2D L’éventuel Conseil Constitutionnel ne domine pas le Parlement

L’éventuel Conseil Constitutionnel devrait débattre publiquement et motiver ses décisions.
Il devrait pouvoir en appeler à l’arbitrage des citoyens, mais il ne devrait pas avoir le pouvoir de contredire seul le Parlement.
Il devrait être ouvert à l’alternance.

L’institution « Conseil Constitutionnel » (ou Cour Suprême) s’est généralisée dans les « démocraties » (avec des guillemets), mais on peut précisément douter du caractère démocratique de cette institution : sa légitimité face au Parlement est plus que douteuse, son pouvoir est fortement suspect.

On peut facilement y voir un outil de caste politicienne pour ligoter la volonté populaire, en cas de besoin.

Si on retient son existence, par inertie ou par raisonnement, le Conseil Constitutionnel veille au respect de la Constitution et arbitre les litiges entre les institutions.

Plutôt qu'une injustifiable et dangereuse prééminence d'une poignée d'hommes sur le Parlement, on devrait lui donner [b]un simple droit d'en appeler aux citoyens pour trancher un litige avec le Parlement[/b], • soit par référendum général, • soit par [b]référendum restreint au sein d'une 'assemblée' de 10 000 citoyens tirés au sort[/b] (idée intéressante pour consulter largement à moindre frais).
(...)

Voir argumentation dans la partie IID des « Grands principes ».

(Nota : ce point IID concerne uniquement le pouvoir du CC. Son nécessaire contrôle est traité dans un autre point : IIIF.)

TRANSFERT DES MESSAGES DU BLOG


  1. Le jeudi 5 janvier 2006 à 11:21, par michel974
bonjour étienne,
je suis un simple citoyen peut pourvu de connaissances en droit. je suis néanmoins l'actualité politique du pays et connais à peu près les mission de nos corps institutionnels. comme toi je suis favorable à une forte évolution de nos institutions et un rétablissement de la démocratie.
ceci dit, mon point de vue sur le sujet est le suivant :
le conseil constitutionnel traite de questions juridiques. sa compostion est totalement politique, sans influence citoyenne.
cette institution ayant une fonction uniquement de contrôle des lois, je ne vois pas en quoi elle pourrait s'opposer au parlement. sa mission est uniquement de veiller à la constitutionnalité des lois, si je ne m'abuse. un rejet du conseil constitutionnel est une garantie pour les citoyens. si chaque rejet valait arbitrage du peuple, même restreint, cela sous-entendrait que celui-ci à compétence pour juger de la constitutionnalité des lois. et là, à moins de puiser dans un panel de citoyens juristes, je m'avance à écrire que toute décision majoritaire ne serait pas fondé sur des arguments juridiques mais sur l'intime conviction. avec le risque de l'application d'une loi contredisant la constitution.
cette dernière est-elle un cadre que l'on peut modifier à tout moment ?

néanmoins, je trouve l'idée intéressante de confier aux citoyens le contrôle des lois et cohérente l'idée d'un conseil constitutionnel nommé sans arbitrage politique de citoyens tirés au sort.
à condition bien entendu de supprimer le congrés, qui permet les arrangements entre amis, à l'écart des choix citoyens.

mes encouragements pour l'évolution du site, merci d'avoir choisi cette formule.

  1. Le samedi 7 janvier 2006 à 01:40, par Laurent_k

    Bonjour,

    Le rôle du Conseil constitutionnel est d’éviter que le législateur édicte une loi anti-constitutionnelle. Cela peut certes donner lieu à des tentatives d’aller contre la représentation du peuple mais comme le Parlement a la possibilité de modifier la constitution, il y a un équilibre. Il ne me parait donc pas choquant que le Conseil constitutionnel censure certaines lois sans avoir recours directement à un référendum (des centaines de lois sont votées chaque années par le Parlement et même si toutes ne passent pas devant le Conseil constitutionnel, on risquerait d’avoir des dizaines de consultations par an).

    C’est d’autant plus vrai si on adopte le principe du référendum d’initiative populaire avec la possibilité de modifier la constitution par ce biais. Si les députés votaient une loi qui contredise une décision d’un référendum d’initiative populaire, le Conseil constitutionnel serait alors un contre-pouvoir garant du respect du choix populaire. N’oublions pas qu’un Parlement est composé d’êtres humains aussi sensibles à la corruption et aux émotions que n’importe qui. Il peut devenir tyrannique s’il n’a pas des contre-pouvoirs en face de lui.

