71 Bonapartisme et démocratie

Bonjour à tous.

Voilà un bon moment maintenant que je n’ai plus foi en la démocratie. Je considère ce système comme le terrain le plus fertile pour la corruption et la manipulation. Aussi, je constate généralement autour de moi que le Français moyen ne connais pas grand chose en politique et vote souvent en fonction des clichés médiatiques. Je ne lui en veut pas, c’est juste qu’il a d’autres préoccupations.

Ainsi, je considère, peut-être à tort, que le peuple n’est pas capable de se gouverner lui-même et que la démocratie est une illusion, une utopie, un fantasme. Je suis bonapartiste, et en cela je pense que la France doit être gouvernée par un Grand Homme, tel Napoléon ou encore, plus récemment, De Gaulle. Un homme providentiel, charismatique, qui incarne la France et tire le pays vers le haut.

Il homme fort et juste. Bien-sûr, on pourra me dire que cela relève aussi du fantasme que de penser qu’un homme est infaillible. C’est en partie vrai. Mais aussi en partie faux car la France n’a jamais été plus grande que lorsqu’elle était dirigée par un grand. Quelqu’un qui tranche, qui prend des décisions cruciales, qui représente avec vigueur le pays à l’international.

Un homme de cette trempe, avec le caractère incorruptible d’un Robespierre et la grandeur d’un Bonaparte ou De Gaulle, voué à la France et aux Français, serait (et a déjà été) pour moi la meilleure solution pour notre pays. Avec cela, une liberté d’expression totale et une grande liberté d’entreprendre au niveau national. Un protectionnisme pour contrer les folies du libre-échange…etc. En gros, une politique souverainiste et populiste. Pour le peuple… mais pas par le peuple.

Je suis ici pour parler de cela avec vous. Car malgré le fait que je ne crois plus à la démocratie, je ne demande qu’à y croire. Je suis récemment tombé sur l’idée de tirage au sort proposé par M. Chouard et cela m’intéresse beaucoup. Je crois aussi à la démocratie locale, là les gens sont plus concernés et informés.

Enfin bref, je n’arriverais jamais à me détacher de ma pensée bonapartiste : un homme fort, incarnant le pays. C’est comme ça, elle est en moi. Mais je voudrais savoir si cette pensée restait compatible avec la démocratie (à laquelle je voudrait croire malgré tout). Pas celle de notre ripoublique, la vraie démocratie. Celle du tirage au sort par exemple.

Qu’en pensez-vous ? J’aimerais vraiment pouvoir fusionner ces deux parties de moi-même, les rendre compatibles : bonapartisme et démocratie. J’espère que vous pourrez m’aider.

Merci à vous.

Salut.
Ben le truc c’est que l’on préfère être con, bête,laid, ignare,crasseux comme on est que beau et intelligent comme Bonaparte.

la démocratie a pour vocation première de protéger le peuple contre justement l’homme providentiel.
Pourquoi cela ? parce que l’homme providentiel (envoyé de Dieu tel le Monarque) a tendance a usé et abusé de son pouvoir (Despote de l’antique Rome), ce genre de régime tend vers l’absolutisme, le totalitarisme, bref la tyrannie.

et la vocation première de la démocratie (censitaire) est protéger la Nation (pas le peuple :wink: ) contre l’arbitraire autocratique et monarchique.

Vous avez parfaitement raison de douter de l’intelligence des Hommes, mais cette inintelligence est le résultat d’une éducation (ou de son absence précisément).
Pour rendre un homme intelligent celui ci doit être instruit (savoir) et éduquer (comportement). Quand a savoir quel comportement on doit lui apprendre cela dépend de la société qu’on vise a terme (et oui, il faut être réaliste, l’orientation de l’éducation est une propagande et un conditionnement)

Actuellement nous sommes dans une urgence extrême et nous n’avons plus vraiment le temps d’instruire et éduquer une majorité. Peut être faut-il tabler sur le 100ième singe, c’est a dire, qu’il suffit parfois d’une minorité hyper-soudé-cohérente (l’avant-garde éclairée) qui adopte un comportement différent et va contaminer le reste de la société. C’est pas de l’intelligence, le reste de la société ne va faire que copier bêtement, mais au moins cette copie va dans le sens que nous souhaitons… (et oui faut être réaliste c’est une manipulation - même si c’est dans l’intérêt du simple d’esprit)

pour opérer a long terme (voir très long terme) il faut imposer (oui) une éducation, cette éducation ne peut être laissé a la seule volonté des parents. Aujourd’hui il ne suffit pas simplement de donner des consignes entre parents qui veulent changer le monde pour qu’ils éduquent leur descendance d’une manière libératrice et anticonformiste (l’avant-garde éclairée), non ! il faut mettre la main sur l’éducation nationale, l’outil de conditionnement par excellence. Et pour prendre l’éducation nationale, il faut prendre le pouvoir (sécession, coup d’état, élection, révolution)

Indispensables GARANTIES

Bonjour Christopher, et bienvenue :slight_smile:

Bien sûr qu’un despote éclairé serait une bonne solution, mais à la stricte condition que soit garantie la lumière toujours bien allumée :slight_smile:

Et c’est bien là que le bât blesse, et depuis des milliers d’années ! Alors des milliers d’années d’échecs, des milliers d’années à constater que toujours et partout LE POUVOIR CORROMPT, ça va, on a compris et désormais, on va faire attention, très attention ; on va mettre en place des garanties. Des garanties que Bonaparte ne va pas devenir Napoléon (et conduire, par exemple, « sa » grande armée —et les armées d’en face— à la boucherie).

