3F L’éventuel Conseil Constitutionnel doit être lui-même sous contrôle citoyen

Vous êtes très clair, en effet, et vous ressortez l’argument de la compétence qui n’a absolument pas lieu d’être.

Ce texte est du charabia technocratique pour camoufler une décision totalement idéologique.

L’impossibilité pour les personnes de se défendre avec la procédure d’ordonnance pénale
L’inversion du principe comme quoi c’est à l’accusation d’apporter des preuves de la culpabilité de l’accusé et non pas à celui qui est accusé d’apporter les preuves de son innocence.
La violation de la liberté et de la vie privée par le dispositif de surveillance mis en place.
Et j’en passe …

Toutes ces questions pourraient très bien être débattues par les citoyens et sont d’ordre idéologique, philosophique et politique tout comme l’est la constitution.

La façon ici dont le conseil constitutionnel a de se prendre pour un pouvoir judiciaire et d’en adopter le langage et les méthodes est une très grosse supercherie.

Quelles compétences sont démontrées ici, à part des compétences d’illusionnistes ?

Donc, je maintiens : [bgcolor=#FFFF99]la meilleure protection que nous pouvons avoir contre les lois anti constitutionnelles, c’est notre vigilance, on peut juger nous même si les lois préparées au parlement sont compatibles ou non avec notre constitution.[/bgcolor] Un conseil constitutionnel peut permettre de nous éclairer mais il ne doit pas avoir de pouvoir, l’obligation des grands médias de diffuser l’avis de ce conseil et de le commenter permettrait de lancer le débat public sur ces lois.

La délibération des lois à l’assemblée doit être de toute façon toujours l’occasion d’un débat public.

Les citoyens pourront ainsi demander à leurs députés la position qu’ils vont prendre sur la loi avant que celle-ci ne soit votée et ainsi faire pression s’ils la jugent contraire à la constitution et à leurs droits.

Ils pourront avoir recours aux chambres de citoyens pour cela, pour demander des comptes à l’élu, ou pour proposer sa révocation.

Si jamais une loi anticonstitutionnelle passe quand même, tant pis, de toute façon un conseil constitutionnel ne protège pas plus, sa protection est illusoire.

Ce genre de loi Hadopi n’arriverait jamais à l’assemblée avec un système de mise en responsabilité des élus.

Mais si vraiment vous avez trop peur de fonctionner sans un recours, autant que ce recours soit bien séparé des autres pouvoirs, et il faut dans ce cas se pencher sur l’idée d’Etienne d’une assemblée constituante permanente, le conseil constitutionnel pourrait en être issu par tirage au sort par exemple.

Sandy,

Sur quelle base assimilez-vous la procédure d’ordonnance pénale à l’impossibilité de se défendre ? Sans compter que, justement, le Conseil constitutionnel a demandé au parlement de préciser les dispositions législatives correspondantes, ce qui devrait vous faire plaisir. JR

Je vous invite à lire les nombreux débats au parlement sur la loi hadopi, c’est un peu hors sujet ici.

L’important c’est de comprendre que de nombreuses dispositions sont contraires à la constitution ou à la démocratie et que le conseil constitutionnel les laisse passer parce que c’est un organe politique qui porte une certaine idéologie, et parce que ces questions sont parfaitement politiques et idéologiques.
Bref il vous faut comprendre qu’en réalité l’image de pouvoir judiciaire qu’ils veulent se donner en en adoptant notamment le langage et les méthodes est une totale supercherie.
Ce ne sont pas des juges ni des sages, les questions dont ils traitent sont exactement les mêmes que les questions que traitent les députés à l’assemblée ou que nous citoyens nous traitons sur internet ou dans la rue
… Ce sont des questions totalement politiques et idéologiques.

Est-ce que vous voulez d’une société où on espionne tous vos faits et gestes en vous traitant comme un criminel potentiel ? oui ou non ?
Est-ce que vous tolérez que l’on écrive des lois pour satisfaire des lobbys, comme ici le lobby qui se cache derriere les droits d’auteur ? oui ou non ?
Est-ce que pour vous le droit d’auteur doit aller jusqu’à empécher les gens de s’échanger ou de copier des oeuvres musicales sur des supports numériques ? oui ou non ?
Est-ce que vous pensez qu’il est normal que l’on puisse vous accuser sans preuves et que ce soit à vous d’apporter les preuves de votre innocence ?

C’est avec idéologie que le conseil constitutionnel répond à ces différentes questions et tranche, en interprétant à sa sauce la constitution et notamment la charte des droits fondamentaux, mais est-ce vraiment son rôle ?

Vous devriez comprendre qu’il est parfaitement illégitime qu’une autorité comme celle ci tranche ces questions qui devraient être en réalité tranchées par les citoyens, parce que c’est nous qui devons décider de la société que nous voulons.

Ce genre de lois ne proviennent que du fait que nous ne sommes pas aujourd’hui dans un pays démocratique, un jour peut être vous comprendrez que nous n’avons pas besoin d’un conseil constitutionnel à partir du moment où les lois sont bien l’expression de la volonté générale comme elles devraient l’être et non pas l’expression de volontés particulières.

Je veux bien comprendre l’idée d’avoir des recours, après c’est un choix. Mais dans ce cas là faites en sorte que ces recours aient un intérêt. Le recours au conseil constitutionnel comme actuellement n’a strictement aucun intérêt.

@Jacques Roman
Message n°7907

Ce n’est même plus du légalisme de votre part, c’est de l’immobilisme. C’est, pour vous (comme sur le sujet de la monnaie), une certaine incapacité à changer de paradigme

Les médecins et les physiologistes qui ont refusé collectivement pendant plus de 100 ans la théorie d'Harvey sur la circulation sanguine présentaient-ils tous un déficit intellectuel majeur pendant toute cette période ?. … non, évidemment pas . Seulement, un changement de paradigme nécessite le plus souvent de surmonter des obstacles épistémologiques qui désignent "des représentations induites en particulier par les expériences premières que nous avons associé à un concept" (Bachelard). Cette notion d'obstacle permet de comprendre les raisons de l’exemple de la circulation sanguine. Face à un changement de paradigme, les partisans d’un ancien paradigme ne sont pas sensibles aux caractéristiques d’un nouveau ni aux démonstrations qui réfutent l'ancien.

Contrôle de constitutionnalité des lois/contrôle politique des lois

En relisant ce fil (y compris son titre), je trouve que nous avons tous eu le tort de ne pas bien différencier respect de l’état de Droit et exercice de la démocratie, et donc le Conseil constitutionnel et le peuple (les citoyens).

Le respect de l’état de Droit signifie le refus de l’arbitraire, d’où qu’il vienne - des actes arbitraires venant du peuple sont concevables. La démocratie consiste dans l’exercice de la souveraineté (nationale ou populaire) par le peuple. [b]Ces deux principes doivent être également respectés.

Plutôt qu’une institution de la démocratie, le Conseil constitutionnel est une institution de l’état de Droit : un organe constitutionnel spécial (à moitié juridictionnel, à moitié politique - « sui generis », comme l’avait dit l’ancien garde des sceaux Michel Debré en présentant le projet de la constitution actuelle). À ce titre, son rôle, très limité, consiste seulement à s’assurer qu’une disposition législative ne va pas à l’encontre de la Constitution, ce qui est une fonction de technique juridique. Cela dit, le Conseil constitutionnel n’est pas habilité à se prononcer sur l’opportunité politique d’une loi : cette question relève exclusivement de l’exercice de la démocratie ordinaire, c’est-à-dire du peuple directement ou de ses représentants.[/b]

Quoiqu’en pensent certains (notamment Sandy), il suffit d’aller voir sur le site du Conseil constitutionnel le genre de questions qui lui sont posées pour se rendre compte que, par sa nature technique, le contrôle de constitutionnalité n’est pas de la compétence d’une assemblée élue et encore moins d’une assemblée tirée au sort : fatalement, de telles assemblées apporteraient une réponse politique à des questions de nature non politique (même si elles ont des conséquences politiques) ; on pourrait s’en réjouir sur le plan politique, mais si la démocratie peut y trouver son compte (du moins si le contrôle était exercé par une assemblée élue), l’état de Droit n’y trouverait pas le sien, et l’on risquerait de grands désordres.

