04 Limite de temps d'une constitution

Bonjour à tous,

C’est un premier post (il faut bien commencer)
et sans doute la question un peu naïve mais je la pose quand même.

On sent bien la difficulté qu’il y a à mettre en place une assemblée Constituante ; seuls des évènements exceptionnels (guerres, révolution, …) ou improbables (élection d’un candidat prônant un changement de Constitution, … ) permettent ce genre de processus.

J’en viens à ma question : devant cette difficulté, ne faut-il pas inclure dans une Constitution une limite de temps (par exemple 50 ans),
nécessitant un référendum soit pour pour une prolongation (25 ans) de la Constitution actuelle, soit pour initier un nouveau processus « constituant » ?

Ce principe de limite dans la durée de vie d’une Constitution ne pouvant pas être remis en cause…

Quelles sont vos réflexions sur ce point ?

(encore merci à Étienne pour cet éveil citoyen)

Inscrire une « date de péremption » dans la constitution elle-même me paraît au mieux tout à fait inutile, au pire très dangereux.

  • une constitution n’est pas qu’un texte, adopté à une date donnée, mais bien plus un état de la société. Comme la démocratie, elle est naturellement périssable et employée comme trompe-l’œil..
  • Une Constitution VIT dans la société, elle se MAINTIENT ou non, par ses membres, par l’efficience de l’exercice démocratique, la capacité de tous à avoir en tête les droits fondementaux, la capacité des élus à donner sens à l’action politique, la capacité des associations politiques de défendre les droits fondementaux… Cf. Préambule et article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. Une constitution existe (ou non) DE FAIT, dans une société où le respect des libertés est garanti et les pouvoirs séparés (ou non).

  • La « perte » de la constitution, même si le papelard reste en vigueur, peut provenir en particulier de changements intervenus après l’adoption ; et de mille et une façons, un régime tyrannique, et même totalitaire, peut émerger dans une démocratie, sans même en changer les lois ; il peut aussi proposer et faire adopter (même par un vote légitime) un autre texte appelé « constitution ». Cf. Article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789.

  • Ce qui pourrait arriver aux générations futures (dans 50 ans, ou moins ou plus) est ce qui nous arrive déjà.
  • Dans les faits, on peut considérer que la nation française a bien ENCORE une Constitution, qu’elle est en mesure de la maintenir. Nos représentants nationaux n’ont pas installé une dictature. Au dela d’abus de pouvoirs, de défailances multiples à leurs devoirs et dans fonctions, ils font globalement appliquer le droit tel que reconnu, et les pouvoirs tels que définis dans la Constitution existante sont séparés.

  • Cela est devenu partiellement inexact si on considère l’ingérence de l’OMC, du FMI, des mesures européennes non fondées sur les droits fondementaux, une subsidiarité floue, à géométrie variable, dont les règles sont élaborées peu à peu sans être soumises au vote démocratique… en particulier, la restructuration du système monnétaire et financier en Europe : pour commencer, les statuts de la banque centrale ne sont pas du tout définis dans l’actuelle constitution française, et qu’on ait pu imposer qu’elle devienne indépendante d’une part, et affiliée au réseau européen d’autre part, n’a pas demandé la moindre modification de la constitution. Cette lacune était une tare majeure parmi celles que comporte notre constitution, et elle aurait déjà du paraître évidente au moment de son adoption.

  • Plus globalement, c’est la liste des pouvoirs à séparer et des droits et libertés à observer qui est devenu trop restreinte avec le temps. La mondialisation (la généralisation de l’actionnariat abstrait, le contrôle de la très grande partie du commerce par des multinaltionales), l’explosion des médias (le contrôle de l’information par des trusts, la livraison spontané des médias aux lois du marché), les nouvelles technologies en biologie et en informatique…

On n’a pas eu besoin d’une date de péremption, pour la précédente (française) pour se rendre compte qu’elle est périmée. Et si la date choisie présomptueusement en 1958 avait été : 2050, on ferait quoi ?

  • Pire, si la « date de préremption » arrive en pleine période de crise de régime, cela pourraît conduire à n’avoir plus de constitution, plus probablement à se voir quasiment (voire strictement) imposer une constitution bien plus mauvaise.

Cette question ne me semble pas avoir reçu une attention suffisante.