[bgcolor=#FFFF99]La démocratie n’est pas du tout hostile aux grands hommes : Athènes a écouté et glorifié un Périclès ou un Démosthène pendant des décennies.
MAIS Périclès et Démosthène DEVAIENT PROUVER leur valeur TOUS LES JOURS ![/bgcolor]

Et c’est bien ça le point : [bgcolor=#FFFF99]il n’y a pas d’aristocratie qui vaille sans épreuve permanente[/bgcolor], je dis bien permanente. Et bien sûr, toute idée d’aristocratie héréditaire est une escroquerie de premier rang, une blague.

Cher Christopher, nous consentons aux pouvoirs, mais nous voulons DES GARANTIES.
Apparemment, le « bonapartisme », comme le royalisme, n’en donne pas assez. :wink:

Souvenez-vous des paroles puissantes de Robespierre à propos de la Constitution :

[b]Les lois constitutionnelles tracent les règles qu'il faut observer pour être libres[/b] ; mais c'est la force publique qui nous rend libres de fait, en assurant l'exécution des lois. La plus inévitable de toutes les lois, la seule qui soit toujours sûre d'être obéie, c'est la loi de la force. L'homme armé est le maître de celui qui ne l'est pas ; un grand corps armé, toujours subsistant au milieu d'un peuple sans armes, est nécessairement l'arbitre de sa destinée ; celui qui commande à ce corps, qui le fait mouvoir à son gré, pourra bientôt tout asservir. Plus la discipline sera sévère, plus le principe de l'obéissance passive et de la subordination absolue sera rigoureusement maintenu, plus le pouvoir de ce chef sera terrible ; car la mesure de sa force sera la force de tout le grand corps dont il est l'âme ; [bgcolor=#FFFF99]et fût-il vrai qu'il ne voulût pas en abuser actuellement, ou que des circonstances extraordinaires empêchassent qu'il pût le vouloir impunément, il n'en est pas moins certain que, partout où une semblable puissance existe sans contrepoids, le peuple n'est pas libre, en dépit de toutes les lois constitutionnelles du monde ; car [size=25][b][color=red]l'homme libre n'est pas celui qui n'est point actuellement opprimé ; c'est celui qui est GARANTI de l'oppression par une force constante et suffisante.[/color][/b][/size][/bgcolor]

Ainsi, toute nation qui voit dans son sein une armée nombreuse et disciplinée aux ordres d’un monarque, et qui se croit libre, est insensée, si elle ne s’est environnée d’une sauvegarde puissante. Elle ne serait pas justifiée par la prétendue nécessité d’opposer une force militaire égale à celle des nations esclaves qui l’entourent. Qu’importe à des hommes généreux à quels tyrans ils seraient soumis ? et vaut-il la peine de se donner tant de soins et de prodiguer tant de sang, pour conserver à un despote un immense domaine où il puisse paisiblement fouler aux pieds plusieurs millions d’esclaves ? Je n’ai pas besoin d’observer que le patriotisme généreux des soldats français, que les droits qu’ils ont acquis, dans cette révolution, à la reconnaissance de la nation et de l’humanité entière, ne changent rien à la vérité de ces principes ; [bgcolor=#FFFF99]on ne fait point de lois, on ne fait point une constitution pour une circonstance et pour un moment. La pensée du législateur doit embrasser l’avenir comme le présent. Or, cette sauvegarde, ce contrepoids nécessaire, quel est-il ? les gardes nationales.[/bgcolor]

Robespierre, Discours « Sur l’organisation des gardes nationales « Elles porteront sur leurs poitrines ces mots gravés : Le Peuple français. Liberté, Égalité, Fraternité. » », le 18 décembre 1790.
http://etienne.chouard.free.fr/Europe/ROBESPIERRE_DISCOURS_SUR_L_ORGANISATION_DES_GARDES_NATIONALES_decembre_1790_r.pdf


Pas de libertés sans Constitution.
Pas de Constitution sans garantie des droits ou sans séparation des pouvoirs.

Bien à vous.

Étienne.


« Vous admirez les grands hommes ; je n’admire que les grandes institutions.
Je crois que pour être heureux, les peuples ont moins besoin d’hommes de génie que d’hommes intègres. »

Montesquieu à Machiavel dans le deuxième dialogue aux enfers

Salut.
Je crois que même un d’espote éclairé dont la lumière serait éternel ne serait pas une bonne chose.
Vive l’éclairage public.

Bonsoir M. Chouard et merci pour votre réponse.