    Par contre, il me paraît important de valider démocratiquement la composition du Conseil constitutionnel. Il faut trouver un équilibre entre la nécessité d’avoir des compétences juridiques et l’obligation de ne pas créer un Conseil de professionnels de la politique ou du droit (j’avoue par exemple ne pas être un chaud partisan d’y voir systématiquement tous les anciens Présidents de la République). Une idée pourrait être d’élire ces membres pour une certaine durée parmi ceux qui auraient prouvé avoir les compétences juridiques (par concours anonyme de préférence).

    Il me semble également important qu’un groupe de citoyens puisse demander au Conseil constitutionnel de se prononcer sur les lois votées par le parlement. Une loi faite par les Parlementaires en faveur du Parlement a peu de chance de voir des députés s’y opposer alors qu’elle pourrait choquer de simples citoyens.

    Cordialement


  1. Le samedi 7 janvier 2006 à 19:28, par Thierry

    Le problème de la compétence est… problématique.
    Le plus simple serait de garder les institutions telle qu’elles sont, mais en un intégrant un organe de validation des décisions qui serait composé uniquement de citoyens sans aucune compétence particulière que le bon sens.
    Ou sur un principe d’administation paritaire: les institutions seraient composées d’un tiers de pro et de deux tiers de citoyens pour en assurer un contrôle constant.


  1. Le dimanche 8 janvier 2006 à 00:58, par Melih

    Dimanche 8 janvier à 0h40 par Melih

    Je viens de lire un article dans le Canard enchaîné de cette semaine concernant un arrêt du Conseil constitutionnel en date de 29 décembre 2005; il annule un article de la loi des finances pour 2006 sur le plafonnement de certains avantages fiscaux pour raison de « complexité excessive » du texte.
    A lire bien sûr et penser à l’engagement excessif de certains membres de cette assemblée en faveur de TCE qui n’a pas dû leur paraître trop complexe, il y a seulement quelques mois.
    Je suis avec beaucoup d’intérêt tous les débats sur le site.
    A bientôt.
    Melih.


  1. Le mardi 24 janvier 2006 à 07:00, par Jacques Roman

    240106-EC

    Conseil constitutionnel/démocratie/état de Droit

    1. Le principe proposé ici (« L’éventuel Conseil constitutionnel ne domine pas le Parlement ») soulève en filigrane la question cruciale des rapports entre démocratie et état de Droit.

    • La démocratie, c’est le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple.

    • L’état de Droit, pour reprendre une définition du Vocabulaire juridique Cornu-Capitant, c’est « le nom que mérite seul un ordre juridique dans lequel le respect du Droit est réellement garanti aux sujets de droit, notamment contre l’arbitraire ».

    • Le Droit (avec un grand D), c’est (toujours le Vocabulaire juridique) l’ensemble des règles de conduite sociale établies et proclamées et dont on assure le respect et l’exécution.

    1. Il résulte de ces définitions que démocratie et état de Droit sont deux principes situés sur deux longueurs d’onde différentes et qui ne sont pas automatiquement corrélés. Illustration sinistre : Adolf Hitler a été porté au pouvoir en 1933 par des votes démocratiques (du peuple – 44 % des voix – et du parlement – tous les partis représentés sauf les socio-démocrates) alors que son programme, connu et abondamment commenté au moins depuis 1925 (Mein Kampf : apologie de la guerre et de la violence, supériorité d’une race, responsabilité d’une autre dans la défaite de 1918), ne garantissait pas, c’est le moins qu’on puisse dire, les sujets de droit contre l’arbitraire…

    2. Peut-on corréler les deux principes – état de droit, démocratie – et comment ? C’est la vraie question qu’au fond Étienne nous présente ici.

    3. Je me permettrai de dire carrément que dans sa formulation actuelle le principe proposé est mauvais : avec ce principe-là, on voit bien qu’en 1933 un conseil constitutionnel allemand n’aurait rien pu faire. NB : Dans la constitution de Weimar, le parlement pouvait adopter à la majorité des deux tiers une loi qui contredisait la constitution. La Cour suprême établie par cette constitution n’avait donc pas de pouvoir réel. Dans le fond, c’est un peu le principe qui nous est proposé ici pour le moment.

    4. La solution est ailleurs. Elle consiste d’abord à inscrire le respect de l’état de Droit dans la Constitution même : de cette manière les deux grands principes – démocratie, état de Droit – se trouvent corrélés puisque le peuple est tenu de respecter les principes de l’état de Droit, mais cela en vertu de sa décision souveraine (application de la démocratie).

