93 RÔLE DES ARMES dans la démocratie (acquisition, possession, utilisation)

La France est déjà conquise ([url=https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/rankorder/2198rank.html]financièrement[/url] je veux dire, et dans le monde actuel c'est la seule chose qui compte). Et pas besoin de guerre pour ça. D'ailleurs une guerre en France détruirait les richesses que vous évoquez (nous ne sommes pas la Libye). Donc personne convoitant ces richesses ne ferait la guerre (militairement je veux dire, financièrement/monétairement nous savons tous ce qu'il en est) à la France. Quant aux représailles, je n'ai pas vu que la puissance militaire américaine l'ait protégée du 11/9/2001.
Je suis d'accord que la France est déjà conquise économiquement, mais cela à été voulue et acceptés par nos dirigeants à travers les époques.

Rappelez-vous de ce que disait Mr Chouard dans l’une de ses interventions vidéo, lorsque les dirigeants refusent la corruption et l’endettement de leurs pays par les assassins financiers, ont leur fait la guerre. Quant à votre exemple sur le 11 septembre, je pense que vu toutes les contre verses, et les dérives qu’ont pris cette affaire, il n’est pas un bon exemple.

Enfin, je me trompe peut-être, mais j’ai le sentiment que les militaires sont encore nécessaires actuellement.

Un petit Machiavel pour la route.
« lorsque les États que l’on acquiert, comme on a dit, sont habitués à vivre sous leurs propres lois et liberté, il y a trois façons de les conserver : la première est de les ruiner ; la seconde, d’aller y habiter personnellement ; la troisième, de les laisser vivre avec leurs lois, en prélevant un tribut et en mettant à leur tête quelques hommes qui demeurent tes amis. En effet, comme ce gouvernement est créé par le prince, il sait qu’il ne peut persister sans l’amitié ni la puissance de ce prince, et il doit tout faire pour maintenir le prince au pouvoir ;si l’on veut la preserver, il n’y a pas de moyens plus sur pour conserver une cité habituée à vivre libre que celui qui consiste à s’appuyer sur ses propres citoyens. »

La problématique des armes est sans doute l’une des plus épineuse.

Dans nos régimes actuels, en Europe, il est devenu normal que la détention et le port d’armes soit strictement encadré et généralement interdit au quidam par principe.

La justification de ce principe général qui désarme le peuple est d’assurer la sécurité : seules les >>forces de l’ordre<< sont autorisées à détenir, porter et faire usage d’armes, dans le cadre de la loi et en vue (prétendument) d’assurer la sécurité du peuple.

Ce principe induit de facto que le peuple soit considéré irresponsable, ce qui, dans une vraie démocratie, est une aberration.

Vu de notre point de vue habituel, et en particulier si l’on compare notre situation en Europe et celle que vivent les étasuniens (voir le film de Michael Moore « Bowling for Columbine »), cette mesure de désarmement et de contrôle stricte des armes par les institutions de l’état nous semble, à première vue, raisonnable et sensée.

Or, il est évident que si nous devions résister à un régime politique usurpateur, nous serions bel et bien désarmés, alors même que les corps de police et de l’armée, qui sont au service des institutions >>légales<< (la légalité n’implique pas la légitimité), sont armés, eux, et conditionnés à obéir à une structure très hiérarchisée, pouvant naturellement être utilisée pour soutenir n’importe quel régime politique, y compris un régime scélérat.

Qu’est-ce qui permettrait de combiner un peuple armé et le besoin, naturel, de sécurité au sein de la société ?

Ce n’est pas difficile : une égalité économique.

Ce qui peut faire sombrer une société civilisée (et en principe pacifiée) dans la violence, comme aux USA, c’est une grande inégalité économique, qui génère, par construction, l’insécurité, les trafics en tout genre et la criminalité.

Si la toute grande majorité du peuple (pour ne pas dire tous le peuple) dispose d’un bon niveau de vie et d’instruction (nous n’avons pas besoin d’être tous riches comme Crésus), le recours à la violence - donc aux armes - se trouve inutile pour résoudre les différents et les conflits. A contrario, une société où règnent de fortes inégalités verra toujours son taux de criminalité grimper, justifiant toujours une dérive fascisante du régime politique, justifiée par le besoin de « ramener l’ordre » en s’en prenant aux conséquence et non aux causes.

