quand depuis l’arrivée des capétiens, et bien avant, ça fait quand même mille ans, voire des milliers d’années, le peuple ne peut que se taire, ou à la rigueur parfois sous les balles de ses maîtres-défenseurs, ou, c’est plus gentil, sous les matraques, le peuple ne réussit à force de courage qu’à faire émerger de nouveaux maîtres,

faut il que je m’étonne au PMU d’entendre : « de toute façon, ils font ce qu’ils veulent »
faut il nous étonner de ne voir partout que passivité complice ?

Quand tout le système économique est fondé sur la compétition, avec le profit comme étoile polaire,
quand règne le chantage à l’emploi,
quand tous nos médias fondent leur budget sur le dopage du cerveau reptilien des masses,

faut il nous étonner de ne voir émerger la réelle solidarité qu’en de rares occasions,
et faut il nous étonner de voir celle qui est obligatoire attaquée de toutes parts ?

Faut il nous étonner de voir le canari aimer sa cage quand il y est né ?

Je veux dire par tout cela que la fausse démocratie inhibe l’esprit citoyen,
je veux dire par là que la civilisation du donnant-donnant truqué inhibe ce qu’il y a de meilleur en l’homme,
je veux dire ici que si nous parvenions, mais par quel miracle, à instaurer la démocratie et à doper la pulsion participative au détriment du frileux moteur contractuel, nous pourrions avoir la bonne surprise de voir apparaître un autre être humain;
qui lui ne s’abstiendrait pas mais participerait joyeusement dans la certitude que ce serait fructueux.

Je pense que nous devons nous abstenir de dénoncer les gens, mais lutter pour qu’un jour il leur soit possible d’être.
Travail de fourmi, ou de colibri :wink:

Gauche/Droite

Je pense que nous devons nous abstenir de dénoncer les gens, mais lutter pour qu'un jour il leur soit possible d'être.
[b] [/b]Et je ne suis pas d'accord avec toi parce qu'en agissant ainsi, j'aurais le sentiment de me montrer condescendant à leur égard. [b] [/b]De surcroît, la critique adressée a quelqu'un de volontaire lui est logiquement profitable alors que la bienveillance consacrée à un salopard le conforte le plus souvent dans ses travers. Donc, si je suis absolument d'accord avec toi sur l'influence délétère de l'environnement médiatique, idéologique, culturel, etc. sur les foules, je constate qu'aujourd'hui l'accès à l'information et à la culture, tout comme le degré d'instruction de la population ont subi une telle révolution qu'ils permettent - sans doute pour la première fois dans l'histoire de l'humanité - de nourrir l'espoir de la naissance d'un collectif citoyen, instruit, volontaire et honnête, suffisamment influent pour réorienter complètement la civilisation de la disjonction cartésienne et y réintroduire de la complexité. [b] [/b]Dans ces conditions, complètement protéger quelqu'un de la critique afin de lui offrir la possibilité d'être, suppose de vouloir construire un individu en ne l'intéressant pas à ses défauts, or le triste bilan de l'état providence, du RMI/RSA, de l'éducation nationale et des banlieues urbaines ne m'incitent pas à poursuivre dans cette voie. [b] [/b]À mon sens, si le pauvre, le damné de la terre ou le prolétaire n'entend la critique qu'on lui adresse que comme une attaque contre sa propre personne ou une volonté de lui nuire, il est en cela fautif du même défaut narcissique que le reste de la population pour qui l'intérêt ombilical surpasse tous les autres. De la même façon, la lente disparition de la solidarité des quartiers populaires ou la honte d'appartenir à une classe sociale ouvrière semblent témoigner en faveur de mon analyse. [b] [/b]L'enfer étant pavé de bonnes intentions, il serait sans doute temps que les intellectuels de gauche aient le courage d'affronter les erreurs commises, non pas pour faire le jeu de la droite ni plonger dans une culpabilité biblique mais bien pour continuer de porter une logique confiante en l'humanité, cette fois débarrassée de la polarisation d'époque qui a trop souvent consisté à dire que si l'homme n'est pas forcément un loup pour l'homme, il est forcément un agneau, d'autant plus s'il est pauvre. [b] [/b]Hobbes et Rousseau ont tous les deux tort, tout comme Einstein et Galilée parce que leurs théories sont incomplètes. Depuis Göddel, on peut même dire que toutes les théories sont incomplètes. La recherche de la théorie du grand tout, de la pensée universelle ou du bonheur absolu me semble donc vaine, en plus d'être la conséquence d'une volonté paresseuse de simplification et du refus de s'assumer en tant qu'être intelligent pourtant incapable de comprendre à quoi tout ça peut bien servir. Je m'accorde donc avec ta philosophie de la vie qui consiste à essayer de d'abord poser un regard bienveillant sur nos contemporains mais je ne l'érige pas en règle absolue parce que je connais des élèves qui pour apprendre ont besoin qu'on les secoue plutôt que le contraire, je sais la souffrance endurée par les petits rats pour parvenir à la grâce communicative et j'essaie de regarder de front les dégâts irréparables du RSA sur la société afin de traiter chaque problème au cas par cas, le plus pragmatiquement possible et avec toujours en tête la possibilité évidente de l'erreur que je commettrai mais que d'autres corrigeront alors. Or l'abstention qui est le sujet de ce fil ne me paraît pas avoir pour cause principale l'asservissement des citoyens rabaissés au rang d'électeurs - l'abstention en 1930 n'est par exemple pas si grave qu'aujourd'hui et les citoyens n'y sont que des électeurs - mais bien une dérive chronique des Droits de l'Homme qui ont érigé l'individu au-dessus du collectif, dérive accueillie à grands cris par une population ravie de se déresponsabiliser de tout pour ne pouvoir se consacrer qu'à soi. [b] [/b]J'ai l'impression que les gauches politiques françaises versent tellement dans les orthodoxies aujourd'hui qu'elles se sont toutes résignées à abandonner la notion de liberté à la droite et en particulier celle de liberté d'expression. Merci à toi Ana d'ici démontrer le contraire.