    5. C’est un des rares et grands mérites du TCE que d’avoir affirmé (article I-2) que l’Union est notamment fondée sur les valeurs de démocratie et de l’« État de droit » (entendu ici comme la forme d’État dans laquelle l’état de Droit est respecté). Cette formule est reprise sous une forme un peu modifiée dans l’actuel avant-projet CIPUNCE Rév. 9: « L’Union est fondée sur les valeurs universelles de liberté, d’égalité, de solidarité, de tolérance, de respect de la nature et de partage des responsabilités, ainsi que sur le respect des droits fondamentaux, de la démocratie et de l’état de Droit ».

    6. Reste la question de savoir par quels mécanismes faire respecter l’état de Droit.

    7. Puisqu’il s’agit de droit, et non de politique, c’est en principe à un tribunal qu’il faut confier cette mission. Le TCE, qui ne fait à cet égard que reprendre la situation préexistante, dispose dans son article I-29-1 : « La Cour de justice de l’Union européenne… assure le respect du droit dans l’interprétation et l’application de la Constitution ». Cette disposition est reprise à peu près textuellement dans l’avant-projet CIPUNCE Rév. 9.

    8. Le corollaire de cette disposition est qu’il appartient au peuple lui-même et aux organes politiques de prendre les décisions d’ordre politique.

    9. Passons maintenant au cas particulier du Conseil constitutionnel français (puisque nous parlons sur ces forums à la fois de la future constitution européenne et de la constitution française.

    10. De deux choses l’une : ou bien ce conseil constitutionnel est un organe juridique, ou bien c’est un organe politique.

    11. Si c’est un organe politique, je ne verrais pas d’inconvénient majeur à ce qu’il ne domine pas le parlement, comme le propose Étienne. Mais alors, pourquoi ne pas le supprimer purement et simplement et ne pas confier à une commission parlementaire spécialisée, composée en bonne partie de députés et sénateurs juristes, le soin de vérifier la conformité des projets de loi aux exigences de l’état de Droit, puisque de toute façon le parlement aurait le dernier mot?

    12. Si c’est un organe judiciaire, ses décisions doivent s’imposer à tous, y compris au parlement ; et au peuple lui-même, bien sûr.

    13. Le problème se pose parce que l’actuel conseil constitutionnel français n’a jamais été défini comme un organe judiciaire ou un organe politique. Contrairement à plusieurs professeurs de droit (sans être moi-même, loin de là, un théoricien du droit), je pense qu’il s’agit d’un organe politique par le mode de désignation et la composition – surtout par sa composition, puisque des non-juristes tels que M. Giscard d’Estaing (même s’il est passé par l’ENA) peuvent en faire partie NB : Je sais : les cours d’assises comprennent des non-juristes – les jurés : mais c’est, d’après moi, une anomalie en droit français, un système mixte démocratie-état de Droit que la Révolution a emprunté un peu par mimétisme aux Anglais. Je crois me souvenir que le père de la constitution de 1958, Michel Debré, avait officiellement présenté le Conseil constitutionnel comme un organe sui generis.

    14. Pour revenir au point de départ : si l’on veut éviter le problème dans la constitution française actuelle, [b]je propose de reformuler comme suit le principe proposé par Étienne :

    « Le Conseil constitutionnel serait remplacé par une cour constitutionnelle qui serait juge de l’interprétation et de l’application de la Constitution, étant entendu que les décisions politiques relèveraient exclusivement du peuple et des organes politiques établis par la Constitution ».[/b] JR

Merci pour ces éclaircissements J Roman.
Au début (lors de la sortie du livre pour… une 6ème république), j’étais pour le maintien de cet organe.

À présent, me voilà éclairé de son inutilité autre que le dévoiement des lois votées au parlement et, de temps à autre, pour passer une loi à la trappe sans avoir l’air de céder, avec des annulations d’articles dérangeants de lois votées par des représentants du peuple.

Quant à la transformation en organe judiciaire : comment « sur le long terme » sera interprété le fait que des décisions de justice viennent contredire le parlement, et surtout à quoi va aboutir la jurisprudence, car en définitive le conseil n’a d’utilité que si ses jugements sont contraignants ?

La solution risque d’être pire que le mal.

Pour le conseil constitutionnel, vu que son rôle est d’interpréter la constitution et donc des lois, vu que son rôle est de faire contre-pouvoir au pouvoir législatif, ne faudrait-il pas que ce conseil constitutionnel soit issu du pouvoir judiciaire ?

Par exemple, il pourrait être constitué de 6 juges, élus pour 6 ans par l’ensemble des juges, renouvellés par moitié tous les 3 ans

En cas de régime parlementaire où le président n’aurait plus aucun lien avec le gouvernement, pourquoi ne pas faire siéger le président censé etre garant de la constitution à ce conseil constitutionnel aussi ?