A priori, si la démocratie repose sur la nécessité, pour le peuple, de se garder en tout temps contre les abus de pouvoir, le peuple devrait être considéré comme responsable et être armé. Le fait que le peuple soit armé doit à lui-même constituer une garantie empêchant qu’une petite clique de voleurs de pouvoir et de ressources ne soit tentée de prendre le pouvoir, même en douce.

A contrario, pour n’importe quelle oligarchie, il est très pratique que le peuple soit maintenu dans l’impossibilité de se dresser contre les dirigeants et contre les institutions établies, et donc qu’il soit désarmé.

Un peuple armé n’est donc pas synonyme de chaos et de violence. Un peuple armé dans une situation très inégalitaire sera mécaniquement violent, mais ce n’est pas le cas d’un peuple ayant un bon niveau de vie dans une société égalitaire, et essentiellement égalitaire économiquement (sans égalité économique, pas d’égalité politique réelle).

Ce qu’il faut donc proscrire, en toute situation, ce sont de grandes inégalités économiques, causes de l’essentiel des maux qui frappent les sociétés dites civilisées.

Je ne crains pas un peuple armé. Je crains les inégalités économiques. Ce ne sont pas les armes qui font la violence, ce sont les situations d’inégalités économiques.

Morpheus

Donne un ballon aux hommes, ils joueront au foot, donne leur des armes, ils feront la guerre… entre les archi-pauvres qui n’auront pas les moyens d’une arme ou pire, tout juste les moyens pour obtenir par la menace ce qui leur manque et ceux qui seront archi-entrainés à s’en servir; ça n’est même plus une question d’égalité mais une question de jungle qui se présente à nous. Moins il y a d’armes moins il y a « d’accidents », c’est logique. En plus leur fabrication pollue et demande de grandes extractions de matières premières.

Merci Morpheus pour ce bon message, avec lequel je me sens bien d’accord.

Mais la controverse sur ce point difficile n’est pas finie. Écoutons bien tous les avis.

Étienne.

L’esprit de rébellion est nécessaire à la paix.

La question des armes et de leur accès est une question vraiment compliquée. En effet, elle repose énormément sur l’idée qu’on se fait de l’homme, de son immaturité, de sa responsabilité, etc… Difficile d’évacuer nos biais, dans un sens comme dans l’autre. Personnellement, je suis amateur d’armes, sans en posséder de vraiment dangereuses ni ne demandant d’autorisation. L’attrait qu’elles exercent sur moi est principalement technique. Je ne suis pas un « anti-arme », donc. Pour autant, je n’imagine pas qu’il faut ouvrir les armureries et que même le bazooka devrait être en vente libre.

L’argumentation de l’utilité des armes dans la lutte contre l’oppression est, à mon sens, principalement un sophisme. C’était vrai au XIXe siècle, et peut-être encore pendant une partie du XXe, mais plus aujourd’hui. Parce que même 10 millions de français armés de fusils d’assaut ne peuvent pas grand chose contre une armée de drones, ou de l’aviation moderne. Mais surtout, ça nous ferait de belles jambes d’être armés jusqu’aux dents si le gouvernement oppresseur arrive à couper tous les réseaux de distribution d’énergie, de nourriture et d’eau, d’approvisionnement en équipements, et de transmission d’information. Pendant la 2e GM, une très grande partie de la population était habituée à ne reposer que sur une technologie assez rustique et autonome, et quand bien même la situation des Résistants sous l’occupation/la collaboration était significativement plus difficile que celle des citoyens sans histoire, ils pouvaient encore « bricoler ». De nos jours, on est habitué à être tellement plus servis par la technologie, à dépendre d’elle, que nous frapper là serait infiniment plus efficace que nous affronter militairement. En plus, ça ferait office de sanction collective, et il y a un risque que des « citoyens sans histoire » prennent alors le parti de l’oppresseur, en disant que tous ces problèmes, ce sont la faute des résistants.

Par rapport à la sécurité publique en général, en considérant un état de paix et de droit relatif, je ne suis pas persuadé que, dans le cas précis de la France, un assouplissement important de la réglementation apporterait le moindre avantage. Non seulement le risque d’accidents véritables augmenterait mathématiquement, mais en plus cet accès facilité à ces outils fortement létaux (sans parler des risques de handicap suite à des lésions nerveuses ou organiques irréparables) s’offriraient aux personnes sous l’emprise de la colère ou de la haine, même très temporairement, là où actuellement, les outils les plus dangereux qu’on puisse trouver facilement sont des pelles, des couteaux, etc… Le seul aspect où la mortalité n’augmenterait pas forcément beaucoup, c’est dans les cas de préméditation, menfin faible soulagement.