Aussi, plutôt que de recourir à un organisme tiré au sort (étonnant aveu d’impuissance en ce début du XXIe siècle) ou élu (puisque plusieurs participants voient dans l’élection un simple trompe-citoyens), il me semble que le contrôle politique des lois adoptées par le Parlement devrait être exercé directement par le peuple sous la forme d’un pouvoir d’opposition citoyenne. Comme nous sommes tous ici de grands démocrates, et même dans certains cas (n’est-ce-pas, AJH ?) très ouverts aux nouveaux paradigmes, je suppose que le principe au moins est assuré d’une belle unanimité ?

Je pense spécifiquement au mécanisme suivant :

Une loi est adoptée par le Parlement. Avant promulgation, elle peut est soumise au Conseil constitutionnel par le président de la République, le gouvernement et les parlementaires (système actuel). Dans ce cas, le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité à la constitution. En cas de décision de non-conformité, le Parlement réexamine la loi et fait les modifications nécessaires.

Dans le nouveau système, si la loi était adoptée par le Parlement, directement ou après modification à la demande du Conseil constitutionnel, des électeurs représentant un certain pourcentage des inscrits sur les listes électorales auraient la possibilité de faire opposition à sa promulgation ou à sa mise en application (modalité secondaire à préciser plus tard).

La procédure d’opposition citoyenne serait, comme de bien entendu, indéfiniment renouvelable, tant qu’un certain pourcentage d’électeurs s’opposeraient au projet de loi dans ses versions successives.

La question du pourcentage (seuil) requis pour faire opposition est évidemment cruciale. J’estime quant à moi que pour pouvoir soumettre à nouvel examen parlementaire une loi adoptée par le Parlement un seuil de 10 % des électeurs inscrits serait raisonnable. Il serait en effet inadmissible et d’ailleurs pratiquement irréalisable qu’un petit nombre d’électeurs agissant par caprice, ignorance ou mauvaise foi puissent à tout bout de champ faire réexaminer une loi avant sa promulgation en gaspillant le temps et l’argent des citoyens.

Autre aspect crucial : les modalités de l’opposition citoyenne. Il est hors de question d’organiser une consultation dans les formes classiques, avec bureau de vote (trop coûteux) ou par inscription sur un registre (qui ne respecterait pas l’anonymat, garantie d’une réponse sincère, et qui serait d’ailleurs assez coûteux aussi).

C’est donc par consultation électronique qu’il faudrait procéder. Je me permets de rappeler à cet égard les propositions faites en rapport avec le projet EUROCONSTITUTION.ORG (http://www.euroconstitution.org), propositions applicables mutatis mutandis au cas national. La sincérité du vote électronique serait contrôlée par les citoyens eux-mêmes, qui pourraient vérifier sur les listes électroniques centrales a) que le vote, l’abstention ou la non-participation ont été correctement enregistrés (moyennant un mot de passe) et b) que la liste centrale des résultats ne diffèrent pas numériquement de la liste nationale des électeurs publiée sous forme cryptée au début des opérations (cela pour éviter qu’on ajoute des votes fictifs), ces deux vérifications assurant conjointement la sincérité du vote.

Je rappelle par ailleurs les dispositions du projet EUROCONSTITUTION.ORG relatives à la proposition citoyenne de dépôt d’un projet de loi (y compris une proposition de loi tendant à abroger une loi existante) ou de tenue d’un référendum, également applicables mutatis mutandis au cas national. Cette procédure en quelque sorte positive viendrait compléter la procédure négative d’opposition citoyenne à une loi. Elle permettrait au peuple de passer outre à une décision de non-conformité prise par le Conseil constitutionnel, ou du moins d’engager la procédure de révision de la constitution nécessaire pour éviter un conflit entre celle-ci et le projet de loi. Le Conseil constitutionnel, comme vous savez, ne se reconnaît pas compétence pour connaître de la légalité ou de la légitimité des dispositions constitutionnelles, ni des dispositions législatives adoptées directement par le peuple dans l’exercice de la souveraineté nationale.

De cette manière, les citoyens auraient le dernier mot, ce qui satisferait pleinement au principe démocratique. Si la décision finale du peuple enfreint le principe de l’état de Droit, il aura tort mais sa décision prévaudra. Resterait à se confier en sa sagesse.

Qu’en pensez-vous ?

Suggestion complémentaire : rebaptiser le présent fil comme suit :
Il faut distinguer le contrôle de constitutionnalité des lois et leur contrôle politique (démocratique)

Le respect de l'état de Droit signifie le refus de l'arbitraire, d'où qu'il vienne - des actes arbitraires venant du peuple sont concevables. La démocratie consiste dans l'exercice de la souveraineté (nationale ou populaire) par le peuple. Ces deux principes doivent être également respectés.
Bonjour,

Ben non Jacques Roman, je n’accepte pas vos définitions de l’arbitraire, et encore moins de l’état de droit.

Le respect de l’état de droit, c’est simplement accepter de se soumettre à des lois.
Ne pas respecter l’état de droit, c’est simplement ignorer les lois.
Mais la loi en elle même peut provenir de différentes sources, des lois peuvent elle même provenir de décisions arbitraires.
Respecter l’état de droit ce n’est donc pas toujours refuser l’arbitraire.
Et donc vous vous trompez quand vous opposez l’état de droit et l’arbitraire.

En réalité l’abitraire s’oppose à la volonté générale.

Et c’est uniquement quand la loi est l’expression de la volonté générale que l’état de droit et l’arbitraire s’opposent vraiment. D’où votre confusion.
Et il n’y a pas lieu de séparer l’idée de démocratie et d’état de droit dès lors que l’on n’envisage la loi que comme l’expression de la volonté générale. J’espère que vous n’envisagez pas la loi autrement Jacques ?

La volonté du peuple c’est la volonté générale, par définition elle ne peut pas être arbitraire, vous vous trompez à nouveau là dessus.

L’arbitraire c’est le fait d’imposer par la force sa volonté aux autres, tandis que la volonté générale c’est par définition prendre une décision collective, tout le monde participe à la décision équitablement, la décision est tranchée par un mode de scrutin, ceux qui remportent ce scrutin obtiennent une autorisation légale d’exercer leur volonté et l’assentiment de tous les autres à exercer légitimement cette volonté, c’est tout le contraire de l’arbitraire.

Le conseil constitutionnel prend justement des décisions totalement arbitraires. Seule la souveraineté populaire repose sur la volonté générale du peuple, la souveraineté nationale, elle, repose sur l’arbitraire d’un cortège d’élus.

Un régime basé sur la souveraineté nationale donne une impression de démocratie, parce que sélectionner des élus c’est déjà participer à au moins une des décisions importantes, et c’est agir globalement un minimum sur l’orientation des futures politiques menées. De plus la pression du peuple, la séparation des pouvoirs, ainsi que les restrictions des lois, réduisent leurs marges de manoeuvre.
Mais tout dépend de l’arbitraire de l’élu. Soit celui-ci a vraiment un esprit démocrate et essaie de prendre des décisions conformes au programme qu’il a présenté aux citoyens, soit celui-ci n’est vraiment pas démocrate et prend des décisions qui n’ont strictement rien avoir quitte à faire le contraire de ce qu’il avait présenté dans son programme. En définitive, contrairement à ce que l’on laisse croire, ce n’est pas le peuple qui est souverain, mais ce cortège d’élus, ce qui va à l’encontre du principe de la souveraineté du peuple.

Dans un régime basé sur la souveraineté populaire, c’est à dire sur la supériorité de la volonté générale sur toute volonté particulière, il n’y a plus d’arbitraire possible, c’est bien le peuple, par des décisions collectives, qui se dirige lui même.
Les élus ne sont plus des représentants de la nation mais ils représentent les citoyens qui les ont élus. C’est cela la véritable démocratie.

Une constitution est un texte supérieur ( il n’existe pas de texte de droit au dessus ) qui traite de la question de la souveraineté.
Une constitution s’adresse aux pouvoirs qui sont institués, elle en définit l’organisation ainsi que les limites structurelles, c’est à ce niveau que sont séparés les pouvoirs.
La charte des droits fondamentaux qui fait partie à part entière de la constitution définit, elle, les limites de portée de ces pouvoirs.

