04 Quelles missions confions-nous à l'État ? Faut-il lier la question à celle du statut des fonctionnaires ?

Quelles missions confions nous à l’État ?
Certaines propositions ci-dessus semblent (contrairement à la question) considérer l’État comme une entité a-priori. C’est oublier que c’est nous, le peuple, qui, par la constitution, étymologiquement, constituons l’État, non au sens d’y participer ou d’en faire partie, mais aux sens d’établir dans une situation légale, d’organiser, de former. Mais pas forcément de lui confier des missions précises, plutôt des règles.

Je propose :
Le peuple peut à tout moment donner mandat à un exécutif de gérer pour lui les biens ou les services qu’il lui conviendra. L’exécutif doit informer en permanence le peuple sur tous les éléments lui permettant de juger de la qualité de sa gestion. Le peuple peut à tout moment révoquer tout mandat confié à l’exécutif (en tant que personne morale ; le cas des représentants est distinct) ; cette révocation entraîne implicitement un mandat d’assurer la réversibilité dans les meilleures conditons. (Toutes les propositions évoquées ci-dessus peuvent entrer dans ce cadre mais ne nécessitent pas d’être a-priori.)

Le parlement a mission exclusive de définir, sous le contrôle (au sens large : supervision mais aussi pouvoir de décision) permanent du peuple, les lois qui s’appliquent à l’exécutif, aux autres personnes morales, et aux relations entre les citoyens (pas aux citoyens eux mêmes en tant qu’individus séparés, ce qui serait du totalitarisme).

La justice a mission de trancher les différends entre les citoyens, de trancher les différends entre les citoyens et l’exécutif, de protéger les citoyens et l’État dans leurs différends avec les autres personnes morales, sur la base de la loi, et de faire appliquer ses décisions dans les différends entre les citoyens et envers les personnes morales.

En cherchant un fil qui pourrait s’intituler " Qu’est ce que l’Etat ? Qu’est ce qu’une constitution ? ", qui, tout à fait bizarrement, ne semble pas exister (si vous le trouvez, soyez gentil de me pointer dessus) alors que c’est quand même la première chose à définir avant d’écrire une constitution, je tombe sur le post précédent dont je suis assez satisfait malgré le temps passé depuis. Mais je suis plutôt déçu de voir qu’il n’a suscité aucune réaction, ni favorable ni défavorable.

Bref, sur l’Etat, c’est pour moi une entreprise publique dont les actionnaires sont l’ensemble des citoyens. La question qu’il faut alors se poser c’est : " Est ce la holding de toutes les autres entreprises publiques (dont les ministères et services publics) ou est ce une entreprise indépendante de normalisation et de contrôle utilisée par ces autres entreprises publiques (et bien sûr les citoyens, qui en sont alors les actionnaires directs) ?" Je sais que la première option peut paraître la réponse évidente, la seule possible, mais l’est elle ?

Et sur le texte constituant (constitutif ? constitutionnel ?), c’est pour moi, à la fois la charte (qui répond à la question précédente et à celles qui en découlent) et la note d’organisation de cette entreprise. Question : « Le règlement intérieur, ou ses grandes lignes, ou la partie concernant les relations de l’actionnaire avec l’entreprise, en fait il partie ? » Ce qui est sûr c’est qu’aucune autre obligation de l’actionnaire-citoyen n’a, selon ce point de vue, à apparaître dans la constitution.

Dans la vision politique et idéaliste de l’idéal démocratique, l’État dans ses différentes branches législatives, exécutives, judiciaires et ses différentes missions, budgétaires, monétaires, militaires, éducatives, scientifiques, culturelles, policières, hospitalières etc., est l’organe de mise en œuvre des préférences de la Nation.

Dans sa vision politique et matérialiste, l’État est l’enjeu d’une lutte entre les différents intérêts, les différentes classes sociales et catégories socio-professionnelles pour en obtenir le maximum d’influence sur celui-ci afin d’en obtenir des avantages aux détriments des autres.