Ce conseil constitutionnel ne serait plus alors politique

L’arbitrage des citoyens pouvant être demandé si jamais le pouvoir législatif conteste la décision du conseil

Il faut sans doute éviter que tout acteur soit à la fois juge et partie

Bonjour Sandy,

C’est une idée. Ce serait déjà mieux que l’institution actuelle, carrément politicienne et foncièrement antidémocratique.

Je vous signale pourtant quelques effets secondaires — vraiment très indésirables — qu’on peut prévoir avec une telle composition car [bgcolor=#CCFFFF]les juges sont à la fois juges et parties en matière institutionnelle[/bgcolor] : en effet, les institutions fixent, entre autres, le pouvoir des juges, le contrôle de leur action et la mise en oeuvre de leur responsabilité.

[bgcolor=#CCFFFF]Comment garantir leur honnêteté si, en cette occurrence précise, ils ne sont pas parfaitement désintéressés ?[/bgcolor]

Pour ma part (et pour le moment), j’ai une préférence pour l’idée de garder [bgcolor=#FFFF99]l’Assemblée constituante[/bgcolor] mobilisée (après le référendum validant la Constitution), en lui donnant le nom (par exemple) d’« Assemblée constitutionnelle » et en la chargeant à la fois de contrôler l’application des institutions qu’elle a elle-même établies et éventuellement de les réviser.

Mais je redoute "l’effet de gel" — phénomène psychologique important dans la réflexion sur l’exercice du pouvoir — qui gêne profondément tous ceux qui ont pris une décision (ça concerne tout le monde) au moment d’éventuellement la remettre publiquement en question (autrement dit, les décideurs publics ont viscéralement du mal à réviser leurs propres décisions). Dans notre cas, il n’est donc pas sûr que les constituants originels soient les mieux placés pour constater une erreur de conception et réviser leur propre texte. Pourtant, d’un autre côté, ce sont assurément les mieux placés pour savoir et indiquer ce que les constituants originels voulaient vraiment :confused:

On pourrait donc penser à « couper la poire en deux » et composer une Assemblée constitutionnelle mixte avec, d’une part, un partie (la moitié ? les deux tiers ?) des constituants d’origine et, d’autre part, de nouveaux tirés au sort (si l’Assemblée constituante originelle avait été tirée au sort).

Ce complément de membres pourrait peut-être comporter des juges élus, comme vous le suggérez.
Avec le risque considérable, comme je le dis partout depuis quelques années, qu’ils s’écrivent à nouveau des règles pour eux-mêmes.

Mais, je suis peut-être exagérément méfiant :confused:

Amicalement.

Étienne.

Je vous signale pourtant quelques effets secondaires — vraiment très indésirables — qu'on peut prévoir avec une telle composition car les juges sont à la fois juges et parties en matière institutionnelle : en effet, les institutions fixent, entre autres, le pouvoir des juges, le contrôle de leur action et la mise en oeuvre de leur responsabilité.
En effet, mais ce conseil constitutionnel n'ayant pour rôle que le contrôle des lois issues du pouvoir législatif, et considérant qu'une décision de ce conseil nécessite un arbitrage des citoyens ensuite, je trouve que les risques sont vraiment limités ^^

Sinon pour votre idée de garder l’assemblée constituante mobilisée est bien dans un 1er temps, mais il se pose le problème de son renouvellement ?

Contrôle de la constitutionnalité des lois

(À propos des derniers messages de Sandy et d’Étienne.)

Le Conseil constitutionnel actuel n’est pas un organe de juges mais un organe politique spécial. Michel Debré, en présentant le projet de la constitution actuelle, dont il était largement l’auteur, l’avait lui-même qualifié d’ « organe sui generis » (je reconnais toutefois que les juristes ne sont pas unanimes sur ce point).

L’idée d’Étienne (une assemblée constitutionnelle qui se substituerait au Conseil constitutionnel actuel) est intéressante. Cependant, quiconque a parcouru les décisions du Conseil constitutionnel tombera vite d’accord que si un organe représentatif élu directement par les citoyens peut valablement édicter la loi, expression de la volonté générale, on ne peut pas attendre qu’il ait les compétences voulues pour interpréter et appliquer les principes de l’état de Droit - sauf à risquer la dictature démocratique, ce qui n’est certainement pas le but recherché ici.

Par contre, un organe directement élu par le peuple aura tout pouvoir pour modifier la constitution de manière à éviter les problèmes d’état de Droit éventuellement relevés par le Conseil : mais c’est une autre affaire.