La loi sur les armes a d’ailleurs changé assez récemment, sous l’impulsion du droit européen. Alors qu’on avait alors 8 catégories, définies avec les pieds et selon des critères assez ahurissants, il n’y en a maintenant plus que quatre: les armes totalement interdites, les armes interdites sauf autorisation, les armes soumises à déclaration et autres modalités (licence de tir, permis de chasse), et les armes en vente libre aux majeurs. C’est plus simple quand on connaît la catégorie de l’arme, mais du fait de l’absence totale de définition technique, difficile de toujours savoir quelle arme est dans quelle catégorie. Et des fois une arme ancienne est en vente libre, mais sa munition est interdite sauf autorisation. Bref, ça reste un peu le bordel, mais globalement, c’est plutôt assez équilibré puisque les citoyens qui le désirent conservent un accès aux armes (il n’en va pas de même en Grande Bretagne, par exemple), mais elles ne sont pas à la portée du premier irascible venu. Et globalement, la violence par arme à feu est très réduite, et même les accidents.

En tant qu’amateur d’armes, la seule chose que je déplore c’est que nos armes réglementaires nationales obsolètes subissent exactement le même régime que toutes les autres, ce qui fait que quantité d’armes qui ont été payées par le peuple français ont été soit détruites, soit neutralisées, soit vendues pour une bouchée de pain à des pays où la loi en permet l’accès facile aux citoyens. Sur le fusil Chassepot, conçu en 1866, qui est une antiquité et une daube sans nom au regard de l’état de la technologie actuelle, toutes les vidéos que l’on trouve sur YouTube sont le fait d’américains! Les fusils à répétition manuelle, a fortiori réglementaires, devraient être plus faciles d’accès, car ils sont d’une dangerosité assez limitée (incamouflables, faible capacité, lenteur relative du tir et du réapprovisionnement), mais fiables, puissants, précis et « polyvalents » (résistance, maintien de l’ordre, chasse, tir de loisir, etc). Si la mortalité qu’ils causent augmente au carré de leur disponibilité, il est évident qu’il faudrait immédiatement revenir en arrière, car la sécurité publique prime avant tout, et l’utilisation de telles armes comme réels outils de résistance, comme je l’ai montré, est illusoire.

Bonjour,

Pour être franc, je n’aime pas les armes.

Tout d’abord, le post de Morpheus m’a beaucoup fait réfléchir et je ne peux pas m’empêcher de penser que son raisonnement est juste. Malgré tout, le port d’arme ne serait utile qu’une fois que la société serait parfaitement égalitaire or le changement ne se fait pas en un clin d’œil et la transition ne me semble pas opportune pour armer les gens.

De plus, dans un pays où il existe tant de cultures, tant de différences, la société peut-elle réellement être égalitaire à chaque seconde ? (j’exagère volontairement mais c’est fait exprès pour mieux me faire comprendre)
J’ai personnellement très peur de dérapages fréquents. Et je ne parle pas de malades psychiatriques qui pourraient alors causer de « sacrés carnages ».

J’aimerais également revenir sur les problèmes de l’armement de la police et de l’armée. A mes yeux, l’armée n’a plus aucune légitimité.
Selon moi, il ne devrait y avoir qu’une seule armée européenne (puis mondiale) qui ne devrait agir que dans un but humanitaire et défensif suivant différents critères à définir.

La police ne devrait être équipée que d’armes électrisées, aucune arme létale. Pourquoi ne pas en profiter pour proposer un vote de contre ordre par la police. Par exemple, Capitaine X ordonne un ordre insensé, les policiers votent un contre ordre et si la majorité est obtenue, le Capitaine se voit retirer de ses fonctions ou une autre punition à définir.

Concernant les citoyens, je pensais que ce plan C prévoyait un véritable pouvoir au peuple afin de renverser tout usurpateur ?
Qui plus est, si les citoyens sont plus impliqués dans la société, ils seront plus à même de se soulever AVANT qu’un tyran ne puisse détenir le pouvoir, et alors l’utilisation d’arme serait inutile.