La séparation des pouvoirs permet de lutter contre l’arbitraire, en effet il faut bien comprendre que si tous les pouvoirs sont concentrés entre les mêmes mains, alors seule la volonté particulière de celui ou ceux qui concentrent les pouvoirs peut s’appliquer, la volonté générale du peuple ne peut s’appliquer que si les pouvoirs sont bien séparés comme il faut ( il n’y a pas de recette c’est à nous de trouver l’équilibre des pouvoirs, la bonne organisation, qui le permet réellement ).

La charte des droits fondamentaux provient de l’idée que tout pouvoir même celui provenant de la volonté générale ne peut pas avoir une portée infinie et qu’il existe une partie de notre existence individuelle qui doit être libre de l’intervention de tout pouvoir.
Si un pouvoir possède une portée infinie alors c’est qu’il peut tout faire même le pire. Et c’est à mon avis à ce niveau que vous confondez les choses Jacques je pense quand vous dites que le peuple est capable d’arbitraire, c’est qu’effectivement si on accorte au pouvoir issu de la volonté générale du peuple une portée infinie, alors on lui accorde la possibilité aussi d’être capable du pire, et un tel pouvoir ne serait pas différent en pratique d’un pouvoir tyranique. Tout pouvoir doit avoir une portée limitée même celui issu de la volonté du peuple.

Quand la charte définit un droit pour les citoyens ou un devoir pour les pouvoirs publiques, elle ne fait qu’obliger les pouvoirs institués par la constitution à produire une certaine législation.
Mais pour le citoyen, ce n’est pas vraiment ni la constitution ni la charte qui s’appliquent à lui, ce sont bien les lois et uniquement les lois.

Alors toute la difficulté est de justement s’assurer que la constitution et la charte des droits fondamentaux sont bien appliqués par les pouvoirs institués.

Dans un cas comme dans l’autre tout dépend du respect de l’état de droit, du citoyen vis à vis des lois, et des pouvoirs institués vis à vis de la constitution et de la charte des droits fondamentaux.
Et comme ce respect de l’état de droit repose en partie sur la justice qui sanctionne les citoyens qui ne respectent pas les lois, naturellement on imagine pouvoir mettre en place la même chose pour faire respecter la constitution par les pouvoirs institués, d’où l’idée d’un conseil constitutionnel.

Mais comme l’a très bien expliqué Etienne aussi dans le fil consacré au conseil constitutionnel, son existence même pose un problème de légitimité, vu que son rôle serait de s’opposer à la volonté générale et vu que par définition de la souveraineté du peuple aucune volonté ne doit être au dessus de la volonté générale.
La seule solution c’est que le pouvoir du conseil constitutionnel soit lui même issu de la volonté générale.
Hors ce n’est pas le cas si vous envisagez le conseil constitutionnel comme une entité judiciaire.

Et il ne faut pas s’en étonner car qu’est ce que la justice si ce n’est arbitrer ?
Le droit dans nos sociétés contemporaines repose actuellement sur deux pilliers, d’un côté la loi, de l’autre côté la jurisprudence de la justice. Et qu’est ce que cette jurisprudence si ce n’est des interprétations arbitraires de la loi vis à vis de situations particulières ?

Donc dès lors que vous envisagez l’existence d’un conseil constitutionnel comme disposant d’un pouvoir judiciaire, ce conseil constitutionnel ne peut avoir qu’un pouvoir arbitraire, ce qui de part sa spécificité ( possibilité d’intervenir contre la volonté générale du peuple ) posera toujours un problème de légitimité et de confusion des pouvoirs. Problème de légitimité qui ne se pose évidemment pas pour le droit civil par exemple.

Et les problèmes qui se posent à l’existence d’un conseil constitutionnel comme entité judiciaire c’est :

  • comment s’assurer que ce conseil constitutionnel fera bien respecter l’état de droit et donc la constitution et la charte des droits fondamentaux aux pouvoir institués ?
  • comment s’assurer que ce conseil constitutionnel respectera lui même l’état de droit et donc respectera lui même la constitution et la charte des droits fondamentaux ?
  • comment s’assurer que les pouvoirs institués respecteront bien les devoirs inscrits dans la charte des droits fondamentaux ou l’organisation et la séparation des pouvoirs inscrites dans la constitution si la tâche du conseil constitutionnelle n’est simplement que de sanctionner les projets de lois qui ne respectent pas la constitution ?

Une entité judiciaire ne peut pas résoudre tous ces problèmes.

Quand Etienne parle d’interdire aux pouvoirs institués de modifier la constitution, je pense qu’il touche partiellement à la solution, sans la saisir dans son ensemble. Je crois que tout le problème globalement est tout simplement qu’il faut séparer le pouvoir constitutionnel des autres pouvoirs institués, et que ce pouvoir constitutionnel doit lui même être soumis au contrôle des citoyens.
Le pouvoir constitutionnel ne doit ni être un pouvoir exécutif, ni être un pouvoir législatif, ni être un pouvoir judiciaire, il doit être un pouvoir à part entière et bien séparé.
L’idée de l’assemblée constituante permanente est donc la meilleure idée à mon avis, le conseil constitutionnel en serait issu par exemple par tirage au sort et renouvelé régulièrement :wink:
L’assemblée constituante serait renouvelée en partie à l’occasion de chaque nouvelle volonté de modification de la constitution.
Je propose en partie car ne pas la renouveler entièrement c’est s’assurer d’une certaine conservation des idées originelles de la constitution.
Et celle-ci pourrait faire des propositions de loi ou de modification de loi au pouvoir législatif pour que celles-ci collent mieux à la constitution.

Cette solution permettrait de résoudre au mieux les 3 problèmes cités plus haut ainsi que le problème de légitimité.

État de Droit

"Sandy (7950).

« Ma » définition de l’état de Droit, comme vous dites, je ne l’ai pas inventée : c’est la définition classique : voyez par exemple le Vocabulaire juridique Cornu.

Après ça, vous pouvez bien accepter ou ne pas accepter, c’est votre affaire, mais ne vous étonnez pas si des raisonnements bâtis sur des contresens terminologiques ont du mal à passer.

Le principe du refus de l’arbitraire ne se confond pas avec le principe de la soumission à la loi contrairement à ce que vous semblez penser. Une loi peut être arbitraire - donc ne pas satisfaire au principe de l’état de droit - même si tout le monde s’y soumet.

Surtout, vous vous obstinez à confondre volonté générale et état de Droit contrairement à ce que vous soutenez, la volonté générale peut être arbitraire (si elle impose un droit injuste - par exemple pour des minorités). Affirmer qu’elle n’est jamais arbitraire parce que c’est la volonté générale relève de la pétition de principe.

Ayant dit pour tout ce que j’avais à dire à ce sujet, je ne puis que vous conseiller d’aller voir la question de plus près.

Comme précédemment, votre raisonnement aboutit à exclure la démocratie représentative de ce que vous considérez comme la « vraie » démocratie, ce qui est parfaitement irréaliste et contredit par une expérience séculaire. JR

Pourquoi vous vous attachez à la définition de votre bouquin de droit ? Vous avez une confiance aveugle pour tout ce qui vient du droit, ou pour ce qui est écrit dans ce bouquin en particulier ?
Qu’est ce qui lui confère l’attribut de classique au juste ? C’est vous arbitrairement ? Où c’est parce que c’est affirmé arbitrairement dans votre bouquin ?
Enfin en quoi le classique est-il un gage de vérité ? Une erreur ou une idée fausse ne pourrait-elle pas se perpétuer, se propager, être admise par un grand nombre de personnes au point de devenir classique au fil des années ?
Est-il possible que votre définition soit fausse ? Pourquoi envisagez-vous uniquement le cas où c’est celle que je vous donne qui est fausse ?
J’aimerais comprendre …

Si l’arbitraire c’est établir des lois injustes … Dans ce cas comment expliquez vous qu’un dictateur, un tyran, un despote, bref : les figures symboliques représentant l’arbitraire, puissent établir aussi des lois justes ?