Si vous discutez politique avec pas mal de gens, une phrase elliptique revient souvent :

« On a beau dire ce que l’on veut, ils font ce qu’ils veulent ! »

Ce qui traduit de manière plus soutenue donne : « Nous avons exprimer de façon claire et volontaire ce que nous voulons, nos soit-disants représentants ne tiennent pas compte de notre avis et décident ce qu’ils veulent. »

Et c’est vrai, qu’au plus nous éloignons de la fin de la Seconde Guerre Mondiale où les hommes politiques qui avaient collaboré avaient un peu éliminés, au moins nos soit-disant représentants tiennent compte de notre avis : Réforme des retraites, TCE, privatisations, etc.

Cette liste des choix politiques serait trop longue où les « décideurs » ( un mot révélateur, normalement c’est nous qui devrions décider, si le mot démocratie avait un sens ) suivent les avis des marchés et du grand capital.

Eh, bien, c’est déjà pas glorieux, mais cela serait pire si nous considérions que l’État serait une holding avec les citoyens comme actionnaires, n’importe quel citoyen nécessiteux pourrait alors en vendre des parts pour se remonter financièrement, jusqu’à extinction des moyens de l’État, par suite il n’y aurait plus moyen de mettre en œuvre les préférences des gens, les préférences de la Nation, plus de politique du tout, ni de démocratie, rien que la dictature des marchés.

Par « décideur » il faut entendre toute personne et tout organe appelés à prendre des décisions dans leur domaine de compétence et par conséquent il n’y a rien d’anormal ou de choquant à désigner collectivement comme « décideurs » un groupe particulier – par exemple les citoyens, les gouvernants, les enseignants d’une faculté de médecine, les organes d’un syndicat ou les membres du comité de l’association locale de pêche à la ligne. Les gouvernants élus ou nommés étant les décideurs les plus fréquents au plus haut niveau public, je ne vois pas pourquoi il faudrait leur refuser le titre.

Cela dit, je suis d’accord avec Gilles : la comparaison de l’État avec une entreprise et des citoyens avec des actionnaires est trompeuse et dangereuse. « L’État est-il ou non une holding? » est une question qui n’a pas lieu de se poser. Même prise comme métaphore (ce qu’a fait lanredec, je crois), la comparaison est très peu éclairante ; elle n’aide pas à préciser la nature de l’État et de la constitution.

Dans la perspective démocratique, nous ne parlons pas de gérer une entreprise, mais les relations entre membres de la société. Les droits des citoyens sont des droits universels, indissociables, imprescriptibles et inaliénables, sans commune mesure par conséquent avec les droits des actionnaires. L’État est l’organisation des citoyens. La constitution est le texte qui règle l’organisation et le fonctionnement de l’État.

Les Américains disaient autrefois « Ce qui est bon pour la General Motors est bon pour les États-Unis » : nous savons que ce n’est pas vrai, ni pour les États-Unis, ni pour la France, ni pour l’Europe. JR

Veuillez noter que je n’ai pas parlé de société anonyme. Dans mon esprit il s’agit évidemment d’une forme d’entreprise sui generis. Je suis évidemment d’accord avec vous que nulle part un citoyen n’a la possibilité de vendre sa citoyenneté (même s’il n’est pas exceptionnel dans le monde qu’un étranger ait la possibilité d’acheter la citoyenneté), mais même ça est très analogue au fonctionnement d’une société coopérative, voire de toute société intuitu personae.

Hormis cette mécompréhension de ma perspective par Gilles, je suis entièrement d’accord avec lui. L’Etat est un organe subordonné à la Nation. Et plutôt au Peuple d’ailleurs. Ce que je dis est qu’il l’est au même titre qu’une entreprise (ou une association si vous voulez) est subordonnée à l’assemblée de ses actionnaires (resp. de ses membres). Une fois ceci admis, il est évident que les dirigeants de l’Etat sont vis à vis des citoyens dans la même position que les dirigeants d’une entreprise vis à vis de leurs actionnaires. Ce ne sont pas les dirigeants de la Nation mais ses employés.