[...] A mes yeux, l’armée n’a plus aucune légitimité. Selon moi, il ne devrait y avoir qu’une seule armée européenne (puis mondiale) qui ne devrait agir que dans un but humanitaire et défensif suivant différents critères à définir.
Pour commencer, il serait bon de transformer l'OTAN en institution spécialisée militaire de l'ONU chargée des opérations de maintien et de rétablissement de la paix ordonnées par la communauté internationale.
La police ne devrait être équipée que d’armes électrisées, aucune arme létale. Pourquoi ne pas en profiter pour proposer un vote de contre ordre par la police. Par exemple, Capitaine X ordonne un ordre insensé, les policiers votent un contre ordre et si la majorité est obtenue, le Capitaine se voit retirer de ses fonctions ou une autre punition à définir.
Ce ne serait pas possible dans les cas (fréquents) d'interventions d'urgence. Pour ces opérations-là, il faudra bien que la police soit armée, et on n'a pas le temps de discuter les ordres : tout juste de désobéir si l'on croit que l'ordre est illégal – le cas doit se présenter très rarement en France.

JR

On est d’accord avec l’OTAN, même si le cœur du problème vient de "ordonnées par la communauté internationale. " qui est clairement à remettre à plat quand on voit l’inaction affligeante face aux massacres qui se déroulent partout dans le monde.

En effet, tu as raison, dans l’urgence, le besoin d’armes serait indispensable cependant, j’entrevois plusieurs possibilités:
-dans le cas où un tyran impose des ordres à ces forces de police (et je doute fort que ce genre d’ordre soit donné dans l’urgence), celle ci pourront refuser d’obéir via le « système de contre-ordre »
-ensuite, on pourrait imaginer un système intermédiaire, créer des bunkers blindés d’armes et verrouillés dans l’optique d’une opposition de la part d’une force inconnue. Imagions une personne tiré au sort pour un poste dans la sphère décisionnelle, une fois son mandat terminé et noté comme irréprochable, elle pourrait se voir confier une clés pour ouvrir un bunker (il faudrait bien sur plusieurs clés pour ouvrir un bunker)
(ça fait un peu science fiction, j’en suis conscient mais je ne pense pas que les armes aient leur place dans une société civilisée et égalitaire)

Je crains vraiment que des personnes se lancent dans une justice personnelle. Même avec un système égalitaire, l’esprit humain est mal compris encore aujourd’hui et nous ne sommes pas à l’abri d’un excès de démence.

Une des grandes raisons pour lesquelles l’ONU n’est pas toujours en mesure de maintenir ou de rétablir la paix est qu’elle ne dispose pas d’une armée permanente ou mobilisable immédiatement et effectivement placée sous ses ordres (actuellement, en pratique, les forces de l’ONU sont placées sous les ordres des gouvernements qui fournissent un contingent). Il y a bien un comité d’état-major faisant rapport au Conseil de sécurité mais il ne sert à rien.

Commençons par là.

Autre chose : en dehors des situations d’urgence, je ne vois quels ordres peut donner la hiérarchie policière. Si l’on pense à la répression des mouvements de foule, c’est le ministre de l’intérieur qui décide de la stratégie, et même parfois de la tactique. Le ministre de l’intérieur est membre du gouvernement et, donc, contrôlé par le Parlement élu. JR

Je me permet de relancer un peu le débat ici suite à la conférence-débat au Palais de Tokyo avec Laurent Henninger (qui d’ailleurs est intéressant au niveau des connaissances, mais le fait rentrer mal à point dans le débat).

https://www.youtube.com/watch?v=k0fHC0iyouU#t=4805

Ce débat relance la question du rôle, de la place, de la législation sur les armes dans une démocratie « idéale ».
Etienne semble avoir été plus ou moins séduit par la logique « américaine », selon laquelle un citoyen libre est un citoyen qui a les moyens physiques de se défendre contre un Etat oppressif, et donc a accès aux armes. Il est absolument certain qu’in fine, si la loi et la constitution sont violées par les puissants, c’est pas avec des pétitions qu’on fera cesser ces abus. Il faut bien, d’une manière ou d’une autre, des armes parmi la population civile. Mais c’est une généralité théorique sans contenu concret. Et autant cette nécessité d’avoir une capacité de résistance à l’oppression et à l’arbitraire de puissants est une chose, autant on peut aussi étudier la question -qui n’est pas la même- du droit, de la responsabilité, de la sécurité des citoyens quand à la possession d’armes.