Comme précédemment, votre raisonnement aboutit à exclure la démocratie représentative de ce que vous considérez comme la "vraie" démocratie, ce qui est parfaitement irréaliste et contredit par une expérience séculaire. JR
N'est-ce pas là tout simplement la vraie raison de votre refus de considérer que mes définitions sont justes ? Vous jugez arbitrairement d'irréaliste ce que je vous explique sans même prendre le temps d'y réfléchir et vous essayez de trouver une construction logique ou rhétorique ; ça se voit quand c'est de l'improvisation Jacques ; comme avec le conseil constitutionnel, pour en venir à en dissocier l'état de droit et la démocratie pour ensuite en conclure que le conseil constitutionnel n'a pas en fait à se soumettre aux exigences démocratiques, et donc que c'est ainsi la solution que vous apportiez aux incohérences que la soumission d'un conseil constitutionnel aux exigences démocratiques posait ... Voyez que je ne suis pas dupe de l'extravagance de votre raisonnement ...

Tout cela pourquoi ? Parce que cela remet en cause toutes vos idées admises jusqu’à présent sur la souveraineté nationale ? Et que vous vous y refusez ?

J’ai vraiment l’impression que ce refus de remettre en cause la souveraineté nationale tiens plus de l’affectif que de la raison. Je sais très bien toute l’admiration que vous accordez au fonctionnement de la Vème république, mais cette forme d’affection ne doit pas vous aveugler Jacques.

Après, je n’exclus pas le fait de peut-être me tromper, mais qu’on me le démontre par des raisonnements : me l’affirmer simplement arbitrairement, c’est insuffisant.

Les définitions que j’utilise ne viennent pas de livres de droits ni de dictionnaires, mais je les tire de textes écrits par des personnes comme Montesquieu, Rousseau ou Benjamin Constant, non pas parce que je leur fais simplement confiance, ce qu’ils ont écrit n’est pas toujours juste, mais parce que dans ces textes sont développés les raisonnements qui aboutissent à ces définitions, et parce que j’adhère à ces raisonnements, je les trouve justes, je ne les conteste pas. Et je préfère ces sources-là que d’avoir à faire une confiance aveugle à des définitions qui sont la plupart du temps non neutres idéologiquement. Or, justement, si on veut réellement comprendre les choses, on ne peut pas objectivement se baser sur des définitions qui portent en elles déjà des idées contestables. Connaître les raisonnements qu’il y a derrière ces définitions, c’est s’assurer de ne pas se faire entuber si vous me permetez l’expression.

Se baser sur la confiance, par exemple, sur des définitions dans des livres de droit, et formuler des raisonnements à partir de ces définitions, c’est tout simplement se contraindre à réfléchir dans un certain cadre de pensée prédéfini, et si la vérité se trouve en dehors de ce cadre, vous pourrez toujours raisonner, tous vos raisonnements auront toujours des conclusions fausses.

Nos sociétés sont confrontées à tout un tas de problèmes, si j’ai appris une chose sur ce forum, et avec l’épisode du TCE, c’est justement qu’on doit dépasser le cadre de pensée que l’on veut nous imposer pour pouvoir trouver les véritables solutions aux problèmes qui nous touchent. Si on devait s’en tenir à des définitions de livres de droit, alors le TCE c’était un traité, le Traité de Lisbonne aussi et c’était tout à fait normal qu’on ne nous consulte pas par référendum.

J’aimerais vraiment que vous prenniez cette démarche pour ce qu’elle est, c’est-à-dire simplement une volonté de liberté d’esprit, et non pas comme un affront contre la discipline de droit à laquelle vous ètes visiblement attaché.

Sandy,

Pour quoi n’interrogez-vous pas Google sous « état de Droit » ?

Je vous laisse le soin de tirer vos conclusions : d’autres raisonnements de ma part n’arriveraient pas à vous convaincre de la fausseté de votre position, surtout à partir du moment où vous avez décidé de donner aux mots le sens qui vous convient au lieu de celui qui est communément admis. JR

Etant donné que je soulève des incohérences et que vous choisissez de ne pas y répondre, je prends cela comme le comportement de l’autruche tout simplement.
Mais bon, c’est votre choix … Je ne peux que le déplorer…
Restez avec vos idées communément admises, c’est après tout bien plus confortable que de rechercher la vérité …

[bgcolor=#FFFF99]Le Conseil constitutionnel, organe profondément scandaleux dès le départ (en 1958),
s’avère finalement complètement pourri par l’argent et les privilégiés, corrompu jusqu’à la moëlle lui aussi…
[/bgcolor]

Balladur 1995 : les secrets de la décision du Conseil constitutionnel

Sur Médiapart, 11 octobre 2010, par Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg

Chers amis, il faut vous abonner à Médiapart :
comme Marianne, le Canard et le Diplo (et quelques autres),
ces vrais journalistes ont besoin que nous les aidions financièrement à surveiller réellement les pouvoirs.

[b]Balladur 1995 : les secrets de la décision du Conseil constitutionnel[/b]

Octobre 1995, rue Montpensier, à Paris. Roland Dumas, président du Conseil constitutionnel, lève la séance. Les neuf membres de l’institution viennent de se livrer à un exercice encore inédit sous la Ve République: contrôler les comptes de campagne des candidats à l’élection présidentielle (remportée quelques mois plus tôt par Jacques Chirac).

En cinq jours de débats, ils ont rejeté un seul dossier pour irrégularité – celui de Jacques Cheminade (0,28% des voix). Sur tous les autres, les «Sages» ont apposé leur tampon – permettant le remboursement par l’Etat d’une partie des dépenses engagées. Pour marquer ce moment historique, Roland Dumas invite tout le monde à déjeuner: ses huit collègues, mais aussi les dix rapporteurs adjoints du Conseil.

Désignés trois mois plus tôt, ces hauts fonctionnaires, maîtres des requêtes au Conseil d’Etat ou conseillers référendaires à la Cour des comptes, ont abattu seuls le travail d’«instruction»: pour évaluer l’exhaustivité et la sincérité des comptes, ils ont épluché les volets dépenses et recettes, les factures présentées par les candidats, les listes de donateurs, etc.

Ce jour-là, au moment où le Conseil lève le camp, ils se braquent et refusent l’invitation – une claque pour Roland Dumas. [bgcolor=#FFFF99]En fait, ces rapporteurs sont excédés, certains écœurés: alors qu’ils recommandaient le rejet pur et simple du compte d’Edouard Balladur, leur avis vient d’être balayé en séance par les «Sages», qui ferment les yeux sur une recette de 10 millions de francs en espèces d’origine non justifiée…[/bgcolor]

Quinze ans plus tard, ce secret – censé dormir dans les archives de la rue Montpensier jusqu’en 2020 – s’étale au grand jour: vendredi 8 octobre, Libération a publié des extraits des conclusions rédigées par les rapporteurs à l’époque. En fait, c’est la Brigade centrale de lutte contre la corruption de Nanterre qui a fouillé les archives du Conseil constitutionnel, dans le cadre d’une enquête préliminaire en marge de l’attentat de Karachi sur l’hypothèse d’un financement illégal de la campagne d’Edouard Balladur (par le biais de «rétrocommissions» récupérées sur des ventes d’armes au Pakistan).

Avec quinze ans de «retard», Mediapart a reconstitué cet épisode peu reluisant: comment le Conseil, garant de la régularité de l’élection du Président, a-t-il pu valider un compte jugé irrégulier par ses propres rapporteurs?

