Sam, sur la question juridique et constitutionnelle de l’utilisation de l’article 11, j’ai trouvé un argumentaire de la C6R du 21 mars 2007 validant l’utilisation que je préconisais le 02-06-2006 dans mon message n° 1129 (engagment solennel présidentiel) de ce fil ouvert par Magneticpole.
Voici ce texte qui est très complet sur la question.
Ségolène Royal et le référendum : aspects technico-politiques, par la C6R-Paris
Site de la C6R
Ségolène Royal a annoncé que, si elle était élue, elle organiserait un référendum pour réformer les institutions. Sans se prononcer ici sur le contenu de la réforme, on peut s’intéresser à la procédure retenue : un référendum fondé sur l’article 11 de la Constitution.
[color=blue][b]1. Quels problèmes ?[/b][/color]
Cette annonce pose un problème de principe, car la Constitution se révise normalement selon la procédure de l’article 89, qui suppose un vote conforme des deux chambres puis, au choix du Président, une ratification en Congrès ou par référendum. De Gaulle avait trouvé une « astuce » en 1962 et en 1969, qui avait fait scandale à l’époque, en organisant des référendums constituants sur le fondement de l’article 11 de la Constitution. Cet article, qui permet à l’exécutif de poser directement une question au peuple sans vote préalable des chambres, ne concerne en principe que les référendums législatifs (c’est-à-dire portant sur une loi ordinaire, non une loi constitutionnelle).
La C6R connaît bien ce problème : [bgcolor=#FFFF99]changer de Constitution ne peut se faire qu’en violant la précédente[/bgcolor]. On comprend donc bien le souci de Ségolène Royal : changer la Constitution avec le nécessaire accord d’un Sénat conservateur, c’est... fortement limiter les possibilités de réforme et d’innovation ! La problématique est d’ailleurs comparable pour les lois organiques qui concernent le Sénat (article 46 de la Constitution) : sauf à recourir à un référendum (législatif, celui-ci), aucune limitation du cumul des mandats n’est possible sans son accord .
Il serait donc tentant pour Ségolène Royal de considérer la question du fondement du référendum de l’article 11 comme réglée : les précédents gaulliens auraient créé une sorte de coutume ; François Mitterrand avait lui-même fini par estimer qu’il y a deux voies parallèles de révision de la Constitution. Pourtant, elle aurait tort de négliger les difficultés, tant juridiques que politiques, que posera le recours à l’article 11. Juridiquement, au-delà du jeu sur les mots (l’article 11 vise les projets de loi sur « l’organisation des pouvoirs publics »), l’interprétation de bonne foi de la Constitution et l’intention de ses rédacteurs sont sans ambiguïté : la seule procédure régulière est celle de l’article 89. Surtout, le contexte juridique a changé depuis les années 1960 :
toutes les révisions constitutionnelles ultérieures ont été faites sur le fondement de l’article 89, ce qui pourrait plaider pour la désuétude des pratiques gaulliennes ;
le Conseil d’État a réaffirmé en 1998, sans que personne ne lui ait posé la question, que l’article 89 était la seule voie de révision (arrêt « Sarran et Levacher ») ;
le Conseil constitutionnel pourrait s’appuyer sur sa jurisprudence de 2000-2005 sur les actes préparatoires au référendum pour contrôler la régularité du recours à l’article 11. Or, le Conseil n’est désormais plus « aux ordres » comme il l’était sous de Gaulle. Mais au-delà de ces objections juridiques, que tout réformateur un peu ambitieux devra en tout état de cause surmonter, c’est surtout politiquement que la procédure est critiquable : les adversaires du futur référendum ne manqueront pas de reprocher à Ségolène Royal de prendre une décision unilatérale, passant au-dessus des assemblées. L’argument aura d’autant plus de force que la révision visera (comme on peut l’espérer) à renforcer le Parlement et, plus généralement, à renouveler les pratiques démocratiques...