Il est entendu qu’aucun organe d’interprétation de la constitution ne sera parfaitement objectif. Reste qu’il faut pouvoir interpréter la constitution, ce qui amène à choisir le meilleur système humainement possible.

Partons donc du principe qu’une constitution a pour objet de régler le fonctionnement des pouvoirs publics, c’est-à-dire des trois grands pouvoirs - exécutif, législatif et judiciaire - et des pouvoirs qui en dérivent.

Cela étant, un conseil composé des représentants des trois grands pouvoirs, comme c’est actuellement le cas, me paraît la solution à la fois la plus équitable et la plus pratique. Au sein du Conseil, les trois pouvoirs s’entendent pour arriver au meilleur équilibre. Cela est pleinement conforme à la logique constitutionnelle.

Pour ces raisons, je conserverais le système actuel, mais avec une modification : les anciens présidents de la République ne devraient plus siéger d’office au Conseil (rien ne devant du reste s’opposer à ce qu’un des trois pouvoirs désigne un ancien président pour le représenter). JR

Bonjour,

Pour comprendre ma vision des choses à ce sujet, voir mon message ici: http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=2912#p2912

En gros, je vois une solution intermédiaire: une Assemblée Constituante Permanente, qui juge non pas de la constitutionnalité des lois par rapport à toute la Constitution, mais seulement de leur conformité aux Principes Fondamentaux universels. Dans la mesure où l’on admet qu’une Constituante tirée au sort parmi les citoyens est capable d’écrire une Constitution, pourquoi une Assemblée Constituante Permanente formée de la même manière ne serait-elle pas capable de vérifier la conformité des lois aux seuls principes fondamentaux?

Une telle assemblée serait bel et bien au dessus du Parlement, mais aussi au-dessus du Peuple, en tant que gardienne de l’ordre supérieur auquel les Constituants originels ont fait voeu de soumission. Cet ordre supérieur est, selon Alain Touraine (in « Qu’est-ce que la Démocratie ») ce qui DOIT guider en dernier recours le choix du législateur. Sans ces principes supérieurs librement acceptés, ce sont d’autres principes, imposés par des minorités au pouvoir, qui vont se substituer, pour le plus grand malheur du Peuple (principes religieux, raciaux, économiques comme pour nos nations aujourd’hui, etc). Bref, la Démocratie, qui est par essence exprimée à travers la protection des faibles et des minorités contre les abus des forts et de la majorité, ne peut exister sans ces principes fondamentaux, qui garantissent à tous les citoyens un égal traitement en tout temps, sans condition.

Pour que vive et perdure la Démocratie, il faut donc une institution gardienne de ces même principes, et qui veille scrupuleusement à leur respect. Pour être elle-même démocratique, cette institution doit être issue du Peuple (qui s’est, rappelons-le, soumis de lui-même à leur respect), et en perpétuel changement, afin d’éviter la sclérose, le dogmatisme et la « mandarinisation ». L’enseignement de ces principes dès l’école primaire serait d’ailleurs un plus pour le maintien de la Démocratie, car ainsi chaque citoyen, potentiellement appelé à les défendre et les conserver, serait apte à le faire, y compris sans être appelé à l’Assemblé Constituante Permanente.

Pour info, les deux autres piliers de la Démocratie, selon Alain Touraine toujours, sont d’être constituée majoritairement de citoyens (i.e. de personnes physiques engagées au quotidien dans la politique de la cité), et de disposer d’une classe politique indépendante, qui gouverne l’Etat au nom du Peuple. Par « indépendante », il entend « non soumise au ballotement permanent de l’opinion », mais pas pour autant irresponsable devant le Peuple. Autrement dit, la classe politique est un corps social qui doit en permanence naviguer entre la volonté générale (voir les messages au dessus de mon post http://etienne.chouard.free.fr/forum/viewtopic.php?pid=2912#p2912) et les Principes Fondamentaux.

Sans cette indépendance par rapport au Peuple, la classe politique ne peut pas gouverner sereinement, et sans soumission aux principes, elle finira par faire n’importe quoi (et en particulier, par gouverner pour elle-même, c’est ce qui nous arrive en ce moment avec le TCE et sa suite, mais aussi les gouvernements nationaux).