Dix millions dans un coffre

Tout démarre, en fait, le 12 juillet 1995 : Roland Dumas désigne ce jour-là une équipe de dix «adjoints», qui vont se répartir les comptes de campagne tout juste déposés par les candidats – dont ceux d’Edouard Balladur (éliminé dès le premier tour), de Lionel Jospin (battu au second) et de Jacques Chirac (entré le 17 mai à l’Elysée). Parmi ces hauts fonctionnaires, pas mal sont trentenaires, scrupuleux, le mors aux dents. [bgcolor=#FFFF99]Mais leur tâche de contrôle s’annonce périlleuse: ces rapporteurs n’ont aucun pouvoir d’investigation réel – en tout cas pas ceux d’un officier de police judiciaire.[/bgcolor] Ils peuvent simplement réclamer – sinon quémander – «toute information utile» ou «document relatif aux recettes et aux dépenses», auprès des intéressés ou de tiers. Ce manque de moyens tranche avec l’énormité des enjeux : si le compte de Jacques Chirac est rejeté, son élection sera tout bonnement annulée; si le dossier d’un perdant est retoqué, ce dernier perdra son droit au remboursement par l’Etat d’une partie de ses frais de campagne – en clair, il sera ruiné…

Trois d’entre eux empoignent le dossier de l’ancien Premier ministre, Edouard Balladur, qui a présenté le bilan suivant (pour ses 12 mois de campagne):

[bgcolor=#FFFF99]Très vite, les rapporteurs froncent les sourcils, surpris par deux incongruités majeures : d’abord, un paquet de dépenses ne sont pas comptabilisées dans les 83,8 millions déclarées (sachant qu’un plafond légal de 90 millions a été fixé pour le premier tour de l’élection) ; ensuite, aucune pièce ne justifie l’origine d’un versement de 10,25 millions de francs en espèces, déposés en grosses coupures le 26 avril 1995 sur le compte bancaire de l’AFICEB (l’association de financement de sa campagne)…[/bgcolor]

Dès la fin du mois de juillet, les fonctionnaires entament un échange de courriers avec le représentant du candidat – Edouard Balladur ne répondra jamais en direct, malgré plusieurs lettres recommandées à son nom avec accusés de réception… [bgcolor=#FFFF99]À la fin de l’instruction, leur religion est faite : ils jugent indispensables de «rétablir l’exhaustivité des dépenses», en clair de réintroduire des millions de francs correspondant à des réunions publiques, des voyages outre-mer, des locations de permanences électorales, des frais de sécurisation de meetings, ou encore des sondages… Avec leurs calculs, le plafond légal est enfoncé.[/bgcolor]

Surtout, dans leur rapport, ils écrivent : «Le candidat ne sait manifestement pas quelle argumentation opposer aux questions» soulevées par le dépôt des 10,25 millions de francs, «dépourvu de tout justificatif». D’où vient cet argent liquide ? Des fonds secrets de Matignon ? D’un circuit de financement occulte ? Sinon, pourquoi tant de liasses déposées d’un seul coup ? Interrogé, le représentant d’Edouard Balladur a bien tenté deux explications : cette somme proviendrait de «ventes diverses de gadgets et de tee-shirts, ainsi que de “collectes au drapeau” effectuées lors des manifestations et réunions publiques» ; elles «auraient été accumulées dans un coffre-fort et déposées sur le compte bancaire globalement, à la fin de la campagne, pour éviter les transports de fonds»…

Mais les rapporteurs rappellent qu’il aurait fallu, dans ce cas, détailler les «recettes manifestation par manifestation», et produire «un relevé sommaire des objets vendus» – comme d’autres candidats l’ont fait, Lionel Jospin par exemple. Enfin, ils n’accordent aucun crédit à l’hypothèse de dons gardés au chaud et versés d’un bloc – d’autres sommes en espèces ayant été «déposées régulièrement sur le compte bancaire» (précisément 22 fois entre le 13 mars et le 14 avril 1995). Les fonctionnaires, au passage, s’autorisent un trait d’ironie cinglant : «On voit mal un ancien ministre des Finances (…) laisser dormir jusqu’à dix millions dans un coffre au lieu de les placer pour récupérer quelques intérêts…» En bref, à leurs yeux, l’équipe d’Edouard Balladur n’apporte «aucun commencement de preuve».

Dans leur rapport final, ils lâchent donc le mot fatidique, proposant le «rejet» du compte !

Pile en dessous du plafond légal

Et puis, au début du mois d’octobre, le «jour J» arrive, où le rapporteur principal doit présenter ces conclusions au Conseil constitutionnel. Il entre dans la grande salle, s’assied en face des neuf «Sages», réunis autour de leur table en fer à cheval, seuls habilités à voter. Il fait distribuer son «projet de décision» – la plupart des membres n’ont pas eu accès au dossier en amont et découvrent à cet instant seulement qu’un rejet du compte d’Edouard Balladur est préconisé… Le haut fonctionnaire insiste sur la recette douteuse de 10,25 millions de francs, sur les multiples «omissions» en matière de dépenses, devant un Conseil ultra gêné. A la fin, Roland Dumas suggère au rapporteur de sortir, pour revoir sa copie.

[bgcolor=#FFFF99]Car au fond, les «Sages» (nommés majoritairement par la gauche) jugent impensable de sévir : d’abord, ils rechignent à ruiner un ancien Premier ministre ; ensuite, ils comparent son dossier à celui de Jacques Chirac, dont le volet dépenses leur a posé d’énormes problèmes aussi – un dossier qu’ils ont fini par replâtrer et valider, faute de légitimité suffisante à leurs yeux pour annuler l’élection d’un président de la République installé depuis cinq mois et choisi par 16 millions de Français… Le Conseil constitutionnel, Roland Dumas en tête, croit n’avoir pas d’autre choix que d’apposer son tampon.[/bgcolor]

Le rapporteur du compte d’Edouard Balladur, cependant, fait de la résistance. Lorsqu’il revient, plus tard dans la journée, il a bien «corrigé» sa copie, mais pas suffisamment… Il doit ressortir. Puis revenir. In fine, le dépôt de 10,25 millions de francs est oublié ; et le fonctionnaire propose de réintégrer 6 millions de dépenses seulement, de telle sorte que le montant total des frais officiellement engagés par le candidat atteigne 89.776.119 francs, soit 223.881 francs de moins que le plafond autorisé (une marge ridicule de 0,25%…). Les dépenses de Jacques Chirac, elles, auront été arrêtées – comme par magie – à 40.000 francs du maximum légal ! Une farce…

Au final, seul Jacques Cheminade, candidat marginal issu du Parti ouvrier européen, dont le sort n’intéresse pas grand-monde, aura vu son compte rejeté (à cause d’un prêt sans intérêt), permettant au Conseil constitutionnel d’adopter un air sévère à peu de frais… L’un des rapporteurs, passablement dégoûté par cette séquence, lâchera ce mot, en quittant la salle du Conseil : «Tout ce travail pour en arriver là!»

Dans les mois qui ont suivi cet épisode, le Conseil constitutionnel a adressé une note au gouvernement, pour réclamer pouvoirs et moyens supplémentaires, dans la perspective du contrôle de la présidentielle de 2002…

Surtout, une fois ses neuf ans écoulés rue Montpensier, l’un des neuf membres du conseil a révélé le pot aux roses – à condition de savoir lire entre les lignes. Dans un article publié très discrètement dans les Mélanges en l’honneur de Pierre Pactet (éditions Dalloz, 2003), Jacques Robert, professeur de droit, a regretté la «pusillanimité, pour ne pas dire (le) manque de courage (du Conseil) en matière électorale». «Nul ne peut sérieusement faire grief au Conseil constitutionnel de ne pas utiliser des pouvoirs (de coercition) qu’il n’a pas, a-t-il écrit. Mais qu’au moins, quand il a la certitude de mensonges avérés ou la preuve évidente de nombreuses dissimulations ou minorations de dépenses, il se montre impitoyable! Or nous sommes loin du compte…»

Dans une allusion transparente à Jacques Chirac et Edouard Balladur, le professeur revenait sur le manque cruel de sanctions proportionnées dans l’artillerie du Conseil : «Si le contrevenant est battu (à la présidentielle), les sanctions financières qui lui seront infligées peuvent le conduire à la ruine personnelle (…). Alors on couvrira du manteau de la plus Haute juridiction du pays la fraude souvent évidente de certains des plus hauts personnages de l’Etat… quitte à se rattraper peu glorieusement sur quelque petit candidat.» À propos d’octobre 1995, Jacques Robert confiait avoir passé, pour résumer, «des moments particulièrement difficiles et souvent inadmissibles».

Mercredi 13 octobre 2010 (quinze ans après !), le patron du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, devrait demander officiellement au Conseil constitutionnel d’ouvrir ses archives et de «libérer» des documents devenus capitaux pour le travail du juge Renaud Van Ruymbeke sur les soupçons de financement occulte pesant – plus que jamais – sur la campagne d’Edouard Balladur.