On a donc deux aspects:
-nécessité que le peuple soit armé dans le but de pouvoir résister à l’oppression
-droit et limites du droit individuel à la possession d’armes
Attention, car cette nécessité collective d’auto-défense contre l’oppression ne permet en rien de présumer d’un quelconque droit individuel et particulier: on peut imaginer un système d’arsenaux publics, dont le déverrouillage et l’ouverture ne peut être obtenue que par l’insertion de plusieurs centaines de clés magnétiques, confiées à des citoyens tirés au sort. Par ailleurs, on ne peut pas laisser le droit individuel aux armes illimité, car alors le SMICard aurait un vieux fusil à verrou et quelques dizaines de cartouches, et l’ultra-riche une armada de porte-avions, chars lourds et autres engins de guerre, et la structure de domination et d’oppression deviendrait simplement insubversible.

L’armement « public » est assez problématique. Il est évident que les armes portatives/individuelles sont largement insuffisantes à assurer l’objectif de résistance à l’oppression face à un Etat ou une entité de ce genre, qui a potentiellement la capacité d’enrôler à son service des moyens bien supérieurs. Si les armées « étatiques » du monde luttent entre elles à coup de sous-marins nucléaires, pour s’affranchir totalement du risque de dictature, il faut que l’armée populaire ait des moyens au moins égaux, sinon supérieurs. On peut cependant prendre en compte le facteur humain, et dire que dans une démocratie idéale, une grande partie du personnel de l’armée déserterait si les puissants commençaient à leur donner des ordres contraires à l’éthique, rendant ce matériel inutilisable par faute de « main d’oeuvre ». On peut donc préparer l’armée populaire pour être en état de battre une force moindre, moins organisée et moins bien fournie que ne l’est l’armée en temps normal. Cependant, même diminuée, amoindrie et désorganisée, on ne peut espérer battre une armée passée sous la coupe des dictateurs sans un matériel moderne, puissant et efficace. Du matériel rigoureusement militaire, qu’il est inconcevable de laisser entre des mains privées, et qui doit être exclu du droit individuel à la possession d’arme, sans même que cela ne fasse débat. Je parle ici de bases aériennes toutes équipées, de navires de guerre, de centres de « renseignement » en liaison avec des satellites, etc. Bref, de matériels, équipements et infrastructures de guerre moderne.

Réfléchir à organiser la possession commune, le financement, l’entretien, et la « mise en utilisation » de tout ce matériel de l’armée du peuple, aussi bien contre les menaces extérieures qu’intérieures, est une tâche plutôt déplaisante, à cause notamment du formatage antimilitariste dont on est tous victimes. En plus, on se figure extrêmement mal les nécessités militaires modernes (ou même anciennes). Bref, on est à peu près à poil, en tant que citoyens, pour simplement réfléchir à organiser notre auto-défense sérieusement. C’est un problème. On a cependant la chance que ce ne soit pas une priorité absolue, qui n’a pas forcément à être traitée en détail dans la Constitution. On peut se borner à écrire qu’il doit exister une capacité, activable à tout moment, pour le peuple de se défendre face à l’agression d’une force armée étatique, reposant sur les mêmes principes démocratiques que le reste de la Constitution (alors qu’il me semble tout de même préférable que l’armée de métier soit un minimum disciplinée et hiérarchisée).

Par contre, le droit individuel à la possession et à l’utilisation d’armes légères est une toute autre matière. Contrairement à la capacité d’auto-défense du peuple, c’est loin d’être une nécessité (hormis pour la chasse: que ça plaise aux écolos ou non, les chasseurs assurent un rôle de régulation des espèces nuisibles, et ils sont absolument irremplaçables même à moyen terme). Les progrès militaires ont rendus les armes légères peu efficaces face à une armée moderne, et les IEDs en Irak et Afghanistan ont fait plus de morts et sont un danger bien plus réel pour les troupes américaines que les kalachs ou même les lance-roquettes. En ce moment même, Tsahal est en train de démontrer l’impuissance totale de l’armement léger du Hamas, et bombarde à tour de bras sans enregistrer la moindre perte, dans un show spectaculaire de représailles gratuites (terrorisme) contre une population considérée collectivement coupable. L’argument de l’arme dans chaque foyer pour lutter contre la dictature est donc assez faible, même s’il est vrai que « c’est toujours ça ».

Vient ensuite l’argument de la sécurité publique. Là on constate une chose intéressante: il se retrouve aussi bien en faveur d’un droit assez souple, large et tolérant, qu’en faveur d’un droit très restrictif. L’argument des « pro-armes », c’est qu’une personne armée est un risque mortel pour le truand, et que le fait de savoir que la cible potentielle peut être armée a, en soi, un fort pouvoir dissuasif, et donc contribue à la sûreté publique. L’argument des « anti-armes », c’est qu’une personne armée devient d’un seul coup beaucoup plus dangereuse, dans le sens où la gravité des blessures et le risque de mort est très accru comparé aux poings, battes, couteaux, etc, et qu’une profusion d’armes implique une élévation drastique des chances qu’une « situation chaude » se termine beaucoup plus mal. Difficile de départager ces deux argumentations. Les « pro-armes » signalent en plus que si les « law-abiding citizen » (les citoyens qui respectent la loi) se conformeront plutôt convenablement aux restrictions, les truands, eux, ne le feront pas, et qu’interdire les armes par la loi n’aura pas grand effet sur les meurtres liés au banditisme, aux guerres de gangs, à la criminalité, les armes étant pour eux des « outils de travail » plus ou moins coûteux selon qu’il est facile ou difficile de s’en procurer.

Vient enfin l’argument du droit « pur ». Le droit conféré « de base » lorsqu’il n’y a pas d’excellente et nécessaire raison d’interdire. Le droit qui existe parce qu’on ne reconnaît à personne l’autorité d’interdire cela. Cette mentalité-là est assez présente aux USA, à peu près inexistante en France, c’est un fait. Cependant, ça me paraît moi assez légitime qu’on ne perpétue pas « par tradition » des interdictions dont on aura pas réussi à prouver la nécessité, ou tout au moins la très importante utilité. Qu’il ne faut pas partir « de base » d’une régime d’interdiction, mais au contraire de droit, et ensuite le restreindre en fonction des nécessités (peut-être pourrait-ce être un principe de la Constitution?). C’est discutable.

Il faut savoir qu’actuellement, la loi classe les armes en quatre catégories:
a) rigoureusement interdites et inaccessibles au public: armes en « full-auto », bazooka fonctionnels, explosifs militaires, armes dissimulées (pistolet stylo, etc)
b) interdites, sauf dérogation (autorisation préfectorale): quasiment toutes les armes de poings, armes longues semi-automatiques
c) autorisées sous condition (licence ce tir ou permis de chasser): armes longues de chasses et de tir à un coup par canon, à rechargement manuel jusqu’à onze coups (une cartouche dans la chambre, dix dans la magasin), ou semi-auto jusqu’à trois coups (une cartouche dans la chambre, deux dans le magasin)
d) globalement autorisés (mais éventuellement soumises à déclaration): armes dont le modèle est antérieur à 1900, armes neutralisées (inaptes au tir et non fonctionnelles), armes blanches

Cette loi me paraît globalement assez bonne, et équilibre plutôt bien le compromis entre droit individuel et méfiance générale/sécurité, de manière assez adéquate avec la « mentalité française » sur cette question. Personnellement, j’aurais juste tendance à introduire des facilités particulières pour le rachat par les citoyens des armes de surplus, qu’il a déjà payé de sa poche par les impôts. On retrouve aux USA à 100$ des armes réglementaires (et obsolètes) qui ici se vendent dans les 500-700€, et c’est particulièrement peu compréhensible notamment pour les fusils à verrou dont la dangerosité est tout de même très limitée. Il faut quand même savoir que des armes produites peu après la Guerre de 70 (systèmes Lebel et Berthier) étaient encore classés dans la même catégorie que les AR15 (« M16 ») semi-auto civils il y a à peine quelques années de cela!
A mon sens, plutôt que changer les lois encadrant l’achat et la possession d’armes, que je trouve assez équilibrée et logique, ce qu’il faudrait ce serait plutôt dédiaboliser les armes. Parce qu’un citoyen qui a la phobie des armes (et la haine de l’armée, fût-elle populaire et a-hiérarchique) a malgré tout une moindre capacité de résistance. Et qu’un citoyen désarmé est un citoyen moins puissant.