[color=blue][b]2. Quelles solutions ?[/b][/color]
Pour pallier ces difficultés, on pourrait imaginer de suivre, d’abord, la procédure de l’article 89, puis seulement en cas d’échec (c’est-à-dire de veto du Sénat) de recourir à un référendum de l’article 11. Il y aurait donc un vrai débat au Parlement et, en faisant peser la « menace » de l’article 11 sur le Sénat, on le pousserait (peut-être) à faire des compromis. Ségolène Royal prendrait ensuite les citoyens à témoin : « le Sénat ne nous laisse rien réformer, nous sommes obligés de passer outre ». Mais c’est sans doute la pire des solutions : elle suppose de faire frontalement contredire le Parlement par le peuple ; elle constitue un détournement de procédure finalement pire que l’usage direct de l’article 11. [color=red][i][b]Il est donc préférable de jouer franc jeu : « nous utilisons l’article 11 car c’est la seule voie pour une réforme d’ampleur des institutions ». En l’annonçant suffisamment à l’avance dans la campagne présidentielle, en débattant publiquement sur les réformes proposées, les citoyens ne seraient pas pris « par surprise », comme ils avaient pu l’être sous de Gaulle. La légitimité politique conférée par 4 tours d’élections pourrait suffire à compenser l’absence de vote des assemblées (qui se livreraient à un simple débat sur le projet, comme le prévoit l’article 11 depuis 1995).[/b][/i][/color]
Voilà exactement la démonstration, bien mieux explicitée que je ne saurais le faire.
Je souligne aussi ce passage qui me semble si vrai : [color=red][b]"changer de Constitution ne peut se faire qu’en violant la précédente."[/b][/color], et donc qu'il faudrait prendre en considération lors de l'établissement d'une nouvelle constitution évolutive. Il faut bien réflechir aux modalités de révision de n'importe quel texte fondateur. C'est presque l'essentiel à prévoir.
Merci beaucoup pour les précisions, c’est très éclairant.
Entre nous, le constitutionnaliste amateur et utopiste que je suis est un peu révolté de voir tant de flou dans l’interprétation d’une constitution.
Je note aussi qu’après avoir écrit cette sentence que vous soulignez, criante de vérité, il est étonnant qu’on puisse conclure qu’on va finalement employer la constitution pour la changer en profondeur…
Mais je comprends et approuve l’idée de Montebourg et (ex) co. Les socialistes représentants au sein des pouvoirs constitués ne vont pas faire la révolution dans la rue, à chacun le rôle qu’il se donne librement.
Si un candidat prend un engagement sur lequel comptent les électeurs qui ont voté pour lui, n’est-il pas normal que ce candidat élu tienne son engagement, quitte a bousculer les institutions ? D’autant que la promesse est justement de bousculer les institutions et d’organiser un référendum institutionnel. 9 candidats sur 12 se sont quand même prononcés pour une 6ème République. C’est un peu le RIC de la campagne présidentielle.
Il y a en contrepartie une lourde responsabilité pour l’initiateur de ce processus et cela aussi est une formidable opportunité pour les rénovateurs d’alimenter le débat de façon constructive. Comme dit la C6R, il vaut mieux jouer franc-jeu.
Tout ceci dans l’absolu n’est sans doute pas normal, mais cela résulte de la force de la fonction présidentielle dans notre constitution actuelle (coup d’État permanent ??) et de la place que tient l’élection présidentielle dans notre système démocratique.
Mais sauf à faire une révolution, il faut utiliser les armes que nous donnent nos propres textes, surtout je le répète, qu’il ne s’agit que de se tourner vers les citoyens qui peuvent bien évidemment rejeter le projet.
Je fais remarquer que ceux qui sont pour la mise en place d’une constituante sont exactement dans le même cas. Le candidat s’il est élu sera lui aussi obligé de passer par le référendum de l’article 11, pour demander d’abord aux citoyens s’ils veulent la convocation d’une constituante. Car, bien évidemment, il lui sera impossible, quoique ça ne manquerait pas de saveur, de passer par l’article 89 pour obtenir l’accord des deux chambres (Ass Nat et Sénat). Demander à ces deux chambres, la convocation d’une constituante, serait une pure réjouissance démocratique.