Par contre la confusion que tient à entretenir Jacques entre l’organe qui met en œuvre la politique de la Nation d’une part et l’assemblée des citoyens d’autre part est à la racine du dysfonctionnement fondamental de tous les Etats et de l’abdication de la plupart des citoyens devant ceux qu’ils considèrent comme leurs dirigeants alors qu’ils ne sont que les dirigeants d’un organe (d’une entreprise) à leur (aux citoyens) service.

....Cette liste des choix politiques serait trop longue où les "décideurs" ( un mot révélateur, normalement c'est nous qui devrions décider, si le mot démocratie avait un sens ) suivent les avis des marchés et du grand capital.

Eh, bien, c’est déjà pas glorieux, mais cela serait pire si nous considérions que l’État serait une holding avec les citoyens comme actionnaires, n’importe quel citoyen nécessiteux pourrait alors en vendre des parts pour se remonter financièrement, jusqu’à extinction des moyens de l’État, par suite il n’y aurait plus moyen de mettre en œuvre les préférences des gens, les préférences de la Nation, plus de politique du tout, ni de démocratie, rien que la dictature des marchés.


Je pense que le conditionnel de Gilles n’est pas de mise sur la juste analyse qu’il fait de l’état actuel de l’Etat: une entreprise réduite à ses actionnaires! Etant bien entendu qu’ils sont les seuls décideurs, simplement amenés à faire quelques concessions (d’ailleurs en voie d’extinction) aux travailleurs pour maintenir l’ordre public.

Ce n’est pas « si nous considérions » mais bien « il faut considérer que ».

Parmi ces travailleurs, il y a les non nécessiteux, qui ont encore du travail et qui sont condamnés à payer l’accroissement de la dette.
Il y a les « actionnaires nécessiteux », pour l’essentiel les paysans déclassés par le productivisme agricole, qui subsistent en effet, en vendant leurs parts (leurs terres ou le foncier en général) .
Et les nécessiteux non actionnaires qui sont condamnés d’abord au vagabondage de l’emploi (appelé mobilité), puis à la misère couronnée par la vente de ses parts ultimes de capital (ses organes).

Bernarddo, oui, il faut le dire, ce n’est plus du conditionnel, c’est la réalité actuelle. Par la --construction-- européenne, l’État-Providence a disparu et s’est franchement transformé en simple police des marchés. Ill s’agit maintenant d’un État ordo-libéral.

Pour plus d’explications, les entretiens de Pascale Fourier avec Christian Laval :
http://www.jaidulouperunepisode.org/006_Laval_toutes_les_interviews.htm

Une cagnotte pour soutenir les cheminots en grève pour leur statut, pour le service public et pour la desserte équilibrée des territoires. Les cheminots en France en 2018 face à Macron et aux directives UE, c’est un peu comme les mineurs en Grande-Bretagne face à Thatcher en 1984-1985, c’est un combat décisif pour garder les conquêtes sociales. Si ils gagnent, si cette première ligne de front gagne, tous ceux qui sont derrière seront plus forts. Les décisions du gouvernement devront être influencées par le peuple afin que tout le territoire soit bien desservi par la Société Nationale des Chemins de Fer Français.

https://www.leetchi.com/c/solidarite-avec-les-cheminots-grevistes-31978353

Journal de grève du 9 avril 2018 : Durée 3mn 50 s
https://youtu.be/MUJJOWY1odg

Bien vu @Gilles merci :wink:

J’ai remis les liens url à jour du message au-dessus ( #27 ), l’entretien divisé en quatre parties de Christian Laval avec Pascale Fourier sur la mutation, à la suite de la dépression des années 1930, du libéralisme en ordo-libéralisme ou néo-libéralisme et ses conséquences sur la transformation de l’État, des politiques menées par les États.

Tu peux écouter, lire ou imprimer cet entretien qui date de 2009, il est toujours valable en 2018.