Source : Médiapart, véritable service public : Balladur 1995: les secrets de la décision du Conseil constitutionnel | Mediapart


On n’aura jamais accès à une Justice digne de ce nom sans instituer des jurys citoyens tirés au sort et protéger des journalistes indépendants.

[bgcolor=#FFFF99]Du point de vue de l’intérêt général, l’honnêteté est mille fois prioritaire sur la compétence.[/bgcolor]

Étienne.


Le pire des maux est que le pouvoir soit occupé par ceux qui l’ont voulu.
Platon, cité par Jacques Rancière.

« Du point de vue de l’intérêt général, l’honnêteté est mille fois prioritaire sur la compétence »

Ce n’est pas que je veuille passer pour un cynique, mais entre Talleyrand ou Barras, d’un côté, et Robespierre ou Savonarole, de l’autre, je pencherais pour les premiers, dans l’intérêt général.

De toute manière, la combinaison de l’honnêteté et de la compétence reste mille fois préférable à l’une sans l’autre ou l’autre sans l’une, nous somme bien d’accord ? JR

Pas besoin d’en repasser une couche, Jacques, vous êtes extremement honnête et competent. Nous sommes bien d’accord qu’il nous reste qu’a en subir les conséquences.

NingúnOtro (9651) :

???

JR

@ Etienne

Au final, seul Jacques Cheminade, candidat marginal issu du Parti ouvrier européen, dont le sort n’intéresse pas grand-monde, aura vu son compte rejeté (à cause d’un prêt sans intérêt), permettant au Conseil constitutionnel d’adopter un air sévère à peu de frais…

C’est là, dans cet apparent paradoxe, que ce situe le vrai SENS de l’arbitrage rendu.

Prêt sans « intérêt »: c’est le crime absolu!

Rendez-vous compte:

La possibilité de faire confiance, d’aider de façon désintéressée, l’impossibilité de désavantager le pauvre par rapport au riche, le nouvel arrivant par rapport à celui qui est en place, l’entrepreneur sans le racketer.

Ce serait la possibilité d’en finir avec la guerre générale, d’une société pacifiable (pas si fiable!) sinon pacifiée, il est bien naturel que, en tant qu’ayant commis une TRANSGRESSION inadmissible, Cheminade soit sévèrement puni!

Si vous mettez 3 étiquettes sur 3 assemblées élues à 3 moments différents par les mêmes personnes, ça n'en fera qu'un seul pouvoir pour autant !!! La séparation des pouvoirs législatifs, exécutif et judiciaire est une foutaise si les 3 sont issus du suffrage universel. Ce sont ceux qui sont capables d'acheter/truquer/influencer/manipuler les élections qui auront les 3 pouvoirs. L'affaire Woerth ne vous a donc rien appris ? Ce n'est pas parce-que certains ont mis 3 étiquettes différentes qu'il s'agit de 3 pouvoirs différents.

[bgcolor=#FFFF99]Pour que des pouvoirs soient vraiment séparés, c’est la source de leur pouvoir qui doit être différente. Pas l’étiquette. Et c’est en cela que le tirage au sort représente un pouvoir différent.[/bgcolor]

il semble que benjamin constant et zolko soient en désaccord

benjamin constant explique :
il n’y a que deux cas possibles, soit le pouvoir est issu de la volonté d’un nombre moindre de personnes qui s’applique de force à tous les autres
soit le pouvoir est issu de la volonté d’un nombre moindre de personnes sanctionnée par l’assentiment de tous les autres

et il conclue il n’y a que 2 sources de pouvoir, la volonté générale du peuple, qui est légitime, ou la force, qui est illégitime

les modes de scrutins différents ne créent pas des « sources de pouvoirs différentes », en réalité que le pouvoir soit de droit divin, qu’il soit transmis par le sang, que le pouvoir soit confisqué par un dictateur placé par un putch, que le pouvoir soit exercé par une oligarchie de puissants, que le pouvoir soit exercé par un petit groupe de sages / de savants / de prêtres ou n’importe quel groupe de personnes jugée meilleures que les autres pour gouverner ( aristocratie), ou que le pouvoir soit exercé par un petit groupe de personnes tirées au sort, que le pouvoir soit exercé uniquement par les hommes, ou uniquement par les femmes, que le pouvoir soit exercé uniquement par une classe sociale, que le pouvoir soit exercé uniquement par des personnes qui payent une certaine somme d’impôts etc … etc … etc … ( il y a une infinité de possibilités de toute façon ), dans tous ces différents cas on est dans une situation où une personne ou un petit groupe de personnes décident pour toutes les autres et à leur place, c’est une dictature, la source de pouvoir est la force, on peut dans tous ces cas considérer que ce pouvoir est légitime, mais en réalité il ne le sera jamais, parce que TOUT LE MONDE ne participe pas aux décisions, parce que des gens sont exclus, parce qu’on leur impose des décisions qui normalement les concernent aussi et auxquelles ils devraient avoir un droit égal à tous les autres pour y participer ( c’est bien le sens de l’article de la déclaration des droits de l’homme cité par Jacques )

et je trouve que vous faites une très grave erreur de croire que la magie des statistiques peut permettre de justifier l’abandon de ce droit, qu’elle peut le remplacer, je ne suis pas d’accord je suis désolé, je pense que le tirage au sort a de nombreuses propriétés très intéressantes pour la démocratie, mais je trouve dommage que vous n’ayez pas conscience de ses limites et que vous alliez trop loin, parce qu’au lieu de se prendre la tête là-dessus on pourrait débattre de l’idée présentée sur le forum au tout début d’un sénat reconvertit en expérience démocratique grâce au tirage au sort, idée qui à mon avis a beaucoup plus d’avenir, que le tirage au sort des gouvernants, d’autant que cette idée a grand besoin d’être travaillée, elle pourrait grandement améliorer la séparation des pouvoirs

Je ne vois pas l’incongruence entre Zolko et Benjamin Constant, Sandy.

Zolko ne parle que de la source légitime de pouvoir, issu de la volonté générale du peuple. Ce qu’il fait c’est, comme Montesquieu, séparer ce pouvoir en trois, le législatif, l’exécutif et le judiciaire (aujourd’hui on pourrait ajouter le financier et le médiatique), MAIS dire que, [bgcolor=#FFFF99]si tous ces pouvoirs sont choisis de la même façon avec la même influence décisive des mêmes… alors, même séparés, ils ne représenteront pas le peuple, mais ceux qui peuvent excercer cette influence. Le tirage au sort serait une façon où ceux qui exercent les influences qu’on connait n’auraient pas l’avantage de leur puissance. C’est en cela que le résultat pourrait enfin être différent, pas par le mode de scrutin différent, mais par l’influence différente.[/bgcolor]

Vous faites une erreur dans votre souci égoíste de voir comper votre propre poids personnel… Supposons une élection avec un choix binaire, on décide si le ciel est bleu ou rouge démocratiquement. On organise selon vos veux un vote parmi les 60 millions de citoyens français… 40 millions votent bleu, 20 millions votent rouge… on décide démocratiquement que le ciel est bleu. Supposons qu’on tire au sort parmi ces 60 millions de citoyens 100 « supercitoyens circonstantiels », pour rien d’autre que prendre cette décision. Ils organisent un débat entre eux et finalement un vote ou… surprise !.. 61 votent bleu et 39 votent rouge.

En quoi 39.999.939 citoyens devraient penser que ce qu’ils auraient décidé n’a pas compté ? Ils auraient voulu voter vert et le vert à été filtré dehors lors du tirage au sort ? Ils étaient en réalité 60 millions à vouloir voter vert mais le tirage au sort à « élu » par miracle les seuls 61 qui voulaient bleu et les seuls 39 qui voulaient rouge ?