La réponse de sam17 est intéressante mais ses deux arguments finaux sont facilement contrables. Pour la première le fait de décider que la constitution doit être révisée en 2050 n’empêche pas de la réviser en 2000. Pour la seconde, on sait bien qu’en temps de crise de régime le respect de la constitution n’est qu’un vœu pieux et que son non respect est justement un des symptômes de la crise.

Personnellement je généraliserais la proposition de lcombe à toutes les institutions politiques. Il me semble que pour atteindre leur objectif, qui est de servir l’homme, les institutions politiques (les règles : lois, constitution, … les organismes : services publics, associations, entreprises, …) devraient être à la mesure de l’homme. Et le principal élément qui caractérise l’homme est sa mortalité (je laisse tomber provisoirement sa taille dont je parle assez sur d’autres fils).

Toutes les institutions politiques sont créées dans un but qui par définition n’est pas atteint à ce moment là. Au bout d’un certain temps, qu’il est souhaitable de définir a priori, il ne peut s’être passé que l’une de deux choses. Soit le but a été atteint, alors la situation initiale a changé et il est raisonnable soit de terminer l’institution soit de la transformer. Soit le but n’a pas été atteint, et il est raisonnable de se poser la question des raisons et de terminer l’institution ou de la transformer.

Prenons la constitution pour commencer, comme exemple et parce que nous sommes sur ce forum. [bgcolor=#FFFF99]Il me paraîtrait sain que chaque génération ait l’occasion de l’approuver.[/bgcolor] Et pour que celui qui avait 17 ans lors d’une approbation et aura 57 ans lors de la suivante ne se sente pas moins citoyen que son aîné d’un an, on pourrait imaginer un référendum tous les 10 ou 15 ans donnant le choix entre reconduire la constitution actuelle et réunir une constituante (les détails du second point font déjà l’objet de plusieurs fils).

[bgcolor=#FFFF99]Idem pour les lois, décrets, règlements, etc. la constitution pourrait établir qu’ils doivent comporter un délai de réexamen[/bgcolor] [bgcolor=#CCFFFF](L’ISO applique déjà cette règle : « Toutes les Normes internationales sont réexaminées au moins trois ans après publication et tous les cinq ans après le premier examen périodique par tous les comités membres de l’ISO. Il est décidé à la majorité des membres § du TC/SC si une Norme internationale doit être confirmée, révisée ou annulée. »)[/bgcolor]. ça aurait l’effet secondaire appréciable de modérer l’inflation législative.

[bgcolor=#FFFF99]Idem pour les organismes[/bgcolor], la constitution pourrait préciser que la loi définit la durée de vie des entreprises, associations, services publics …

Merci Lanredec,
c’est intéressant.

Cela fait des siècles, voire des millénaires, que l’on s’affronte autour de notions comme « vivre bien » ou « le bien public ». Avec l’avènement de la pensée démocratique, il est apparu qu’il fallait [b]redéfinir régulièrement, dans le cadre d’un processus permanent, ouvert et démocratique, ce qui pouvait être qualifié de « bon » dans la res publica[/b].

[…] une conception a priori claire de ce qui est bon : cette conception donne lieu à un consensus qui est soustrait au débat démocratique et qui a donc un caractère pré-politique. Or, une conception prépolitique est la négation même de l’élément démocratique.
[…]
La démocratie est une promesse dont la réalisation est une conquête. Il est d’autant plus important que le processus de conquête de la démocratie reste toujours ouvert. Pour cela, il faut désigner les structures de gouvernance pour ce qu’elles sont en réalité au lieu de les présenter, d’une manière ou d’une autre, comme un substitut suffisant aux processus démocratiques.

La démocratie est une promesse dont la réalisation est une conquête. >>> tout simplement génial. Je rajouterais « permanente »

Du coup j’ai demandé à Gogol de m’en dire plus >>> http://www.venice.coe.int/docs/2011/CDL-AD(2011)009-f.pdf

Ana, perdue dans la neige sur l’alpage :wink:

lanredec,

Avez vous calculé le temps qu’il faudrait pour procéder à la révision périodique systématique des constitutions, lois et décrets, même à supposer qu’on décide de ne pas changer ?

Est-ce que vous ne pensez pas qu’il est plus sage d’entamer une révision uniquement quand le besoin s’en fait sentir (comme c’est le cas actuellement sous la forme des débats publics médiatiques, internet et autres, qui ont lieu en permanence) ? JR

Quand le besoin s’en fait sentir par ceux qui ont le pouvoir de décider ?!? ( Parck je ne vois pas qu’un débat internet suffise à déclencher le processus )

Les arguments de temps et de masse sont usuels pour freiner la démocratie réelle.
La démarche juste est de fixer les objectifs AVANT de pointer les difficultés.
Chaque chose en son temps.

Avez vous calculé le temps qu'il faudrait pour procéder à la [i]révision périodique systématique [/i]des constitutions, lois et décrets, même à supposer qu'on décide de ne pas changer ?
Non, pour deux simples raisons. La première c'est que je n'ai aucune idée du délai que le législateur pourrait prévoir pour les futures lois dont je n'ai aucune idée ni de la nature ni de la quantité. La seconde, pour les anciennes lois, la première chose à faire serait de les amender en commençant par la première et en finissant par la dernière ... pour leur ajouter un délai. Je pense d'ailleurs que cette tâche aboutirait à conclure qu'un nombre non négligeable de lois sont déjà obsolètes. Ce travail terminé (dans un siècle ?), il pourrait être possible d'effectuer une estimation.

Dans tous les cas, si ce temps s’avérait si important que ce travail était impraticable, les conséquences théoriques en seraient gravissimes, et les conséquences pratiques inquiétantes.

Je note que vous ne réagissez que sur les modalités pratiques. Je pense donc que vous me suivez sur les motivations.

Il faudrait que tout le monde soit beau et gentil, il faudrait que toutes les lois soient parfaites.

Il est impossible de consacrer aux lois tout le temps qu’il faudrait pour qu’elles soient parfaites.

Il faut donc se consenter de lois plus ou moins imparfaites.

À quoi sert d’être d’accord sur les motivations si l’action est impossible ?

Le mieux est l’ennemi du bien JR

Le monde n’est pas parfait, vouloir qu’une loi ait une durée indéterminée c’est croire que le législateur est Dieu.

Si le problème existe, et que la solution proposée est incorrecte, ce qu’il faut faire c’est proposer une autre solution, pas essayer de se convaincre que le problème n’existe pas.

En l’occurrence l’action est, je pense, possible.

Pourquoi serait il impossible de mettre périodiquement la constitution aux voix ? Il suffirait de remplacer « de temps en temps, sur un article précis, à la discrétion du gouvernement » par « périodiquement, globalement, constitutionnellement ».

Pourquoi serait il impossible de limiter la durée de vie des organisations humaines ? C’était le cas il y a quelques lustres. D’ailleurs l’intuitu personae bien compris implique qu’une société qui regroupe d’autres personnes n’est plus la même société. Quant aux sociétés de capitaux, justement, ce sont elles qui posent le plus gros problème, c’est surtout pour elles qu’il faut un mécanisme obligatoire pour passer régulièrement par la case liquidation/redistribution.

Pourquoi serait il plus difficile aux députés, dont c’est la fonction, qu’aux juges, qui ne doivent pas le faire, qui doivent ne pas le faire, de réinterpréter une loi quand les circonstances ont changé ? Pourquoi serait il plus difficile aux députés d’ajouter à une loi l’obligation de la réviser avant, par exemple, 50 ans que de prévoir les circonstances dans lesquelles cette loi devra s’appliquer dans 50, 100, 150 ans ? Pourquoi les députés n’arriveraient ils pas à faire ce que les fonctionnaires de l’ISO font ?

Pourquoi serait il impossible de définir précisément, avec des échéances, la fonction d’une administration ? Le nombre et la fonction des ministère change à chaque « remaniement ministériel », mais ils règnent sur des administrations dont la principale fonction est de se maintenir (depuis ma jeunesse on est passé en France d’une économie semi-dirigée à une économie néo-libérale, on aurait pu s’attendre à ce que l’administration correspondante voie ses effectifs divisés par dix ou vingt - juste un exemple).

Parce que ça prendrait un temps fou, que ça coûterait trop, et que ça ne serait que très marginalement utile.

Nous avons suffisamment de parlementaires et de bureaucrates pour faire ce travail de révision dans le cours de leurs activité normales.

Pas la peine de mettre en place une lourde machine qui ne servirait pratiquement à rien.

Et encore moins si on institue la proposition de loi d’initiative citoyenne, qui pourrait porter aussi sur l’abogation ou la modification d’une loi existante. JR

Je vous renvoie à mon idée de « pérénnité législative » : Forum du plan C : pour une Constitution écrite par et pour les Citoyens / Les visées d'une constitution?

Sautez à la première réponse pour entrer dans le vif du sujet!

Sonny Champagne