La décision du Conseil constitutionnel sur l’imposition à 75 %
Sandy (votre 40),
Le Conseil constitutionnel est de droit et de fait un organe politique, notamment par sa composition, et c’est pourquoi il rend des « décisions » et non des « jugements » ou des « arrêts ». C’est comme ça qu’il a été conçu : pas comme un organe judiciaire ou une « cour » constitutionnelle. Je rappelle que Michel Debré, quand il a présenté le projet de la constitution de 1958, a précisé que le Conseil était un organe « sui generis ».
Cette conception du Conseil constitutionnel correspond pleinement à la réalité politique : dire si la loi est conforme à la constitution est une fonction hautement politique en même temps que hautement technique. Elle ne devrait donc être exercée ni par le peuple directement (trop technique), ni par un tribunal (trop politique : le tribunal aura toujours tendance à se substituer au législateur sous prétexte d’indépendance judiciaire,et l’aura judiciaire donnera à ses décisions une permanence qu’elles ne méritent pas – comme on le voit avec l’exécrable exemple de la cour suprême américaine –, cela contrairement au principe de la séparation des pouvoirs).
Dans votre message, vous résumez incorrectement, je dirais poutouesquement, la décision du Conseil. Il est évident que vous ne l’avez pas lue, ni même un compte rendu un peu sérieux. Vous contribuez ainsi à discréditer une institution publique : c’est de bonne guerre pour un parti politique – qui veut la fin veut les moyens –, mais ce n’est pas comme cela qu’il faut procéder pour parvenir à un consensus institutionnel entre gens raisonnables.
Je vous renvoie au document < http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-662-dc/communique-de-presse.135513.html > avec l’espoir quiil vous donnera une vision plus exacte et en tout cas plus nuancée de la décision du Conseil et de sa portée.
Il y a d’autres commentaires éclairants sur l’Internet, dont < http://www.bfmtv.com/economie/impots-conseil-constitutionnel-a-valide-lessentiel-hausses-touchant-contribuables-aises-414160.html >.
Ce qui est consternant dans cette affaire est l’amateurisme du gouvernement. Apparemment, il n’est pas capable de rédiger ses propositions financières (même très légitimes selon moi) sous une forme constitutionnellement impeccable alors qu’il dispose d’instruments efficaces tels que le Conseil d’État (son conseiller jurique) et qu’à défaut quelques coups de téléphone à des gens qui s’y connaissent ou une simple conversation de déjeuner suffiraient à éviter d’évidentes erreurs de droit constitutionnel.
Autre chose gênante : le président de la République, malgré ses déclarations de campagne confirmées après son élection, se conduit encore trop en chef de gouvernement. Les mauvaises habitudes constitutionnelles présentées comme bonnes et naturelles par son prédécesseur sont difficiles à lâcher. Le président actuel parle trop, surtout pour quelqu’un qui n’est pas un orateur particulièrement percutant. Pourtant, rien, même dans la version actuelle de la constitution, ne l’oblige à se comporter en chef de gouvernement : au contraire, elle confie le gouvernement… au gouvernement.
Il serait dans l’intérêt de M. Hollande et dans l’intérêt général qu’il laisse le gouvernement gouverner et qu’il se concentre sur le bon fonctionnement des institutions et la représentation de la France à l’étranger (un peu plus de temps passé sur la préparation de l’importantissime discours algérien aurait peut-être été souhaitable). De Gaulle savait faire ça : exemple à suivre. JR