Un mot encore, même si je m’éloigne du sujet: le Peuple, en Démocratie, se soumet de lui-même à ses représentants, qu’il désigne (par toute modalité constitutionnellement établie) pour gouverner. Donc, en Démocratie, il y a un Gouvernement, qui a autorité sur les citoyens, qui deviennent donc sujets (du latin « sub jectum », qui est dessous, qui est soumis). Par ailleurs, l’autorité n’existe que si elle est librement donnée, accordée, par celui qui la subit (ou plutôt, la respecte). Dans le cas contraire, c’est un pouvoir qui s’exerce. Et un pouvoir sans autorité n’est rien. Donc, le Peuple, volontairement soumis au Gouvernement, donne volontairement au Gouvernement autorité pour gouverner. Ce faisant, le Gouvernement lui-même est obligé d’abandonner une part de son pouvoir, puisque sans acceptation du Peuple, il ne peut trouver aucune légitimité, et, en Démocratie, sera destitué. Ce jeu d’aller retour entre autorité consentie et pouvoir abandonné se déroule donc sous l’égide des Principes Fondamentaux.

La Démocratie, c’est au moins tout cela ensemble.

Brieuc

J’ai beau réfléchir je ne vois pas de meilleure solution en effet qu’une assemblée constituante permanente devenue conseil constitutionnel, mais il faut réfléchir à son renouvellement et à son mode de fonctionnement.

Je ne pense pas que ce soit une bonne idée Jacques de garder un conseil constitutionnel juge et partie, même équilibré comme vous l’entendez, car ce ne sera pas toujours aussi équilibré qu’on l’imagine, le même parti politique pouvant détenir le pouvoir exécutif et législatif, il suffit que soient nommés des membres du corps judiciaire proches politiquement de ce parti, et on se retrouve dans une situation peu souhaitable.

Sandy, la perfection n’est pas de ce monde, mais entre un conseil constitutionnel - dont on peut améliorer la composition dans le sens de l’indépendance - et des personnes tirées au sort, et s’agissant de questions juridiques, c’est sans l’ombre d’une hésitation que je m’en remettrais au Conseil constitutionnel. Comme Brieuc lui-même le reconnaît, la protection de l’état de Droit est à distinguer de la démocratie (en tout cas, le lien n’est pas automatique). Puisqu’il s’agit de droit, il faut s’en remettre à un organisme juridiquement compétent - ou alors accepter par avance l’éventualité d’un arbitraire ou d’une anarchie démocratiques auxquelles je suis opposé comme à toutes les autres.

J’en reviens à ce point essentiel que lorsque le peuple a décidé d’agir par des représentants, il a droit à ce que ces représentants aient la compétence maximale requise pour traiter des problèmes qui lui sont soumis. Je trouve insupportable l’idée qu’il puisse s’en remettre à des représentants de rencontre.

Le tirage au sort est proposé par ceux qui pensent que tous les pouvoirs sont corrompus dès le principe. Je ne suis pas de cet avis, et je pense que la corruption est présente à égalité chez l’individu (tiré au sort ou pas) et dans la collectivité. Le seul problème réel qui se pose en démocratie est celui de l’efficacité des contrôles que les citoyens et leurs représentants doivent exercer les uns sur les autres pour éviter la corruption. JR

Cher Jacques,

N’est-ce pas au peuple lui-même, par référendum, de décider s’il préfère des représentants plutôt compétents (choisis par élection) ou des représentants plutôt honnêtes (choisis par tirage au sort) ?

Selon vous, à qui devrait revenir finalement le choix entre élection et tirage au sort (ou une solution mixte) ?

Amicalement.

Étienne.

Oui, Étienne, c’est au peuple qu’il appartient de choisir entre élection et tirage au sort. Mon message traduisait un point de vue personnel qui, je l’espère serait celui du peuple si on le consultait. JR

Bonjour,

J’avais en fac un prof anglais qui avait coutume de dire (avec un fort sympathique accent british): « Vous avez deux ‹ end-members ›, et le vérité est probablement quelque part entre les deux ».

Je pense donc que sans doute un système équilibré est bien le tirage au sort parmi les plus compétents (désignés par un suffrage proportionnel portant sur des non volontaires?). La solution mixte est souvent la meilleure à long terme, même si elle ne prend pas en compte en même temps tous les avantages de chaque solution « pure ». C’est un équilibre qui permet da maximiser les gains/avantages et de minimiser les pertes/inconvénients.

Brieuc

Solution mixte ?

Brieuc (2930).

Une solution mixte est envisageable, mais le système que vous semblez envisager soulève des difficultés :

  1. « Tirage au sort parmi les plus compétents désignés par un suffrage proportionnel portant sur des non-volontaires » : de quels non-volontaires s’agirait-il (les électeurs inscrits sur la liste électorale) ?