Vous voyez les partis politiques comme ceux qui représentent et défendent des idées pour vous parce-que vous les choisissez pour cela…

[bgcolor=#FFFF99]… mais vous ne vous rendez pas compte du fait que… s’ils faisaient justement ce que vous semblez penser qu’ils sont sensé faire… alors ils ne devraient rien redouter du tirage au sort, et vous non plus. Parce-que chacun d’eux aurait fait son boulot et convainçu la part des citoyens qu’ils disent représenter… et cette proportion se retrouverait dans l’échantillon tiré au sort. C’est quand ils ne représentent qu’eux-mêmes, sans défendre réellement leurs « idées » et convaincre les citoyens… qu’ils disparaissent statistiquement dans un échantillon tiré au sort. Ce qui devrait être démocratiquement leur sort, normalement, avec des élections honnêtes aussi.[/bgcolor]

Et je trouve que vous faites une très grave erreur de croire que la magie des statistiques peut permettre de justifier l'abandon de ce droit, qu'elle peut le remplacer, je ne suis pas d'accord je suis désolé, je pense que le tirage au sort a de nombreuses propriétés très intéressantes pour la démocratie, mais je trouve dommage que vous n'ayez pas conscience de ses limites et que vous alliez trop loin, parce qu'au lieu de se prendre la tête là-dessus on pourrait débattre de l'idée présentée sur le forum au tout début d'un sénat reconverti en expérience démocratique grâce au tirage au sort, idée qui à mon avis a beaucoup plus d'avenir, que le tirage au sort des gouvernants, d'autant que cette idée a grand besoin d'être travaillée, elle pourrait grandement améliorer la séparation des pouvoirs
[b] [/b]Sandy, à force d'être d'accord avec J.R., et c'est bien ton droit, tu répètes aussi ses arguments inventés. J.R. s'est depuis le début opposé à l'idée qu'un quelconque pouvoir exécutif soit confié à des tirés au sort, opposition basée sur la sacro-sainte déclaration universelle des droits de l'homme et sur son corollaire, le code civil. Et ce même J.R. de ne laisser cours à aucun débat sur d'autres idées que les siennes, multipliant ses remarques dans des interventions systématiques destinées à noyer les réflexions sur le tirage au sort dont il craint - et toi aussi - qu'il ne devienne une boîte de Pandore mettant la démocratie au supplice. Bien. On l'a très bien compris. [b]Sauf qu'aucun d'entre nous ne défend d'autres idées que le panachage jusqu'alors.[/b] [b] [/b]L'idée du sénat reconverti à l'usage du tirage au sort, soit une chambre double, d'experts élus d'un côté (députés) et une autre citoyenne tirée au sort de l'autre vient de Zolko par exemple. C'est aussi une idée qui me séduit et nous en débattons toujours. [b] [/b]L'autre idée - plus récente celle-là et collégiale - de convertir les votes blancs en tirés au sort n'a pas fait plus long feu et ce pour les mêmes raisons d'interventions acharnées. [b] [/b]Or, par rapport à tout cela, j'aimerais te convaincre d'une chose: si je défends le tirage au sort, je réalise très bien notre ignorance à son propos. Tout comme toi, je crains que nos bonnes intentions ne soient l'occasion d'aggraver la situation actuelle, comme essaieront certainement de le démontrer ceux que nous tentons de dézinguer; il y a sur ce site de nombreux déçus des espoirs de l'histoire (URSS, Cuba, Chine, mai 68, mai 81 etc.) et nous nous méfions désormais des euphories convaincues qui finissent par des désillusions amères. Et en cela, l'infâme J.R. nous est souvent plus utile qu'un débat entre nous seuls parce qu'il se défend avec des arguments soit que nous n'aurions pas eu l'honnêteté d'aborder, soit que nous ignorons puisque le système tel qu'il existe ne nous intéresse plus. [b] [/b]Donc, je ne crois pas à la magie des statistiques (au contraire, je les étudie depuis trop longtemps pour ça), pas plus qu'au tout tirage au sort (qui constituerait une autre dictature, celle de l'égalitarisme), mais je déplore cette société de droits qui finalement se révèle toujours plus malhonnête et corrompue. Tout comme je condamne cette volonté suffisante et condescendante d'imposer au monde le cartésianisme religieux des [i]Lumières[/i]. La société de droits n'assume aucune de ses contradictions, préférant camper sur un manichéisme fanatique et elle finit par ressembler à la S.D.N. singée dans [i]Belle du Seigneur[/i], répétant à l'envi "jusqu'ici tout va bien" à mesure qu'elle se sent dégringoler. [b] [/b]Alors Sandy, si J.R. aime à se servir de tous les outils de la politique politicienne, même ceux qui flirtent avec la diffamation et le mensonge, au point que Zolko finisse par lui proposer une coelioscopie [i]in vivo[/i], dis-toi bien qu'ici, il est le seul à défendre une idéologie, au contraire de tous les participants - ou presque - qui cherchent une nouvelle voie et se tracassent davantage me semble-t-il de leurs erreurs éventuelles que de leurs convictions. [b] [/b]À mesure que les débats avancent, il me semble que nous nous accordons sur la disparition des pouvoirs: en cela, la [i]médiocratie[/i] qu'invente Étienne - c'est-à-dire une multiplication de pouvoirs tous médiocres qui ne peuvent supplanter aucun autre - vient à point nommé et fait progresser l'idée générale. Or tu nous donnes du Benjamin Constant (nb: les analyses de Marcel Gauchet ou de Pierre Manent sont très éclairantes), sorti du contexte, où la sujétion à un pouvoir semble acquise. Bof. [b] [/b]En deux mots donc, depuis que je suis ici j'apprends davantage que je ne propose et je sens que des idées petit à petit s'imposent, idées qui ne seront - c'est le but - que des propositions soumises à l'approbation populaire et vouées à s'adapter. [b]L'opposition convaincue de J.R. me sert à affûter mes arguments face à la jurisprudence que je cherche à affaiblir - sans évidemment vouloir la faire disparaître - et j'ai l'impression que d'autres comme moi peaufinent leur réflexion afin de constituer les différents chapitres d'un manifeste qui nous permettrait de nous faire entendre à plus grande échelle pendant le [i]money time[/i] de la prochaine élection présidentielle.[/b] Ton argumentaire y sera bien sûr le bienvenu Sandy. PS: Je reproduis ce message un peu bavard sur le fil [i]Désignation des représentants politiques: élections ou tirage au sort?[/i] au cas où la discussion devait se poursuivre, ce qui serait hors sujet ici.
[color=red][size=20][b]L'exception française de trop[/b][/size][/color]

Par [bgcolor=#FFFF99]Robert Badinter[/bgcolor]

LE MONDE, 19 mai 2012.

Le départ de Nicolas Sarkozy de l’Élysée et sa volonté proclamée de siéger au Conseil constitutionnel mettent à nouveau en lumière l’insoutenable paradoxe de la présence à vie des anciens présidents de la République dans cette institution.

Rappelons d’abord que, [bgcolor=#FFFF99]seule de toutes les démocraties occidentales, la République française fait de ses ex-présidents des membres perpétuels d’une juridiction constitutionnelle[/bgcolor]. En Italie, par exemple, les présidents de la République au terme de leurs fonctions sont nommés sénateurs à vie. Mais dans une instance juridictionnelle dont la mission première est de juger en droit si des lois votées sont conformes à la Constitution, en quoi la présence à vie des anciens présidents est-elle requise ?

Seule l’histoire explique cette exception, cette bizarrerie française. En 1958, tandis que sous l’autorité du général de Gaulle et la férule de Michel Debré s’élaborait la Constitution de la Ve République, se posa la question très secondaire de la condition faite aux ex-présidents de la République. Le général de Gaulle entendait que le président René Coty, qui l’avait appelé à revenir au pouvoir, bénéficiât d’une condition convenable sous la Ve République. Or la IVe République traitait avec pingrerie ses anciens présidents. Au terme de leur mandat, ils bénéficiaient d’une retraite équivalente à celle d’un conseiller d’Etat.

Pareil traitement parut mesquin au général de Gaulle, par ailleurs pour lui-même totalement désintéressé. Il considérait qu’il y avait là pour le président Coty et pour son prédécesseur, Vincent Auriol, une forme d’ingratitude de la République à laquelle il convenait de remédier. Le Comité consultatif constitutionnel proposa donc de nommer les anciens présidents membres à vie du Conseil constitutionnel nouvellement créé.

