Eric, en instance d’inscription sur le forum m’a chargé de mettre ici son intervention.
Dans le même post, je met à la suite ma réponse puis sa réponse à ma réponse. C’est bien clair j’espère !
Eric le 3 novembre 2012 à 10:03:
<< Bonjour à tous.
J'ai terminé de lire "Principes du gouvernement représentatif" (1995) de Bernard Manin. La réédition de 2012 contient une postface inédite qui a été écrite en 2010. En lisant cette posface de 26 pages, j'ai eu l'impression que Bernard Manin a retourné sa veste. Figurez-vous qu'il utilise une douzaine de fois le terme "démocratie" pour qualifier le régime actuel !! Il utilise également l'expression "démocratie représentative" à quatre ou cinq reprises. L'expression "gouvernement représentatif", quant à elle, n'apparaît que quatre fois dans cette postface, si je ne m'abuse.
Cette postface constitue presque un panégyrique du gouvernement faussement représentatif. Bernard Manin écrit (p. 331) : "Entre les dispositifs proprement représentatifs et les interventions directes des citoyens, un rapport de coexistence et de complémentarité, plutôt que de concurrence ou de conflit, paraît s'être établi." "... les nouvelles formes d'activisme contribuent même à une renaissance de la démocratie représentative." (P. 332) "... les démocraties représentatives des dernières décennies se sont avérées capables de faire place à des formes d'influence directe des citoyens sur la décision publique."
Il se moque du monde car le peuple n'est pas écouté par ses représentants qui vont même jusqu'à trahir ses intérêts. Bernard Manin est en plein déni de réalité. Il ne dit pas que les médias de masse sont entre les mains des lobbys sionistes, bancaires, industriels et militaires et que par conséquent la volonté du peuple n'est pas représenté par ces médias.
Chose plus grave, pour lui les manifestations et les pétitions sont des phénomènes parfaitement normaux alors même qu'ils prouvent clairement que la France n'est pas une démocratie. Si la France était une démocratie, les Français n'auraient en effet pas besoin de descendre dans la rue et de signer des pétitions fréquemment pour manifester leur mécontentement, car ils n'auraient quasiment pas de sujets de mécontentement. En tout cas, il ne serait pas nécessaire de signer des pétitions et de manifester dans la rue pour venir à bout des problèmes. De plus, Bernard Manin ne dit pas que ces pétitions et manifestations ne servent à rien.
Même si son essai (à l'exclusion de sa postface) constitue un outil précieux pour lutter contre le gouvernement faussement représentatif, Bernard Manin n'est pas l'un des nôtres.
Eric >>
Le 5 novembre 2012 à 14:18
Eric,
Je voudrais rebondir sur ta phrase "
Même si son essai (à l'exclusion de sa postface) constitue un outil précieux pour lutter contre le gouvernement faussement représentatif, "
et ta conclusion "Bernard Manin n'est pas l'un des nôtres."
Une des choses que j'apprécie beaucoup dans l'approche d'Etienne est son absence de dogmatisme.
Si Bernard Manin, après tout ce qu'il a dit de bien contre le gouvernement faussement représentatif en arrive à écrire
cette postface, cela mériterait d'abord de s'interroger pourquoi avant de le jeter dans le camp des affreux.
Peut-être faudrait-il d'abord lui demander de s'expliquer et analyser sa réponse s'il nous en fait une.
C'est par le dialogue qu'on progresse et si vraiment ses arguments sont sérieux face à ceux d'Etienne, alors il
faudra peut-être revoir notre copie.
Cordialemnet,
Emmanuel
PS:J’ai reçu son livre la semaine dernière avec la nouvelle postface mais j’ai un livre et demi de retard et je ne l’ai pas ouvert.
Ce à quoi Eric m’a répondu :
<<"Ainsi Bernard Manin a lui aussi sacrifié à la novlangue comme un vulgaire présentateur de journal télévisé :
"Le novlangue (traduit de l’anglais Newspeak, masculin dans la traduction française d’Amélie Audiberti) est la langue officielle d’Océania, inventée par George Orwell pour son roman 1984 (publié en 1949). C’est une simplification lexicale et syntaxique de la langue destinée à rendre impossible l’expression des idées subversives et à éviter toute formulation de critique (et même la seule « idée » de critique) de l’État. Le mot novlangue est depuis passé dans l’usage au féminin par analogie avec langue, lorsqu’il désigne péjorativement un langage destiné à déformer une réalité, hors du contexte du roman.
Ce concept illustre également un propos du logicien Bertrand Russell assurant que nul problème ne pourra être résolu, voire perçu, si l’on prend soin d’éliminer au départ toute possibilité de le poser."
Wikipédia
La postface (2010) de Principes du gouvernement représentatif (1995) relève de la seconde acception de la novlangue car il est indubitable que Bernard Manin déforme la réalité en utilisant le terme « démocratie » au lieu de l’expression « gouvernement représentatif », alors même qu’il sait pertinemment que le régime actuel n’est pas une démocratie.
Pourquoi a-t-il fait cela ? Peut-être a-t-il subi des pressions. Peut-être n’aurait-il pas pu conserver son poste de directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et son poste de professeur de science politique à la New York University s’il avait refusé de trahir la vérité."
Emmanuel, je te rappelle que l’essai de Bernard Manin s’intitule « Principes du gouvernement représentatif » et non « Principes du gouvernement faussement représentatif ». C’est Etienne qui a ajouté à juste titre l’adverbe « faussement » (ou « prétendument »). Par conséquent Bernard Manin a considéré jusqu’en 2010 que le régime actuel est tout de même « représentatif », même si jusqu’à cette date il n’est pas allé jusqu’à assimiler le gouvernement représentatif à la démocratie. Pour moi son attitude s’inscrit dans le phénomène de la trahison des clercs qui ne date pas d’hier. L’essai (« La trahison des clercs ») de Julien Benda date de 1927.
Tu as écrit : « si vraiment ses arguments sont sérieux face à ceux d’Etienne, alors il faudra peut-être revoir notre copie. »
Je suis très étonné que tu aies pu écrire une chose pareille, bien que tu n’aies pas encore lu la postface. D’abord sache que Bernard Manin ne cherche pas à nous convaincre (en accumulant les arguments) dans cette posface que le gouvernement représentatif est assimilable à la démocratie (*). Il se contente d’employer le terme « démocratie » (à environ douze reprises) à la place de l’expression « gouvernement représentatif ». Ce faisant il se conduit comme les grands maîtres de la subversion du langage (BHL, Attali, Sarkozy, etc.), autrement dit, les grands maîtres de la novlangue.
(*) En fait dans cette postface il poursuit son analyse de ce qu’il appelle « la démocratie du public » (p.310) : « Je voudrais ici actualiser et préciser mon analyse initiale de la démocratie du public à la lumière de ces travaux plus récents. »
Eric>>