  2. Pourquoi écarter les volontaires ?

  3. « Suffrage proportionnel » : il me semble que vous parlez d’une élection à deux tours - sauf qu’une élection ne désigne pas forcément les plus compétents, mais ceux qui recueillent le plus de voix (ce qui n’est pas la même chose). JR

Le conseil constitutionnel doit juger des choix politiques, je pense que cela différe totalement d’un tribunal qui lui doit juger des faits, non ?

Alors pourquoi parlez-vous de compétents ? Ne s’agit-il pas plus d’idées que de compétences ?

[bgcolor=#FFFF99]L’indignation des compétents[/bgcolor]

Cher Jacques,

  1. Quel est, d’après vous, le meilleur moyen de déterminer les plus compétents ?

  2. Que signifie « compétence » en matière politique, alors que toutes les démocraties du monde, que je sache, proclament haut et fort que « un homme = une voix », ce qui est l’incarnation du principe révolutionnaire de l’égalité politique. Cette égalité politique serait-elle, pour vous, compatible avec une inégalité des compétences politiques ? Par quelle ruse de l’esprit ? :confused:

Amicalement.

Étienne.

PS : je verse au débat (et je vous recommande chaleureusement la lecture de) ce billet savoureux (et peu commenté pour l’instant) où deux propos d’Alain, une sentence de Pareto et une étonnante pensée de Machiavel sont associés pour faire sens :

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/forum/index.php?2007/04/22/65-l-indignation-des-competents

:confused:

Compétence politique

Mon cher Étienne,

Le texte que vous citez concerne, il me semble, le contrôle des représentants (les députés) et des bureaucrates (l’administration) plutôt que le moyen de désigner des représentants et des bureaucrates compétents.

Pour répondre précisément à vos questions :

  1. Tous les citoyens ont vocation à exercer des fonctions politiques, mais tous n’ont pas la même compétence pour le faire. Cela étant, le meilleur moyen de chosir les représentant les plus compétents est de mettre en concurrence ceux qui sont prêts à remplir une fonction publique : donc, d’organiser des élections (représentants) et des concours (bureaucrates) ;

  2. La compétence politique repose sur deux choses : 1) l’adéquation des objectifs politiques du candidat avec la volonté de la majorité qui l’élira, et 2) un jugement de valeur sur l’aptitude du candidat à parvenir aux objectifs. Ce jugement de valeur portera essentiellement sur la sincérité du candidat et l’ensemble des qualités qu’il peut mettre au service des objectifs communs. Ce jugement, le tirage au sort ne permet pas - ou très mal - de le former.

Le principe « un homme, une voix » se rapporte au suffrage universel appliqué à la désignation de représentants (démocratie représentative) ou à l’approbation de certaines décisions directement par le peuple (démocratie directe). Il ne signifie pas que tout citoyen a automatiquement compétence pour exercer un pouvoir politique.

Cela dit, je suis d’accord que le tirage au sort peut être un bon moyen, dans certaines conditions, de contrôler l’activité des représentants désignés par l’élection et celle des bureaucrates.

Amitiés. JR

Bonjour,

De mon point de vue, si la compétence est nécessaire pour le bureaucrate, qui doit le plus souvent accomplir une tâche précise dans un cadre donné, je ne vois pas ce qu’elle a à faire dans le politique. Dans la plupart des cas, la politique s’appuie sur du bon sens et une dose (plus ou moins massive selon le niveau de responsabilité) de culture générale. Etre maire ou député ne demande pas de sortir de la cuisse de Jupiter, ni d’avoir un cursus complet science-po - ENA.

Jacques Roman, vous parlez de compétence pour désigner ceci:
« 2) un jugement de valeur sur l’aptitude du candidat à parvenir aux objectifs. Ce jugement de valeur portera essentiellement sur la sincérité du candidat et l’ensemble des qualités qu’il peut mettre au service des objectifs communs. »

Comme vous le précisez dans cette même phrase, il s’agit là de qualités humaines, qui ont peu à voir avec l’instruction et la formation (=les moteurs de la compétence), mais avec la nature de la personne, et son éducation (=son aptitude à reconnaître et suivre les principes de la morale, qui me sont chers par ailleurs sous le vocable de « Principes Fondamentaux »).

Je crois que le risque de chercher systématiquement la compétence présente deux dangers:

  1. celui de tomber dans un gouvernement par le compétence, qui fait appel pour s’exprimer à des techniques apprises. C’est la technocratie dans toute sa splendeur.
  2. celui de s’enfermer dans l’application systèmatique de recettes connues pour résoudre les questions rencontrées, sans plus chercher à découvrir d’autres solutions, et sans plus jamais trouver de questions inédites pour l’élu qui les rencontre (autrement dit, le risque de gouverner par un catalogue de réponses pré-formatées). C’est le dogme dans toute sa splendeur.