Ainsi, les anciens présidents bénéficieraient d’une fonction très honorable, convenablement rémunérée, et qui ne requerrait qu’une faible activité de leur part, puisque, outre le contentieux des élections nationales, le Conseil constitutionnel ne statuait sur la constitutionnalité des lois que lorsqu’il était saisi par les plus hautes autorités de l’État, le président de la République, le président de l’Assemblée nationale ou du Sénat, le premier ministre. Dans la conjoncture politique de l’époque, ces saisines n’avaient rien d’accablant : de 1958 à 1975, le Conseil constitutionnel connut soixante saisines, soit entre trois et quatre par an en moyenne…

Cette solution parut élégante à tous égards. Le président Coty s’en trouva bien, qui siégea jusqu’à sa mort, en 1962, au Conseil constitutionnel. En revanche, le président Auriol refusa de siéger après 1960, manifestant son opposition à la pratique des institutions de la Ve République voulue par le général de Gaulle.

Les décennies ont passé, et la situation d’origine s’est transformée. En premier lieu, la condition matérielle des anciens présidents de la République s’est améliorée au fil des présidences. Leur donner une rémunération complémentaire comme membre du Conseil constitutionnel ne paraît plus nécessaire, contrairement à ce qui était le cas en 1958. Mais c’est au regard du Conseil constitutionnel lui-même que la présence à vie des anciens présidents s’avère comme une aberration institutionnelle.

Le Conseil constitutionnel comprend neuf membres nommés pour neuf ans, renouvelables par tiers tous les trois ans. Il revient au président de la République, au président de l’Assemblée nationale et à celui du Sénat d’en nommer les membres, après avis d’une commission parlementaire qui peut s’y opposer par un vote négatif des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Ainsi ces membres jouissent-ils d’une double légitimité : celle de la désignation par l’une des plus hautes autorités de l’État, et celle d’un contrôle - limité - d’une commission parlementaire.

Rien de tel dans le cas des anciens présidents. Ils font de droit partie du Conseil constitutionnel à l’expiration de leur mandat en application de l’article 56-2 de la Constitution. Ils ne prêtent pas serment comme les membres nommés du Conseil lors de leur prise de fonctions devant le président de la République. De ce fait, a déclaré Valéry Giscard d’Estaing, ils ne sont pas tenus de respecter toutes les obligations qui pèsent sur les membres du Conseil, notamment celle de ne pas intervenir publiquement dans les débats politiques. Ils ne sont pas soumis au régime disciplinaire qui pèse sur les autres membres du Conseil. Qu’ils fassent l’objet de condamnations pénales ne les expose à aucune mesure de suspension, voire de révocation de leurs fonctions. Ainsi, un ancien président de la République condamné en justice peut en toute légalité demeurer sa vie durant membre du Conseil constitutionnel.

Surtout, le Conseil constitutionnel a connu depuis 1958 une véritable révolution institutionnelle. Depuis 1974, grâce à la réforme conduite par le président Giscard d’Estaing, soixante députés ou soixante sénateurs peuvent saisir le Conseil constitutionnel pour décider de l’inconstitutionnalité éventuelle d’une loi votée par la majorité parlementaire.

Le rôle du Conseil constitutionnel s’est trouvé transformé par cette réforme. D’organe régulateur de la Constitution, il est devenu en fait une véritable Cour constitutionnelle saisie par l’opposition de toutes les lois importantes votées par la majorité pour apprécier leur constitutionnalité. Il est l’auteur d’un véritable « corpus » de jurisprudence constitutionnelle. Il est considéré comme une véritable Cour constitutionnelle par les autres juridictions constitutionnelles, notamment en Europe.

Restait à ouvrir aux justiciables la porte du Conseil constitutionnel. En 1989, je proposai que soit reconnu aux justiciables français le droit de demander qu’une loi invoquée contre eux en justice puisse être déclarée inconstitutionnelle par le Conseil. Le président François Mitterrand donna son accord à cette nouvelle garantie des droits fondamentaux en France. L’Assemblée nationale, à majorité de gauche, adopta le projet de loi constitutionnelle en 1990. Le Sénat, à majorité de droite, s’y opposa.

En 1993, le Comité consultatif pour la révision de la Constitution présidé par le doyen Georges Vedel, puis, en 2007, la commission Balladur proposèrent à nouveau la création de cette exception d’inconstitutionnalité. Il est à l’honneur du président Nicolas Sarkozy de l’avoir incluse dans la révision de 2008 sous la dénomination de « Question prioritaire de constitutionnalité » (QPC).

Dès sa mise en œuvre, réalisée au Conseil constitutionnel sous la présidence de Jean-Louis Debré, cette réforme a répondu aux espérances de ses partisans. La QPC a achevé de transformer le Conseil constitutionnel en instance juridictionnelle. Se pose dès lors avec plus d’acuité encore la question de sa composition : pourquoi appeler les ex-présidents de la République à siéger à vie dans une juridiction constitutionnelle ? Le président Giscard d’Estaing a considéré qu’étant adversaire de la QPC, il ne siégerait pas dans les séances du Conseil consacrées à leur examen. Pareille attitude souveraine illustre l’anachronisme de la présence des anciens présidents au sein du Conseil. Quelle instance juridictionnelle peut s’en remettre au bon plaisir de ses membres pour déterminer l’étendue de leurs fonctions ?

Surtout, l’arrivée du président Sarkozy au Conseil constitutionnel met en lumière le risque de déstabilisation et la composition de l’institution dans l’avenir. En 1958, le mandat présidentiel était de sept ans. Il est aujourd’hui de cinq ans, renouvelable une fois. Le président Sarkozy est dans la force de l’âge, comme le président Hollande. La durée de vie s’allongeant, on verra d’anciens présidents, toujours plus nombreux, siéger pendant des décennies en sus des membres nommés pour neuf ans.

J’évoquerai à ce sujet la réaction que suscita un jour aux États-Unis, où je présentai à des juristes américains le Conseil constitutionnel, cette composition mixte de l’institution. L’un des intervenants fit remarquer qu’à imiter la France, la Cour suprême des États-Unis - dont les membres sont nommés à vie après une procédure rigoureuse et publique - compterait comme membres les présidents Jimmy Carter, George Bush, Bill Clinton et George W. Bush ! A cette évocation, une hilarité générale secoua la salle, et j’eus le sentiment que, depuis Montesquieu, la raison constitutionnelle française avait perdu de son éclat chez nos amis américains !

Il n’est que temps d’en finir avec cette aberration institutionnelle. En 2008, lors de la révision constitutionnelle, le Sénat, à une large majorité, avait voté la suppression de la présence des anciens présidents au sein du Conseil, comme le proposait le comité Balladur. La majorité de l’Assemblée nationale revint sur ce vote. Un collègue influent de la majorité me confia que l’Élysée n’avait pas été étranger à ce choix…

Nous attendons donc du président Hollande qu’à l’occasion de la révision annoncée du statut du président de la République, il soit mis un terme à cette insoutenable exception française. Si la passion de juger de la constitutionnalité des lois anime d’anciens présidents, ils pourront toujours être nommés membres du Conseil constitutionnel pour neuf ans par l’un de leurs successeurs ou le président de l’une ou l’autre des assemblées.

Ainsi pourront-ils exercer la fonction de juger au sein du Conseil constitutionnel dans les mêmes conditions et avec le même statut que les autres membres. Le Conseil constitutionnel et l’Etat de droit n’auront donc rien à perdre à cette réforme et la crédibilité de l’institution et sa renommée internationale ne manqueront pas d’y gagner.

Robert Badinter

Né le 30 mars 1928, il a exercé les fonctions d’avocat à la cour d’appel de Paris (1951-1981).
Il a lutté contre la peine de mort, dont il a obtenu, en tant que garde des sceaux, l’abolition, le 9 octobre 1981.
Il fut président du Conseil constitutionnel de 1986 à 1995, puis sénateur (PS) des Hauts-de-Seine de 1995 à 2011.
Auteur de nombreux ouvrages, dont « L’Abolition » (Fayard, 2000), « L’Exécution » (rééd. LGF, 2008) et « Les Epines et les Roses » (Fayard, 2011)

Source : http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/05/19/l-exception-francaise-de-trop_1704190_3232.html