Je ne comprends pas : comment un grand homme pourrait émerger si l’on suit votre solution du tirage au sort ? Qui va le nommer ? L’élire ?
Je vous écoute à ce sujet depuis quelques jours. J’ai bien compris votre système d’une chambre élue et une autre tirée au sort. Mais qu’en est-il du « président » ?

Aussi, et surtout, il n’est pas de grands hommes sans pouvoir. Or dans votre système, quel pouvoir lui reste-t-il s’il a les « mains liées » par une Constitution ? Un grand homme enfermé dans une Constitution ne pourra jamais laisser s’exprimer son génie. Quelle possibilité d’action et de décision lui reste-t-il ?

Merci.

PS : Je ne suis pas d’accord avec vous quand vous présentez, comme beaucoup aiment à le faire, Napoléon comme un boucher sanguinaire. Il ne faut pas oublier que c’est l’Angleterre qui, obsédée par le port d’Anvers que nous possédions, a toujours liguée l’Europe contre la France révolutionnaire. Je ne compte plus les tentatives de paix que Napoléon a tenté, en vain. Est-ce être un tyran que de se défendre face aux rois coalisés ?

Il a fait des erreurs, certes, mais le tenir comme seul responsable des boucheries de la guerre c’est faire un raccourci très facile.

Amicalement.

Salut.
Mais on a toutes possibilités de devenir des grands hommes ,dans nos familles ,dans nos villages,dans nos syndicats…
Pas besoin d’avoir le pays à ses pieds.
De grands hommes et de grandes femmes dont l’Histoire ne retiendra pas les noms mais qui seront chères à leurs famille à leurs collègues à leurs voisins, plus peut être.
Note grandeur ne se mesure pas à notre puissance.

Les grands et les petits hommes

(Les grandes et les petites femmes aussi – je suppose que c’est sous-entendu, mais de nos jours il y a parfois intérêt à préciser.)

Plus que tout autre système, la démocratie s’accommode des deux catégories de personnages, pourvu que l’exercice du pouvoir soit à tout moment contrôlable par les citoyens.

Par les citoyens : pas seulement par un pouvoir faisant partie des institutions (exemple : une deuxième chambre du parlement tirée ou pas tirée au sort, comme on en propose ici de temps en temps).

Avec la démocratie, le grand homme est admirable. Sans la démocratie, il est une insulte publique et permanente, plus ou moins subtile, à la dignité de chacun d’entre nous, et il n’a donc jamais droit à l’admiration des citoyens : seulement à leur indulgence, s’il a rendu de grands services en dépit du détestable système qu’il a contribué à accréditer.

La démocratie n’a pas réussi à digérer le grand homme Napoléon, ni même le grand homme Bonaparte, parce qu’elle n’existait pas ouqu’elle n’avait pas à sa disposition les moyens de contrôle nécessaires. Avec un minimum de moyens (la simple opinion publique), elle a réussi à digérer le grand homme de Gaulle (peut-être plus grand, vu les circonstances, que ses illustres prédécesseurs).

On peut pardonner à Louis XIV, Bonaparte et Napoléon, on peut admirer de Gaulle. JR

[b]Les grands et les petits hommes[/b]

La démocratie n’a pas réussi à digérer le grand homme Napoléon, ni même le grand homme Bonaparte, parce qu’elle n’existait pas ouqu’elle n’avait pas à sa disposition les moyens de contrôle nécessaires. Avec un minimum de moyens (la simple opinion publique), elle a réussi à digérer le grand homme de Gaulle (peut-être plus grand, vu les circonstances, que ses illustres prédécesseurs).

On peut pardonner à Louis XIV, Bonaparte et Napoléon, on peut admirer de Gaulle. JR


Quelle puissance de réflexion!!!

La preuve de la démocratie par l’existence de l’opinion publique.

Jacques, su tu n’existais pas, il faudrait t’inventer!!!:mad:

le problème du grand homme n’est pas celui de son pouvoir institutionnel, en parallèle on peut d’ailleurs se demander si le contrôle et l’insignifiance du pouvoir accordé est propice a faire émerger de grands bonhommes, on pourrait penser le contraire, bref, son pouvoir réside dans la confiance que vous lui accordez.

d’un homme d’un seul, s’il a suffisamment de moutons, peut devenir un [bgcolor=#FFFF99]Berger[/bgcolor] et guider tout le monde, [bgcolor=#FFFF99]joyeusement, à l’abattoir[/bgcolor]. c’est par le consentement et le renoncement et le suivisme aveugle qu’un homme devient grand. Les grands hommes sont l’antithèse de la liberté, de l’égalité, de la démocratie.

Moi, grand homme, je te dis, non « lève toi et marche », mais « Saute et Meurs », je te le dis à toi, et a lui, et à vous, vous tous, mon aura si superbe vous fera vous exécuter.

En démocratie (et j’y préfère le terme DèmosArchie -peuple + commandement-) les grands hommes ne doivent jamais naître, ou pour le moins avoir de tribune publique.

Andrea, à voix haute : Malheureux le pays qui n’a pas de héros.
[…]
Galilée : Non. Malheureux le pays qui a besoin de héros.

  [i]La Vie de Galilée[/i], Bertolt Brecht