Dans les deux cas, la solution est de placer au moins de temps en temps, des « candides » à la tête de nos gouvernements, afin que leur regard neuf puisse apporter des idées nouvelles sur de vieux problèmes.

Par ailleurs, contrairement à ce qui pouvait être compris dans un de mes messages précédent, je n’écarte pas les volontaires à une fonction. J’aurais dû écrire « élection à la proportionnelle parmi les citoyens, sans déclaration de candidature obligatoire ». Cela signifie que si une personne est volontaire pour une tâche, elle peut le déclarer, ça ne mange pas de pain. Par contre, une personne qui ne se déclare pas peut parfaitement être désignée par ses concitoyens, au motif de ses qualités et compétences. En ce cas, la personne désignée est inscrite sur une liste finale de « personnes pressenties pour la fonction »; les non-volontaires pourraient se rétracter, mais je pense que ce serait plutôt mal venu, car si tous les non-volontaires se retirent, il ne restent que les volontaires, donc ceux qui, peut-être, ont une idée derrière la tête. Or, il a été discuté ailleurs sur le forum je crois du fait que seuls ceux qui ne sont pas attachés à obtenir le pouvoir devraient avoir accès au pouvoir, en espérant ainsi qu’ils en partiront plus vite (mais le pouvoir corrompt, on le sait, donc cela n’empêche pas l’institution de règles sur la durée et le renouvellement des mandats).

Par la suite, un tirage au sort sur cette « liste finale » désigne le ou les mandatés. Cette étape est nécessaire pour briser les politiques de partis, et casser la machine à fabriquer l’opinion.

[bgcolor=#FFFF99]Une telle combinaison permet tout à la fois de profiter des meilleures compétences (puisque les personnes sont désignées a priori pour leur compétences), et du tirage au sort, briseur de stratégies d’accès au pouvoir pour le pouvoir.[/bgcolor]

Un dernier point: pour une élection à un poste à personne unique (députation, présidence,…), il serait possible de proposer aux citoyens de désigner, par ordre de préférence, x candidats (trois, cinq…). La liste finale comprendrait alors les x personnes les plus souvent citées. Imaginons ce système appliqué au premier tour de la présidentielle de 2007. Un tirage au sort entre Royal, Sarkozy et Bayrou, ça a plus de gueule qu’un deuxième tour Royal-Sarko, non?

Amicalement,

Brieuc

Tirage au sort : liste finale

Bonjour Brieuc (2947).

Il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas dans le système que vous proposez : à partir de quoi est établie la « liste finale » sur laquelle on tirera au sort ?

Ensuite, si un « non-volontaire » accepte le poste, ne devient-il pas « volontaire », et du même coup chercheur de pouvoir ? En toute logique, un vrai « non-volontaire » devrait refuser d’exercer la fonction même si on le désigne. JR

[b]Tirage au sort : liste finale[/b]

Bonjour Brieuc (2947).

Il y a quelque chose que je ne comprends toujours pas dans le système que vous proposez : à partir de quoi est établie la « liste finale » sur laquelle on tirera au sort ?


La liste en question serait établie à partir des choix exprimés par les votants. Un exemple pour les législatives: l’électeur dispose de x noms (les volontaires ou candidats officiels) pour sa circonscription. Il peut donc choisir y noms, qui représentent pour lui des choix souhaitables parmi ceux des candidats, mais aussi placer d’autres noms, qui lui sont connus, et qui sont ceux de personnes pour lui au moins aussi souhaitables à ce poste (ce sont les fameux « non volontaires », qu’il serait sans doute préférable de désigner par « non candidats »).

La liste établie, à partir donc des y noms les plus souvents cités, un tirage au sort est effectué, qui peut donc parfaitement désigner un non-candidat.

[b]Tirage au sort : liste finale[/b]Ensuite, si un "non-volontaire" accepte le poste, ne devient-il pas "volontaire", et du même coup chercheur de pouvoir ? En toute logique, un vrai "non-volontaire" devrait refuser d'exercer la fonction même si on le désigne. JR
Ne jouons pas sur les mots, s'il vous plaît, la chose est déjà assez difficile comme cela ;-). Cela dit, vous avez raison sur le fond sémantique: Un "non candidat" (puisqu'il est préférable de les nommer ainsi, pour éviter les confusions) qui serait désigné par ses concitoyens, puis par le tirage au sort, pourrait accepter le mandat. Dans ce cas, il est bien devenu volontaire pour remplir la mission confiée par les électeurs. Si il refuse, alors il est tout à la fois non-candidat, et de fait, non-volontaire!

Brieuc