« l’individu au-dessus du collectif » >>> c’est un vrai sujet, à ne pas bâcler, qui ne supporte pas le tranchant du booléen.

Oups! Pris en flagrant délit d’exagération. Mon intention reste néanmoins bien d’aborder ce sujet, c’est-à-dire la place déclinante du collectif à une époque où l’individu est l’objet de toutes les attentions. Au point de se poser la question ontologique de la notion de peuple, vocable fourre-tout que nous avons peut-être aujourd’hui l’opportunité d’inventer pour la première fois. Il faudrait ouvrir un nouveau fil bien sûr.

Arrrgh, nous sommes déjà hors sujet en effet :wink:
Incorrigibles

Le vote a été instauré par ceux-là même qui voulaient que la France ne soit pas une démocratie
Non, l'élection. C'est très différent.
[b]Gauche/Droite[/b]
Je pense que nous devons nous abstenir de dénoncer les gens, mais lutter pour qu'un jour il leur soit possible d'être.
[b] [/b]Et je ne suis pas d'accord avec toi parce qu'en agissant ainsi, j'aurais le sentiment de me montrer condescendant à leur égard.
Il me semble que les dénonciations (si tant-est que celles "des autres" doivent avoir lieu ...) ne doivent et ne peuvent concerner les "gens". Il me semble qu'elles ne peuvent s'attaquer qu'aux idées, aux opinions et/ou à la manière de les transmettre.

Personnes n’a choisi d’être ce qu’il est, de naître dans la famille ou il est né. Personne n’est responsable de ses capacités physiques et fonctionnelles de base. On ne part pas tous du même endroit. Loin de là … Donc, « les gens » en temps que tels, ne peuvent être tenus responsables de ce qu’ils sont.

Par contre ils peuvent être tenus pour responsable de ce qu’ils font de ce qu’ils sont.
Donc, si une dénonciation, un jugement de valeur, doit avoir lieu, il ne peut être formulée que sur leurs actes ou leurs paroles.

« L’important n’est pas le niveau atteint, mais le chemin parcouru. »