Bonjour à tous, nous partageons vos idées visant à un changement de constitution. Nous avons modestement créé un petit mouvement prônant la fin du régime présidentiel; voici l’adresse : http://www.mfrp.fr/
Nous vous invitons à le consulter et à participer à notre forum.
Trois réformes essentielles
pour un Nouvel Âge Démocratique.
Neuf candidats sur douze, à la Présidentielle ont intégré dans leur programme respectif, le passage à la Sixième République. et nombreux sont les candidats qui espèrent la convocation d’une constituante. Royal a promis un référendum institutionnel à l’automne 2007, et Bayrou dans les deux ans de son mandat s’ils sont élus.
Dans ce contexte il serait intéressant d’établir une sorte de PACTE DÉMOCRATIQUE DU CITOYEN pour changer la République, et intervenir dans les débats qui s’annoncent.
Voici trois premières réformes (il s’agit d’un rappel) qui me paraissent essentielles dans un tel pacte citoyen et sont complémentaires du pacte présidentiel de mon message N° 2413 du 11/02/2007, plus haut dans ce fil.
A) Du mandat unique des élus
[color=blue][b]Art 1)[/b][/color] – « Les mandats nationaux, régionaux et départementaux, ne peuvent se cumuler qu’avec le simple mandat de conseiller municipal».
[color=blue][b]Art 2) [/b][/color]– « Nul ne peut être éligible à plus de deux mandats successifs pour la même fonction hormis celle de conseiller municipal ».
[color=blue][b]Art 3)[/b][/color] – « Les magistrats et les fonctionnaires de catégorie A ne peuvent être éligibles à un mandat électoral, hormis celui de conseiller municipal »
[size=12][color=purple][b]B) Un scrutin législatif revisité par la proportionnelle.[/b][/color][/size]
Tous les acteurs politiques sont d’accord pour intégrer une dose de proportionnelle.
[color=blue][b]Art 1) [/b][/color]Nous proposons de fixer ce taux à 1/3. On porte le nombre total de députés à 6OO dont 200 (soit un tiers) élus à la proportionnelle sur liste régionale.
[color=blue][b]Art 2) [/b][/color]Les électeurs auraient donc 2 bulletins de vote à l'occasion du scrutin législatif: Un bulletin pour leur député de circonscription, et un bulletin pour voter sur les listes régionales de 10 députés par région en moyenne
[color=purple][size=12][b]C) Une réforme du Sénat.[/b][/size][/color]
Il est proposé de reformer le Sénat, de supprimer le Comité Économique et Social national, et de refonder un nouveau Sénat sur des bases démocratiques nouvelles.
[color=blue][b]Art 1)[/b][/color] Le Sénat sera composé de 500 sénateurs (environ) tirés au sort au niveau régional, parmi les conseillers municipaux dits "de base", (c'est-à-dire ne faisant pas partie des exécutifs des assemblées municipales).
[color=blue][b]Art 2) [/b][/color]Le mandat de sénateur n'est pas renouvelable et est d'une durée de 3 ans ( c'est-à-dire un demi-mandat municipal).
[color=green][i]Cette réforme du Sénat présente les avantages suivants :[/i][/color]
o d'assurer une bonne répartition géographique (environ 25 sénateurs par région française)
o de permettre une bonne diversité professionnelle des sénateurs quoiqu'aléatoire
o de valoriser la citoyenneté au détriment de l'appartenance partisane.
o de conserver à peu près le même nombre de parlementaire (AssNat+ Sénat)
o de permettre facilement la parité Homme/femmes, puisqu'il suffit de tirer au sort les sénatrices parmi les seules conseillères municipales.
Ces trois réformes essentielles sont incontournables pour refonder le lien de confiance entre les élus et les représentés que sont les citoyens de ce pays.
Sans aucun doute d’autres propositions ayant trait à la fonction présidentielle (mandat de 7 ans non renouvelable, à défaut de la suppression de la fonction) mais aussi au Référendum d’initiative citoyenne, peuvent sûrement trouver place dans un tel Pacte Démocratique Citoyen
Pour informations complémentaires voir blogs et forum: